Quel pays illustre mieux que l'ex Yougoslavie les ruptures fratricides et meurtrières d'un équilibre politique qui se rompt ?
Ivan, dit Jimmy, est croate , Nada serbe et Damir son cousin aussi. Ils ont vingt ans, aiment le rock, se retrouvent tous les étés à Vukovar pour rire, bronzer, écrire ou faire de la musique en rêvant de la gloire que leur apportera leur dernier tube dont le titre provocateur leur donne des airs de Sex Pistols yougoslaves, "Fuck you Yu"...
Yu, pour Yougoslavie, leur pays à tous les trois, qu'ils malmènent affectueusement en paroles pour accélérer sa modernisation, son évolution protégée du grand frère russe par la houlette de Tito.
Mais Tito, justement, meurt. Et soudain Nada se sent serbe, Jimmy par opportunisme rallie la scène croate qui a besoin d'un chantre national et Damir fuit à l'étranger ne reconnaissant plus son pays.
Les voici devenus frères ennemis.
Brothers in arms, chante Dire Straits.
Le récit épouse et confronte tous ces points de vue. Sans choisir. Il jette aussi dans la mêlée un quatrième personnage,
Pierre Yves, un rebel without a cause, qui va s'en trouver une: mourir pour Vukovar comme d'autres l'ont fait en leur temps pour Madrid.
La Croatie, il ne sait même pas où c'est sur une carte. Il n'a jamais parlé la langue. Ses compagnons d'armes le trouvent louche, ce Français qui n'a même pas l'air d' avoir peur alors qu'il est juste sans repère.
La guerre radicalise les positions, les propos, tend et fait éclater les relations les plus fortes, dissipe les illusions, ventile les a priori.
Façon puzzle.
Elle fait littéralement table rase.
. Dans ce champ de ruines, qui reconnaîtra la Yougoslavie ? Fuck you, Yu... Même la chanson est prise à contre sens...
Un beau récit polyphonique assorti d'une bande son très rock qui l'habille comme un perfecto clouté. Et troué de balles.
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Through these fields of destruction
Baptisms of fire
I've witnessed your suffering
As the battle raged high...
Merci encore une fois à Idil qui a déniché cette pépite ! Il va sans dire que j'ai adoré.