Quand on a été aimé comme ça, on ne peut pas faire de sa vie absolument n'importe quoi.
Oui, c'est ma mère qui m'a appris à lire, et je suis heureux d'avoir appris de cette manière. Avec la méthode syllabique, on peut rapidement tout lire, surtout les mots qu'on ne connaît pas déjà, et qu'on ne comprend pas. Il faut poser des questions, mais pas forcément tout de suite. Il faut aussi rêver, pressentir, deviner, approcher, sentir par la seule syntaxe dans quelle direction on va. Et tant mieux si c'est un territoire encore inconnu, la lecture devient immense et absolue. C'est tellement fort, symboliquement, cette façon de se voir donner tout l'ailleurs, et que la personne qui vous y mène soit celle qui vous ait fait l'ici. Je suis né une seconde fois.
Ce n'est pas le Canyon du Colorado qui fait le relief de la vie, c'est le goût du bonheur et son inquiétude.
Je ne suis pas de mon temps. Je suis de tout mon temps.
Le malheur, c'est de perdre quelqu'un. Le bonheur, c'est d'avoir quelqu'un à perdre.
C'est bouleversant, cette façon qu'ont les enfants de prendre à contre-pied tout ce qu'on croit savoir de leur maturité. Bien sûr, ce n'est pas la première fois, mais à chaque fois on est surpris.
Même s'il était vrai que la philosophie apporte la sagesse, même s'il était vrai que l'au-delà existe, il serait tellement étroit de vivre contraint, restreint, de vivre la vie comme s'il fallait lui échapper.
Une fille me regarde. Je n'y comprends rien. C'est un vertige, une stupéfaction, un raz de marée. Cela doit se passer ailleurs, sur une autre planète. Les choses ne sont pas comme ça. Une fille que je regardais se met à me regarder. Par définition, une fille que je regarde, c'est une fille qui ne me voit pas. Mais celle-ci me regarde, et le monde bascule.
Peut-être avons-nous été tous les deux trop orgueilleux pour nous livrer, pour entrer dans la danse. Je crois qu'un même sourire nous vient aux lèvres en contemplant l'aisance de ces gestes qui nous resteront étrangers.
Mais mon rêve n'était pas celui-ci, et s'inscrivait dans une autre dimension : rencontrer par ce qu'on a écrit quelqu'un qu'on n'aurait pas rencontré autrement.