Les grandes batailles navales : La Hougue

L'album s'ouvre sur la rade de Brest, le 26 mars 1692, et sur une préface qui situe précisément mais clairement le contexte des événements ici peints et contés.
Car, ce magnifique album est un mélange des genres, à la fois "Peinture de Marine" et "Histoire" reconstituée.
Jean-Yves Delitte est peintre officiel de la Marine, membre titulaire de l'Académie des Arts et Sciences de la Mer.
Mais, il a publié ses premières planches dans le journal de Tintin.
Il semble donc avoir dans son ADN la peinture, la bande-dessinée mais aussi la mer, l'histoire et l'aventure.
Cet album fait partie d'une collection ambitieuse : "les grandes batailles navales".
"Trafalgar", "Lepante", "Salamine", "Actium", "Gravelines", "le Bismarck", "Midway" et quelques autres folies guerrières de l'homme sur la mer y sont contées avec grand talent et souffle du large.
"La bataille de la Hougue", longtemps, a été mal comprise, et Tourville, vice-amiral de la flotte française, a été longtemps vilipendé par les manuels d'histoire qui, comme chacun le sait, ne s'intéressent souvent qu'aux grandes batailles terriennes et aux dessous politiques sournois.
Et, pour bien comprendre, et soupeser l'importance historique de ce qui se joua en face de la Hougue, en ce début du mois de juin 1692, un dossier historique de sept pages est ajouté en postface de l'album de Jean-Yves Delitte.
Pour en savoir plus encore, l'amateur peut se plonger dans "la légende de la Hougue" écrit par G. de Raulin et publié, en 1942, aux éditions "Baudinière".
Là, est peut-être redressée pour la première L Histoire qui avait été autrefois tordue.
Jean de la Varende, dans sa magnifique et très complète biographie, "le maréchal de Tourville et son temps", parue aux éditions de Paris en 1943, a fait aussi aussi le compte avec passion de ce que l'histoire officielle contenait de rumeurs et d'accusations non fondées à l'égard de son grand homme.
Ainsi que Paul Chack, car il me semble que perdus quelque part dans son oeuvre dédaignée de collaborateur sont expliqués les véritables enjeux de l'affaire de la Hougue.
Mais là, il vous faudra chercher, la mémoire me fait un peu défaut parfois.
Toujours est-il que l'album de Jean-Yves Delitte est magnifique.
Et que, si vous allez aux premiers beaux jours flâner sur les remparts du "tour de la Hougue", cette magnifique promenade, gardez-le à la main afin de le relire, allongé dans l'herbe haute sous les tamaris, face à ce bord de mer qui fut tragique et qui, aujourd'hui, incite plutôt à la baignade et à la lecture ...

Le roi James (Jacques II d'Angleterre) est exilé en France auprès de son cousin Louis XIV.
Une période de notre histoire fourmillant d'espions des deux bords, catholiques en France contre les huguenots anglais. concisément décrite et expliquée avec le cahier pédagogique, cet ouvrage est très instructif.
L'apparence générale des dessins retrace bien l'ambiance et l'atmosphère du paysage et de l'action présente. Comme à l'accoutumé le dessin des figures n'est pas attrayant, ni esthétique, mais les descriptions et les techniques de constructions des navires sont magnifiquement représentées, en particulier avec les doubles pages superbes.

Nous sommes en 1692.

Louis XIV se propose d'aider son cousin, le roi catholique déchu James II d'Angleterre, et met à sa disposition une puissante escadre pour l'aider à embarquer une armée de plus de vingt mille hommes pour reprendre son trône à Guillaume d'Orange.

Le 12 mai 1692, ordre est donné à la flotte de quitter Brest alors qu'elle n'est pas encore complète, mais personne n'oserait contrarier les ordres du roi.

Le Comte de Tourville sur son vaisseau amiral le "Soleil Royal" à la tête d'une flotte de 44 vaisseaux prend la direction de la Manche.

Les navires anglo-hollandais, estimés à une soixantaine tout au plus, sont dans leurs ports, leurs équipages émoussés et incomplets.
En outre, Guillaume d'Orange se trouve dans les Flandres et ne pourra dès lors donner une réplique d'envergure à l'attaque française.

Mais l'escadre française va avoir une très mauvaise surprise le 29 mai au large de Barfleur, où elle rencontre une flotte de plus de 90 navires ennemis.
Malgré ce ratio de un contre deux, le Comte de Tourville décide de faire face et attaque l'ennemi.

Contre toute attente, la flotte française force les Anglo-hollandais à rompre le combat, remportant ainsi une très belle et inattendue victoire.

Le Soleil Royal a cependant subit de lourds dégâts dans la bataille et ordre est donné de rejoindre Cherbourg.
Il sera échoué le 1et juin à la pointe du Hommet pour débarquer les troupes et les canons avant d'être incendié par des brûlots anglais.
L'Admirable sera également échoué sur les Mielles et le Triomphant près de l'embouchure de la Divette.

Pis encore, la flotte est éparpillée et de Tourville ne dispose plus que d'une douzaine de navires, regroupés dans la baie de la Hougue.
Et le pire est encore à venir avec l'arrivée de la flotte anglo-hollandaise.

Ordre est donné d'échouer les navires sur les plages de la Hougue pour sauver ce qui peut encore l'être.
Une quinzaine de navires auront donc été perdus, mais une grande partie de leur armement et leurs équipages auront pu être sauvés.

La victoire de Barfleur laisse ainsi la place au désastre de la Hougue...

Cette BD nous retrace, hélas, une défaite française face à la marine anglaise.
L'album est excellent, le scénario solide et captivant.
Par rapport aux autres albums que j'ai lu, il me semble que les dessins de visages se sont affinés, d'où ma cinquième étoile.