AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

4.3/5 (sur 2068 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Reims , le 04/09/1978
Mort(e) à : Lorient , le 24/02/2021
Biographie :

Écrivain de son vrai nom Baptiste Cornet.
Après des études de littérature à Reims et de travail social à Nancy, il a exercé plus de dix ans comme éducateur spécialisé en banlieue parisienne où il a notamment dirigé et publié "Nous... La Cité" .
Il chroniquait également, jusqu’en 2015, le quotidien de sa vie "d’éducateur de rue" dans un journal libertaire.

En 2015, il devient ouvrier intérimaire, principalement dans l'agro-alimentaire. Il se met alors à écrire son premier roman, un livre sans ponctuation qui se lit comme un long poème témoignant du quotidien à l'usine, de la pénibilité du travail et des divagations induites, intitulé "À la ligne" (2019).

Joseph Ponthus-Le Gurun remporte le Grand Prix RTL-Lire 2019 pour "À la ligne".
Il vivait et travaillait en Bretagne. Il est décédé d'un cancer généralisé le 24 février 2021.

page Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100005186282546
+ Voir plus
Source : https://deces.matchid.io/search?advanced=true&ln=CORNET&fn=BAPTISTE&dd=24%2F02%2F2021
Ajouter des informations
Bibliographie de Joseph Ponthus   (4)Voir plus


Entretien avec Joseph Ponthus, à propos de son ouvrage À la ligne


27/02/2019

À la ligne raconte en profondeur votre expérience d’intérimaire en usine, à traiter du bulot et autres fruits de mer, puis à l’abattoir. Comment vous êtes-vous retrouvé à travailler à l’usine malgré des années d’études supérieures ?

« Omnia vincit amor » disait déjà Virgile dans ses Bucoliques. L`amour triomphe de tout. J`ai tout quitté par amour pour me marier en Bretagne. Je n`ai pas trouvé de travail. J`ai poussé la porte des agences d`intérim et ça a commencé comme ça...



Vous écrivez donc la fatigue de l’ouvrier, l’incertitude de l’intérimaire, mais aussi la drôlerie absurde de certaines situations (ah, le tofu !), les moments de petites joies à l’usine (quand on peut griller une clope de plus ou faire durer une pause au soleil) et les nombreuses références littéraires et musicales qui vous permettent de tenir le choc. Avez-vous écrit ce texte avant tout pour vous soulager de ce que vous viviez alors, ou bien pour rappeler aux lecteurs ce qu’est le travail en usine ?

Il faut toujours savoir d`où l`on parle. J`ai écrit en tant qu`intérimaire, ne sachant si j`allais être reconduit dans mes missions, pour consigner cette immense étrangeté ouvrière que je découvrais. J`ai écrit pour que mon épouse comprenne, un peu, ce que mes mots peinaient tant à lui dire le week-end. J`ai écrit sur Facebook après chaque journée quand je n`étais pas trop ravagé de fatigue. J`ai écrit quand, ravagé de fatigue, il fallait quand même écrire. J`ai écrit en étant sûr d`être renouvelé dans mes longues missions d`intérim. J`ai écrit et Jérôme Leroy, un camarade et ami publié à la Table Ronde, a proposé d`envoyer mes textes à sa maison d`édition qui est devenue la mienne.


Ce premier roman peut se lire comme un pont jeté entre le monde ouvrier et la sphère intellectuelle : est-ce que votre identité se nourrit de ces deux univers ? Selon vous, est-ce que les ouvriers lisent de la littérature prolétarienne, ou même se considèrent comme prolétariens, aujourd’hui ?

Il peut se lire ainsi ou autrement, ce roman comporte autant de portes d`entrées que de retours de lectrices et de lecteurs : ouvriers, psychanalystes, poètes, chômeurs, professeurs, autres. Tous sont lecteurs et y raccrochent leur sensibilité. Ce livre ne m`appartient plus et c`est une dépossession bienheureuse.


Vous citez une de vos tantes dans le livre, qui vous dit : « Mais tout ça en fait on ne peut pas le raconter. » Comment avez-vous trouvé malgré tout la forme, en vers libre et sans ponctuation, et les mots pour dire l’usine ? En le lisant on a l’impression qu’il a été écrit dans un ordre chronologique, à des dates rapprochées, mais peut-être n’est-ce pas le cas ?

On ne peut effectivement pas raconter l`usine. C`est elle l`héroïne de l`histoire, c`est un personnage à part entière qui a imposé son rythme à la forme du roman. Je ne suis pas de taille à lutter avec ses machines, ses chefs, ses bruits et ses cadences, aussi ai-je dû la prendre de biais, par la bande, en douce, dans le secret de la fatigue et de mon écriture pour tâcher de raconter un peu de ma vérité d`ouvrier. Et c`est en écrivant que je me suis affranchi d`elle et que j`ai compris que je n`étais plus un simple ouvrier mais bien un écrivain dont l`usine était devenue l`objet.


Votre éditeur présente ce livre comme votre « premier roman ». Mais vous, considérez-vous ce livre comme un récit, ou bien une fiction ? L’invention paraît plus présente dans la forme que sur le fond, attaché à décrire le réel – même si la fantaisie est parfois bien présente.

L`industrie du livre est autant une industrie que celles des fruits de mer ou de la viande. Peu m`importe l`étiquette. À la ligne est un livre et là est la seule chose qui vaille.


Au fond, ce livre est bien plus poétique que politique, et sans doute d’autant plus efficace pour faire comprendre cette détresse de l’ouvrier, à travers des colères mais aussi des joies. L’avez-vous conçu comme tel au départ, ou bien est-ce simplement votre personnalité qui transparaît ?

Je n`en sais, à vrai dire, fichtrement rien. « Il y a plus affaire à interpréter les interprétations qu`à interpréter les choses, et plus de livres sur les livres que sur autre sujet : nous ne faisons que nous entregloser. » C`est de Michel de Montaigne, évidemment, qui ne faisait que répéter ce que disait déjà Homère. L`amour, la politique au temps d`Henri III, la poésie de Virgile qui aide à penser le monde. Pénélope qui attend et mes bulots comme autant de cyclopes.


Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ces missions à l’usine ? A-t-il changé depuis la parution du livre, depuis que ces semaines de labeur sont devenues matière plus intellectuelle et partagée ?

Ces missions à l`usine sont, pour aujourd`hui, du passé. La direction de l`abattoir à qui j`avais envoyé un exemplaire avant publication n`a pas renouvelé mon contrat. J`ai donc le privilège d`être au chômage pour assurer la promotion du livre un peu partout en France à l`initiative de libraires.



Joseph Ponthus à propos de ses lectures



Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?

Je pense que c`est grâce à Mme Véronique Collard, ma professeure de lettres en première et terminale littéraire, qui avait proposé un groupement de textes autour des romans épistolaires. J`étais jeune, boutonneux, déjà bigleux, je n`avais pas de mobylette et je n`ai jamais su jouer de la guitare. Je n`avais rien pour plaire aux filles. Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos et Les Jeunes Filles d`Henry de Montherlant m`ont appris que je pouvais, parfois, réussir à séduire en écrivant des lettres d`amour.



Quel est le livre que vous auriez rêvé écrire ?

Madame Bovary, évidemment.



Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

Ce sont les Vies minuscules, de Pierre Michon, découvertes quand j`avais 21 ans – en 1999, donc. J`ai eu l`impression d`être le roi du monde à la lecture de ces pages drues et foisonnantes et d`être l`unique détenteur d`un trésor. Quand je me suis rendu compte que ce livre était paru en 1984 et que je n`étais qu`un de ses lointains adorateurs, j`en ai été flatté. De voir qu`il était encore possible d`écrire comme ça aujourd`hui et d`être aimé pour ça. Et même si je leur préfère depuis Vie de Joseph Roulin, elles furent un tremblement.



Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Les Trois Mousquetaires, Vingt ans après, Le Vicomte de Bragelonne. La trilogie d`Alexandre Dumas dans son plus grand génie. Car si tout le monde a lu, lit ou lira Les Trois Mousquetaires, ce chef-d`œuvre absolu de style, de panache et d`amitié, c`est en vieillissant que nos amis D`Artagnan, Porthos, Aramis – que je n`ai jamais pu blairer sauf justement dans ce génial passage de Bragelonne où il devient Général des Jésuites – et Athos – ah mon Athos, si tu savais comment je rêve d`être à ta hauteur de bouteilles vidées dans le premier tome puis de classe, de sagesse, de pureté, de noblesse – acquièrent ce qui fonde l`esprit du roman. La douceur de la nostalgie, des amis perdus, de la vieillesse qui arrive pas à pas, et qu`on éloigne encore une fois à coup d`épée.



Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

Il ne s`agit pas d`une honte mais d`un défi. Un jour, je parviendrai à lire et apprécier La Recherche de Marcel Proust. Elle me résiste encore. J`ai beau essayer comme tous les 5 ans de m`y atteler, je ne suis pas encore mûr. J`abandonne au bout de 20 pages tant il m`emmerde, le Marcel. Et pourtant que j`ai connu de Proustiennes et Proustiens frénétiques et enthousiastes qui me conseillaient même de commencer par Albertine disparue, de loin le meilleur, paraît-il... Rien n`y fait. Mais un jour viendra, j`en suis certain.



Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

Sans aucune hésitation, Le Journal d`un manœuvre de Thierry Metz, ainsi que je l`explique au chapitre 19 d`À la ligne.



Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

Pierre Corneille a tout faux au regard de Jean Racine. Et qu`on ne me sorte pas qu`il peint les hommes tels qu`ils devraient être alors que Racine tels qu`ils sont. Corneille est une hérésie littéraire et stylistique.



Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

Je parlais de la Bovary et elle est fatalement dedans, si connue et si parfaite : « (…) comme si la plénitude de l’âme ne débordait pas quelquefois par les métaphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner l’exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »



Et en ce moment que lisez-vous ?

J`ai la chance de lire les services de presse des auteurs avec lesquels je suis invité en rencontres, signatures et débats. Ce sont mes « devoirs » auxquels je m`astreins avec joie. J`ai la chance de lire aussi des livres que m`offrent des libraires suite à nos rencontres. Sinon, je relis mes classiques et mes amis, Jérôme Leroy donc, dans ses magnifiques poèmes Un dernier verre en Atlantide et Sauf dans les chansons (en attendant Nager vers la Norvège à paraître en mars à La Table Ronde), ma chère Jane Sautière chez Verticales et La Société du spectacle de Guy Debord, pour me prémunir en ces périodes d`interview...



Découvrez À la ligne de Joseph Ponthus aux éditions la Table Ronde :




Entretien réalisé par Nicolas Hecht.






étiquettes
Videos et interviews (30) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de

Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv : https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/ N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie. Voici un livre qui va vous secouer, vous emballer, vous épater ! Car il est traversé de part en part par un souffle grandiose. « A la ligne », premier roman de Joseph Ponthus est publié aux éditions La Table Ronde

Podcasts (5) Voir tous


Citations et extraits (461) Voir plus Ajouter une citation
L'autre jour à la pause j'entends une ouvrière dire à un de ses collègues
Tu te rends compte aujourd'hui c'est tellement speed que j'ai même pas le temps de chanter » Je crois que c'est une des phrases les plus belles les plus vraies et les plus dures qui aient jamais été dites sur la condition ouvrière
Ces moments où c'est tellement indicible que l'on n'a même pas le temps de chanter
Juste voir la chaîne qui avance sans fin l'angoisse qui monte l'inéluctable de la machine et devoir continuer coûte que coûte la production alors que
Même pas le temps de chanter

Page 193, La Table ronde, 2019.
Commenter  J’apprécie          911
À l'usine
L'attaque est directe
C'est comme s'il n'y avait pas de transition avec le monde de la nuit
Tu re-rentres dans un rêve
Ou un cauchemar
La lumière des néons
Les gestes automatiques
Les pensées qui vagabondent
Dans un demi-sommeil de réveil
Tirer tracter trier porter soulever peser ranger Comme lorsque l'on s'endort Ne même pas chercher à savoir pourquoi ces gestes et ces pensées s'entremêlent
À la ligne

Page 16, La Table ronde, 2019.
Commenter  J’apprécie          770
Certains ayant vécu une expérience de mort imminente assurent avoir traversé un long tunnel inondé de lumière blanche
Je peux assurer que le purgatoire est juste avant le tunnel de cuisson d'une ligne de bulots
Pourquoi donc continuer
Pour maintenir une production dont je n'ai rien à foutre
Pour tester mes limites
Pour me dire que le bulot n'aura pas ma peau mes bras mes reins mon dos et surtout mon crâne C'est la viande verte de mon cerveau qui tient
Qui tiendra

Page 105, La Table ronde, 2019.
Commenter  J’apprécie          741
On dit que l'usine compte deux tiers d'intérimaires pour un tiers d'embauchés
Pourquoi au vu des salaires respectifs
Les patrons doivent savoir
Eux
Pourquoi ce chef aux cheveux poivre et sel ne salue-t-il jamais personne alors que d'autres sont plutôt humains dans ce monde machinal
Quelle part de machine intégrons-nous inconsciemment dans l'usine

Page 22, La Table ronde, 2019.
Commenter  J’apprécie          742
Le matin
Entre mes deux nuits
Je suis là sans y être
Comme si
J'étais en transition
La vraie vie sera à la débauche
Je veux croire que l'usine
J'y suis en transition
En attendant de trouver mieux
Même si ça fait un an et demi quand même que je ne trouve pas
Je veux croire
Que je suis là sans y être

Page 202, La Table ronde, 2019.
Commenter  J’apprécie          704
En entrant à l'usine
Bien sûr j'imaginais
L'odeur
Le froid
Le transport de charges lourdes
La pénibilité
Les conditions de travail
La chaîne
L'esclavage moderne
Je n'y allais pas pour faire un reportage
Encore moins préparer la révolution
Non
L'usine c'est pour les sous
Un boulot alimentaire

Page 11, La Table ronde, 2019.
Commenter  J’apprécie          670
La pause
Cette foutue pause
Espérée rêvée attendue dès la prise de poste Et même si elle sera de toute façon trop courte
Si elle vient trop tôt
Que d’heures encore à tirer
Si elle vient trop tard
N’en plus pouvoir n’en plus pouvoir

Pages 55-56, La Table ronde, 2019.
Commenter  J’apprécie          6715
Quelques jours plus tard je file un coup de main dans une autre équipe
On me parle de son mariage
Ils voulaient se pacser mais avec la nouvelle loi c'est plus simple pour adopter s'ils se marient
Je souris tendrement
Je pense fort à Mme Taubira qui a eu si raison qu'un petit pédé ouvrier puisse avouer à l'usine
Fût-ce plus dur chez ses parents
Qu'il est gay
Qu'il a la loi pour lui
Et même s'il a dû en chier et que le bizutage dut être un peu raide
Ils vont se marier
Au distributeur de canettes je me prends un Perrier à la fin de ma nuit
Champagne

Page 44, La Table ronde, 2019.
Commenter  J’apprécie          6114
Demain
En tant qu'intérimaire
L'embauche n'est jamais sûre
Les contrats courent sur deux jours une semaine tout au plus
Ce n'est pas du Zola mais on pourrait y croire On aimerait l'écrire le et l'époque des ouvriers héroïques
On est au xxre siècle
J'espère l'embauche
J'attends la débauche
J'attends l'embauche
J'espère

Page 18, La Table ronde, 2019.
Commenter  J’apprécie          610
Les heures passent ne passent pas je suis perdu Je suis dans un état de demi-sommeil extatique de veille paradoxale presque comme lorsque l'on s'endort et que les pensées vagabondent au gré du travail de l'inconscient Mais je ne rêve pas
Je ne cauchemarde pas
Je ne m'endors pas
Je travaille

Page 49, La Table ronde, 2019.
Commenter  J’apprécie          610

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Joseph Ponthus (2778)Voir plus

Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4873 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *} .._..