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sur 102 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Comme une bête »

D'abord, il y a le bruit. Celui de la chaîne de production. Les « clacs » qui claquent au mouvement des bovins dans leur danse macabre sur les rails qui les transportent le long des différentes étapes de leur transformation.
Et puis, il y a la chair. Que l'on transperce, que l'on coupe, que l'on incise au moyen des lames que tiennent les ouvriers.
Enfin, il y le sang. Qui coule. Partout. Sur tout.

C'est un rythme. C'est celui de la machine. Celui qui transforme les bêtes en viande prête à consommer.
Suivre la cadence, qui augmente sans cesse pour plus de productivité, plus de profit. Une cadence qui augmente sur la décision de quelques hommes, « les patrons ». Ceux qui ont le pouvoir. Ceux qui ont les moyens de choisir. Une cadence que l'on fait subir aux hommes qui produisent, « les ouvriers ». Ceux qui n'ont pas le pouvoir et pas les moyens de choisir. Toujours plus. Peu importe les conséquences.
C'est un rythme qui transforme les corps en viande.

Le bruit. La chair. le sang. La mort au bout du couteau. Pour les bêtes. Pour les hommes ?

Timothée Demeillers, dans son deuxième roman, « Jusqu'à la bête », découpe la vie d'Erwan, jeune employé d'un abattoir près d'Angers pour nous plonger dans les tréfonds de son âme et de sa condition d'ouvrier, en France, aujourd'hui.
Son écriture est comme une lame. Elle incise sans pitié, ni pathos. À travers une atmosphère, que j'ai tenté simplement de restituer dans cette chronique, elle montre une condition humaine que l'on voudrait ne pas connaître.
Car plus des bêtes, il s'agit des hommes dans ce livre. de leur condition sociale. Et de leur transformation au rythme de l'usine, au rythme des « clacs » de la machine qui tombent comme des couperets.
« Jusqu'à la bête » ?

Lu en octobre 2017.

Mon article sur Fnac.com/Le conseil des libraires
Lien : https://www.fnac.com/Jusqu-a..
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Erwan est en prison à Rennes depuis deux ans.
Pourquoi ?
On ne le saura qu'en fin de livre.
Avant, il travaillait à l'abattoir d'Angers.
Boulot épuisant, éprouvant, sans répit.
Dans le sang et les odeurs.
Des cadences difficiles à suivre.
Clac
clac
clac
le bruit de la chaîne qui continue et ne s'arrête pas.
Clac
clac
clac
Même quand on est rentré chez soi.
Heureusement, il y a Laetitia, la jeune saisonnière, un rayon de soleil dans ce monde inhumain.
Même chez les plus jeunes, un seul espoir, un seul objectif, la retraite.
Pour sortir de cet enfer.

Un livre aussi magnifique qu'il est noir et plombant.
Pas de chapitres.
Tout s'enchaîne
Clac
clac
clac
une écriture qui ne laisse pas de répit, comme cette chaîne obsédante.
Qui nous plonge au coeur de cette vie automatisée, inhumaine.
Cette vie qui sent le sang du bétail qu'on tue, qu'on dépèce, qu'on trie, qu'on transporte......
Une écriture qui nous emmène au sein de l'abattoir.
Une écriture qui dénonce les conditions de vie inacceptables de tant de gens qui travaillent dans toutes ces chaînes, ou autres emplois difficiles, pour un salaire misérable qui leur laisse juste de quoi vivre.
Quel autre espoir que la retraite ?
Mais dans quel état physique et psychique seront-ils ?
Auront-ils encore la force d'en profiter ?
Ce sujet de la condition au travail est peu traité en littérature.
A part dans le très beau livre de Joseph Ponthus : A la ligne : feuillets d'usine.
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Dans un abattoir des environs d'Angers, Erwan trie les carcasses de vaches dans un frigo. Une vie rythmée par le claquement régulier des crochets à viande et le bruit des scies. Abruti par son travail répétitif, se sentant vieillir bien avant l'âge, usé par les gestes répétitifs et le froid, Erwan n'a d'autre horizon que l'usine avec, peut-être pour seule lueur si ce n'est d'espoir, au moins de rêve d'évasion, Laëtitia, l'intérimaire venue pour faire la saison.
Quelques années plus tard, le tic-tac de l'horloge de la cellule de prison a remplacé le clac de la chaîne de l'abattoir et, entre les monologues de son codétenu yougoslave et le vide bruyant de la télévision, Erwan pense à sa trajectoire, à la vie qui a fini par le mener là.
Jusqu'à la bête n'est pas un manifeste vegan, disons-le tout de suite, même s'il fait nécessairement une place à la réflexion sur la manière dont est produite la viande industrielle ; celle que l'on retrouvera dans les barquettes des hypermarchés, les hamburgers des fastfoods ou les plats préparés surgelés. Timothée Demeillers, de fait, n'a pas choisi de placer son personnage dans une usine de boulons et ce n'est pas innocent. La mise à mort industrielle avec tout ce qu'elle comporte d'absence d'émotions, d'hygiénisme à outrance qui ne suffit malgré tout pas à nettoyer les consciences de ceux qui doivent tuer et dépecer à la chaîne, la réification du vivant jusqu'à l'obtention d'un produit qui semble créé ex-nihilo fait bien entendu écho à la déshumanisation de l'ouvrier devenu un outil comme un autre, interchangeable et incapable de sortir de cette condition jusqu'à, nous dit Erwan, espérer la retraite tout en craignant qu'elle ne l'achève faute de pouvoir être autre chose que cet objet animé que l'entreprise a modelé pendant des décennies.
C'est tout ce cheminement, de la déscolarisation à l'opportunité d'obtenir un CDI dans la seule entreprise viable d'une marge en crise, puis la perte progressive des quelques rêves qui restent, que décrit Timothée Demeillers à travers la voix d'Erwan. L'abrutissement par le travail et ce que l'on prend pour supporter la cadence, les relations sociales superficielles entre des gens qui, en fin de compte, n'ont en commun que l'usine, le fossé entre ces ouvriers et les cadres qui semblent ne voir en eux que des machines – au mieux – ou d'autres carcasses – au pire – et, finalement, parfois, la façon dont tout cela finit par déborder à force de frustrations et d'humiliations.
Timothée Demeillers donne la parole à Erwan et le laisse conter tout cela jusqu'à l'inéluctable fin ; il le fait avec une plume précise, non pas sèche mais sans affèteries – ce qui n'empêche ni de faire sentir et entendre l'abattoir ni de donner au texte une beauté trouble – et offre à lire un roman social de grande qualité.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Un roman fort sur un sujet hypocritement ignoré, celui de l'enfer quotidien de ceux qui travaillent dans les abattoirs. Tout ce que ne montrent pas les
barquettes de viande, propres et appétissantes, de nos supermarchés. Les obsessions d'Erwan nous éclaboussent, comme le sang des vaches qu'on dépèce. Un texte très réaliste, un style dépouillé, une écriture efficace, et la découverte d'un monde qui gêne. A lire parce que c'est aussi ça, notre société et que la vision qu ‘en donne Timothée Demeillers sonne très juste.
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Davantage orientée vers les auteurs hispanophones nous proposant des récits urbains, plutôt nerveux, les éditions Asphalte ont accueilli dans leur catalogue un écrivain français plutôt surprenant, Timothée Demeillers, dont le premier roman, Prague, Faubourg Est, publié en 2014, était passé plutôt inaperçu. Il en va tout autrement avec Jusqu’à La Bête qui s’intègre dans l’actualité liée au spécisme en dépeignant l’univers âpre et aseptisé des frigos de ressuage d’un abattoir se situant à la périphérie de la ville d’Angers. Le récit entraîne le lecteur dans la lente et impitoyable déshumanisation de l’ouvrier abruti par le rythme infernal des cadences, ceci bien au-delà de l’atmosphère pesante de mise à mort de l’animal régnant sur les lieux, tandis que les carcasses sanguinolentes se succèdent afin d’être dépecées dans une succession de terribles gestes quotidiens.

La prison. Le claquement des portes d’acier qui se referment résonne dans la tête d’Erwan comme un souvenir accablant dont il ne peut se défaire. Un claquement qui lui en rappelle un autre. Un claquement signalant l’apparition de la prochaine carcasse que l’on achemine sur le rail. Un claquement infernal rythmant toute son existence d’ouvrier au sein de l’abattoir qui l’employait autrefois. Un claquement terrible qui s’est imprimé au plus profond de son âme tout en l’entraînant vers cette folie insidieuse qu’il n’a pas vu venir. Un claquement qui l’a poussé à commettre cet acte terrible et irréparable. Il n’y avait rien à faire pour l’en empêcher. Erwan en est désormais certain car il se souvient de tout. Il faut dire que ce maudit claquement résonne toujours dans sa tête.

Près d’un siècle sépare Les Temps Modernes de Chaplin et Jusqu’à la Bête de Timothée Demeillers et pourtant, ce sont toujours les mêmes rouages qui broient l’humain que ce soit au sein de l’usine qui engage Charlot ou de l’abattoir qui emploie Erwan. L’abrutissement à la tâche reste identique et Timothée Demeillers dépeint cette logique infernale avec une écriture obsédante permettant d’appréhender la lente déshumanisation de son personnage dont on perçoit le parcours au gré des souvenirs qu’il ressasse dans la cage dans laquelle on l’a désormais enfermé comme un animal que l’on conduirait à l’abattoir. Loin d’être un plaidoyer pour la cause végane, il faut admettre qu’au-delà de la pénibilité des taches répétitives, c’est bien évidemment le reflet avec la terrible destinée de l’animal que l’on dépèce, jusqu’à devenir la pièce de viande qui va atterrir sur les étals des supermarchés ou sur les grills des fast-foods, qu’il faut distinguer cette dimension imagée, presque organique, de la transformation d’Erwan pour incarner cette bête désemparée, acculée à commettre l’irréparable pour survivre. Outre le contexte terrifiant de l’abattoir, la lente aliénation d’Erwan se construit également sur une logique de déscolarisation pour s’instiller tous les soirs, après le travail, dans les formats télévisuels ineptes dont l’auteur nous livre quelques extraits pertinents, nous permettant d’en saisir toute la portée à la fois ironique et dramatique. Loin des discours pontifiants et moralistes, Jusqu’à La Bête est un roman noir emprunt de quelques espoirs qui s’écroulent pourtant les uns après les autres, à l’exemple de cette brève histoires d’amour avec Laëtitia, une intérimaire estivale et dont la rupture par SMS nous renvoie à nouveau vers cette déshumanisation que l’on distingue dans toutes les strates de l’environnement social d’Erwan.

Avec Jusqu’à La Bête, Timothée Demeillers s’emploie également à dresser un tableau sans fard de l‘entourage des ouvriers. Cela va des instances politiques qui ont démissionnées et dont ils n’attendent plus rien, au clivage entre salariés et cadres qui s’isolent dans un système de caste d’un autre âge, en passant par les rêves perdus des collègues qui n’attendent plus grand-chose de l’avenir. Car perçu comme un privilège, l’obtention d’un emploi, aussi pénible soit-il, dans un environnement miné par le chômage, devient un piège pour l’ouvrier qui se trouve contraint d’accepter toutes formes d’avilissement et d’humiliation qui le conduiront à la perte de tous repères. Ultime soubresaut de celui qui ne peut accepter l’inéluctable, la tragédie se met en place avec une sobriété à la fois cohérente et implacable, car le crime ne devient plus qu’une conséquence au sein d’un univers brutal, complètement désincarné. Terriblement noir et cruel.

Timothée Demeillers : Jusqu’à La Bête. Editions Asphalte 2017.

A lire en écoutant : Out Getting Ribs de King Krule. Album : 6 Feat Benath The Moon. 2013 XL Recording.
Lien : http://monromannoiretbienser..
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JUSQU'AU POÈTE

Quel est le lieu banni pour faire la fête ? Non, ne répondez pas un abattoir par pitié. Un lieu longtemps tenu secret dont on a découvert l'envers du décor il y a quelques années avec les vidéos de L-214, montrant l'ampleur des dégâts. Clac. C'est avec cette toile de fond que Timothée Demeillers nous embarque dans la tête d'Erwan, ouvrier près d'Angers. le planton des frigos, celui qui entend le bruit des carcasses qui se percutent. Clac. Au rythme d'une cacophonie brutale et aliénante, Erwan résiste puis survit jusqu'à l'inéluctable. Au bord de l'ennui, à combler le vide comme il peut, à penser qu'à force de tuer des vaches il n'en resterai bientôt plus. Quinze ans d'usine à attendre une fin.



L'auteur avec un talent musical et poétique vous fera sourire, parfois même rire au rythme d'une acuité lumineuse sur ce que sont nos vies gouvernées par les émissions de télévision. Un roman sur la vie ouvrière que l'on a façonnée sans leur en
donner les moyens. Merveilleux hommage sur ce rythme incessant de travail où chacun d'eux tente de sortir la tête de l'eau, harassé par la fatigue et le quotidien répétitif. Clac. Survient alors « l'évènement », celui dont on ne sait encore rien mais dont on connait l'issue : l'enfermement. Timothée Demeillers sème des indices et brouille les pistes tout au long du roman pour garder une tension permanente au coeur de l'esprit de ce personnage attachant. Tel un Hérault des classes populaires. Il ne finit parfois pas ses phrases pour que vous continuiez la lecture. Inutile de vous dire que celà marche au-delà du réel. Clac.

Et puis il y a les ouvriers autour, les fameux collègues de travail, parfois racistes ou machistes, votant rassemblement national comme dans tout milieu professionnel. Avec humour et étant parfois à la limite du slam, dans une scansion lumineuse, on aperçoit la poésie derrière le mal. On s'émerveille de la faculté à retranscrire les corps usés, déchirés pendant quarante ans pour aboutir à une retraite méritée mais inutilisable tant les articulations ne fonctionnent plus comme avant. Ces corps qui sont façonnés au travail perpétuel ne supportant pas le repos. Clac. Comme une ritournelle, on observe les bruits de la chaine et de la viande sanguinolente qui défile. Ces animaux qui finissent en brochettes dans votre supermarché préféré, si propre de l'extérieur, si sombre de l'intérieur. Clac.

Car oui, nous apprenons aussi beaucoup de choses dans ce roman sur la traçabilité des bêtes, sur la productivité effrénée à l'aune d'une soi-disante ère nouvelle écologique. On parcourt le métier exclusivement masculin excepté pour les saisonniers. On apprend que les mauvais morceaux de viande sont envoyés à nos amis italiens et grecs. Clac. On s'interroge forcément sur notre consommation de viande après avoir lu ce roman, on questionne notre société sur ce qu'elle est en train de créer depuis des années dans l'instrument de torture qu'est le travail. On parcourt les vies de Mirko le codétenu, d'Audrey la confidente et de Laetitia la copine déchue. Nourrir le vide. Rares sont les personnages de la trempe d'Erwan, rares sont ceux qui viennent nous accompagner autant de temps après la lecture. Lisez-le. Absolument. Clac.

Rencontre @vleel_ merveilleuse avec l'auteur bientôt en replay sur YouTube et podcast.
A l'occasion de la sortie en poche de l'ouvrage qui inaugure la collection poche d'asphalte.
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Une fois commencé, impossible de lâcher ce roman. Erwan nous raconte sa vie, son travail à l'abattoir d'Angers et surtout nous tient en haleine jusqu'au bout pour savoir pourquoi il se trouve en prison. Ce qu'il appelle « l'événement » ne sera révélé qu'à la toute fin du livre.
L'écriture de Timothée Demeillers est puissante et rythmée. Il arrive à faire ressentir les odeurs, les bruits de l'usine et le sang. La cadence également, avec les « clacs » de la chaîne qui reviennent régulièrement dans le texte. Erwan est affecté au poste des frigos. Il tri les demi-carcasses de viandes qui arrivent par la chaîne. Et on lui demande d'en trier de plus en plus. La cadence augmente encore et toujours. le maître mot est la rentabilité.
C'est un roman notamment sur la condition sociale, le mépris d'une classe pour une autre, les cols blancs vis-à-vis des ouvriers. La déshumanisation et les nouvelles techniques managériales sont pointées. La pénibilité du travail et les corps usés sont aussi au coeur de ce roman. Et cela résonne tout particulièrement en cette période où l'augmentation de l'âge du départ à la retraite est au coeur des débats.
On ressent un milieu assez dur, très masculin et macho, avec des blagues poussives. Erwan est lassé de tout cela. Il est en souffrance. Sa famille est une bouffée d'air, tout comme sa rencontre avec Laetitia, une saisonnière.
Timothée Demeillers s'est inspiré de son expérience personnelle. Il a travaillé pendant 4 mois dans un abattoir, en été, lorsqu'il était étudiant. Il a rencontré les personnages que l'on croise dans le livre.
On pense forcément à Joseph Ponthus et son roman « A la ligne » où le narrateur est aussi un ouvrier mais dans une usine de poissons, un abattoir de Bretagne.
Vous aurez peut-être envie d'arrêter ou de réduire votre consommation de viande après cette lecture. Mais Timothée Demeillers ne porte aucun jugement. Ce n'est pas un livre militant. En tout cas on en apprend beaucoup sur le métier et le milieu des abattoirs, tout en réfléchissant à notre rapport à l'animal.
A la fin du livre, vous trouverez une playlist pour rester dans l'ambiance du roman.
Il a été multi-sélectionné pour des prix. L'auteur a d'ailleurs eu le prix Hors Concours en 2021 pour son roman « Demain la brume ».
« Jusqu'à la bête » vient de sortir dans la toute nouvelle collection poche d'Asphalte, l'occasion de se faire plaisir à petit prix et de plonger dans une atmosphère particulière ! Foncez chez votre libraire et ne manquez surtout pas cette pépite !
Quant à moi, j'ai hâte de lire son prochain roman qui aura pour thème les Sudètes.
Lien : https://joellebooks.fr/2023/..
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Erwan est en prison, pour un acte que l'on n'apprendra qu'à la fin de ce roman social, qui s'attache avant tout à décrire les conditions de vie et de travail de ce jeune homme qui a été ouvrier en abattoir. Une expérience qu'a connue l'auteur, Timothée Demeillers, pendant quelques mois, mais qui va façonner Erwan année après année, à travers le froid, la répétition des gestes, les blagues le plus souvent misogynes et racistes de ses collègues, le mépris des cols blancs, l'espoir d'un amour avec Laetitia, jeune intérimaire à la confection des brochettes.
Et le bruit, les clac clac clac de la chaîne, l'abrutissement de la cadence sonore et gestuelle, l'accumulation des corps saignés, du sang qui coule à gros bouillons, l'oubli dans l'alcool.
C'est un roman d'ambiance où l'on sent monter l'irréparable sans pouvoir l'identifier. C'est un roman où l'on se prend à espérer que la famille, les nièces d'Erwan et leurs jeux enfantins, la solidarité entre collègues, l'amour de Laetitia, soient autant de perches qui le feront résister, surnager.
C'est un récit haché et ininterrompu à la première personne, bercé d'une playlist sans complaisance, qui résonne particulièrement fort alors que l'âge de la retraite est au coeur des débats.
Un livre qu'il ne faut pas laisser passer alors que sa version poche vient de sortir !
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La tête contre les murs de l'usine à viande.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/09/15/note-de-lecture-jusqua-la-bete-timothee-demeillers/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Un bruit, répétitif, métallique, des carcasses de viandes qui s'entrechoquent, qu'il faut compter, trier, équarrir, finir de dépecer, patauger dans le sang, et cette odeur, odeur de mort qui imprègne les vêtements, mais aussi la peau, jusqu'aux os.
Ce quotidien est celui d'Erwan, ouvrier à la chaîne dans un abattoir depuis quinze ans.
Sa famille aimerai le voir en couple, vivre normalement, comme eux, avec un petit pavillon de banlieue, des enfants.
Mais comment arriver à séduire, comment parler de ce travail sans faire fuir, sans faire peur ?
Comment parler de ces cauchemars à répétitions qu'on cherche à faire disparaitre dans l'alcool et la drogue, qu'on arrive plus à se lever suite aux excès du samedi soir, à perdre la notion du temps, à louper le lundi ?
Comment faire comprendre qu'on ne quitte jamais la chaîne, ces carcasses, ces tendons, ces boyaux, ces rivières de sang, et ce bruit métallique, répétitif, qui peut rendre fou ?
La description de Timothée Demeillers du travail dans les abattoirs est clinique, précise, froide.
Le style est tranchant, des phrases courtes qui rythme un récit poignant.
Il arrive à parler d'hommes et de femmes qu'on oublie, qu'on ne veut pas voir, qui sont le plus souvent sacrifiés par des gouvernants, des décisionnaires, que l'on pousse à bout, au bout de la chaine, jusqu'à l'épuisement, jusqu'à la bête
Livre indispensable, nécessaire, dérangeant, à faire lire au plus grand nombre.
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