Robinson, « oui-autiste », vit de passionnantes aventures sur son île absente de langage. Son père, l'auteur, professeur de lettres, lui « donne la parole » dans cet émouvant ouvrage. A la piscine, au supermarché, ou encore au parc, nous assistons au quotidien plein d'amour et de bienveillance de
Robinson et de son père, même dans les situations de merde (au sens littéral !). Un roman juste, vrai, rédigé d'une plume délicate et sensible. Bravo Monsieur Demoulin, et encore félicitations pour le prix Rossel 2017 !
LA DOUBLE VIE DE LAURENT DEMOULIN
Laurent Demoulin est professeur d'université, spécialiste de
Francis Ponge et de
Roland Barthès.
Ce Liégeois, qui souffre parfois du syndrome de l'imposteur lorsqu'on l'invite à une conférence dans une université de ce grand pays qu'est la France à côté de la minuscule Belgique, est lauréat du Prix Rossel 2017, appelé également le « Goncourt belge ».
Sa vie ne s'arrête pas à cette belle carrière :
Laurent Demoulin, lorsqu'il n'écrit pas, ne lit pas, ou ne transmet pas son savoir littéraire, s'occupe de son fils
Robinson « oui-autiste » de dix ans.
« Durant cinq jours, mon quotidien est écartelé entre
Barthes, que je lis et relis, et
Robinson, que je suis et resuis, du regard à la trace (…) »
Le laver, « regarder ce qu'il fait », l'aider à se rendre aux toilettes, « regarder ce qu'il fait », rire à l'unisson, « regarder ce qu'il fait », l'accompagne à la piscine, « regarder ce qu'il fait », réparer ses bêtises, « regarder ce qu'il fait », tenter de le rassurer…
L'ABSENCE DE LANGAGE AU COEUR DU RÉCIT
Laurent Demoulin, docteur ès lettres, offre sa maîtrise des mots à son fils, qu'il surnomme
Robinson, en lui « donnant la parole ».
Avec bienveillance, justesse et sans filtre, il nous décrit le monde de son fils, fait de rires et de cris dont il est le seul à comprendre l'origine.
Ce monde, non accessible par le langage, l'assaille de toute part. Même ce père « non-autiste » ne semble parfois pas comprendre ce qu'il ressent.
En faisant la queue à l'entrée de la piscine :
« Quel intérêt trouves-tu, papa, à marcher très lentement, de façon presque immobile, derrière d'autres gens ? C'est à la piscine que je veux aller. », ou à la plaine de jeux : «
Robinson pleure et râle : pourquoi, à peine arrivé, doit-il repartir ? Papa-le-grand-non-autiste est-il devenu fou ? »
UNE VOIE DE COMPRÉHENSION DE L'AUTISME PAR LA PREUVE D'AMOUR D' UN PÈRE À SON FILS
L'autisme peut déranger, susciter des interrogations, gêner. C'est la raison pour laquelle il convient de lire
Robinson, pour démystifier cette maladie :
«
Robinson n'a aucun problème. (…) Mais il en est un. Dans le monde tel qu'il est et tel que de plus en plus il devient. »
Nous sommes avec
Robinson sur son île, nous voyons son père communiquer avec lui grâce à leur « non-langage ».
Nous ne comprenons pas le mode de fonctionnement de
Robinson qui lui est propre, comme nous ne comprenons ni ses gestes ou rituels. Pourtant, dans chaque situation du quotidien, y compris les plus merdiques (au sens littéral !), nous sommes témoins de scènes d'amour.
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