Citations sur Mangez-moi (81)
Je me demande à quel moment j'ai compris qu'il fallait faire beaucoup plus d'efforts qu'auparavant pour continuer à vivre. Simplement à vivre. Je m'étais toujours figuré, je ne sais pourquoi, que l'existence avait la forme d'une montagne. L'enfance, l'adolescence et le début de l'âge adulte correspondaient à la montée. Ensuite, arrivé à quarante ou cinquante ans, la descente s'amorçait, une descente vertigineuse, bien entendu, vers la mort. Cette idée, assez commune je crois, est fausse. Je le découvre un peu plus précisément chaque jour. C'est par la descente qu'on commence, en roue libre, sans effort. On dispose de tout son temps pour contempler le paysage et se réjouir des parfums - c'est pourquoi les odeurs d'enfance sont si tenaces.
Ce n'est que plus tard que la véritable côte nous apparaît, et l'on met bien du temps à la reconnaître pour ce qu'elle est : une pénible ascension qui a la même issue que la folle pente sur laquelle on s'imaginait projeté à pleine vitesse.
Je m'étais toujours figuré, je ne sais pourquoi, que l'existence avait la forme d'une montagne. L'enfance, l'adolescence et le début de l'âge adulte correspondaient à la montée. Ensuite, arrivé à quarante ou cinquante ans, la descente s'amorçait, une descente vertigineuse, bien entendu, vers la mort.
Les vivants continuent d’être avec les vivants. Les morts nous ont quittés, ils sont avec les morts. Mais ce n’est pas si simple. Les morts, à leur manière, sont aussi avec nous. Ils nous parlent, ils nous taquinent en visitant nos songes, ils apparaissent sous les traits, si ressemblants, d’un inconnu croisé dans le bus, ils se manifestent.
Suis-je une menteuse? Oui, car au banquier, j'ai dit que j'avais fait l'école hôtelière et un stage de dix-huit mois dans les cuisines du Ritz.Je lui ai montré les diplômes et les contrats que j'avais fabriqué la veille. J'ai aussi brandi un BTS de gestion, un très joli faux. J'aime vivre dangereusement. C'est ce qui m'a perdue, autrefois, c'est ce qui me fait gagner aujourd'hui. Le banquier n'y a vu que du feu. Il a accordé l'emprunt. Je l'ai remercié sans trembler. La visite médicale? Pas de problème. Mon sang, mon précieux sang est propre, tout propre, comme si je n'avais rien vécu.
Suis-je une menteuse? Non, car tout ce que je prétends savoir faire, je sais le faire.
J'aime lever le rideau de fer pour rentrer chez moi. C'est archaïque et cela me procure un authentique sentiment de puissance. Une fois à l'intérieur, je le baisse à nouveau et je me sens protégée. Cette paupière d'acier qui, en se fermant, m'abstrait du monde - comme parfois un clignement d'oeil suffit à refouler une pensée, une larme - me fait mieux disparaître qu'une porte.
Je m'étais toujours figuré, je ne sais pourquoi que l'existence avait la forme d'une montagne. L'enfance, l'adolescence et le début de l'âge adulte correspondaient à la montée. Ensuite, arrivé à 40 ou 50 ans, la descente s'amorçait, une descente vertigineuse, bien entendu, vers la mort.Cette idée, assez commune je crois, est fausse . Je le découvre un peu plus précisément chaque jour. C'est par la descente qu'on commence, en roue libre, sans effort. On dispose de tout son temps pour contempler le paysage et se réjouir des parfums- c'est pourquoi les odeurs d'enfance sont si tenaces.
Le réel, c'est quand les choses se passent très mal et s'enchaînent admirablement. Le rêve, à l'inverse, c'est quand tout se passe très bien, mais sans lien.
Je ne saurais affirmer qu'il me croit. Quelque chose dans son regard, comme une minuscule plume de mésange qui vole dans le bleu du ciel découpé par un carreau de fenêtre et que l'on pourrait prendre pour un simple reflet, m'indique que le doute s'insinue en lui.
Pour bien faire, il ne suffit pas de suivre la route. Il faut à tout instant la bitumer du goudron onctueux de nos rêves et de nos espoirs, la tracer mentalement en s'efforçant de prévoir les inévitables virages et les inégalités de terrain.
La nuit venue, j'allais visiter notre potager une lampe torche à la main. Je m'accroupissais, les pieds dans la terre, et je regardais les feuilles veloutées de sauge capter l'humidité, s'en recouvrir, s'en gorger. Le romarin dressait ses minuscules poignards dans l'obscurité, comme pour crever les bulles d'eau planant au ras du sol. La ciboulette hautaine, simple tuyau, chevelure unique, drue et verte d'un petit oignon souterrain s'élançait. Le thym rampait, comme une armée de maquisards, regroupé, efficace, serré. Je méditais. Je me reposais. Je recherchais la compagnie neutre des plantes qui ne parlent pas, n'entendent pas, n'ont pas de désir, n'ont que des besoins. J'aurai voulu me modeler sur elles, les imiter.