Je viens de terminer mon dernier
Jean Paul Didierlaurent, que nous appellerons comme il aimait le signer lui-même jpdl.
Jean Paul Didierlaurent. Au quel des quatre voulez-vous parler ? parodiant la célèbre blague concernant
Paul Emile Victor.
Jpdl est parti dans un monde parallèle il y a deux ans. Il avait alors l'âge que je vais bientôt avoir. Saloperie de vie, saloperie de cancer.
Se savait-il condamné ? Après avoir situé ses quatre premiers romans dans des lieux aussi improbable que cette commune perdue au coeur du Larzac qui n'a pour singularité que d'avoir un autre village à l'autre bout de la planète, son opposé (en admettant qu'on puisse tirer un trait passant par le centre de la Terre). Vérifiez : aucune ville, aucun village n'a son double, la plupart du temps, ces lignes imaginaires aboutissent dans l'immensité des océans (70% d'eau, forcément). Bref, après avoir tourné autour du pot, voilà qu'il pose ses valises chez lui, dans le monde qui l'a vu naître et grandir.
Jpdl est né dans le même village que moi, peut-être dans la même salle de maternité (aujourd'hui devenue maison de retraite, logique). Sa mère a peut-être occupé le même lit que ma maman.
Malamute se déroule dans les Hautes Vosges. Alors, bien sûr, je suis de parti pris. le plus beau coin du monde, si toutefois une sphère puisse avoir des coins.
J'ai tout reconnu : le petit lac où se mirent les sombres sapins, les chaumes, la fermette isolée en lisière de forêt, les déviations de la route menant à ce village, une station de sports d'hivers. La Voljoux. Ne cherchez pas son nom sur une carte, ne tapez pas le nom chez Google maps. Vous n'obtiendrez rien. La Voljoux, c'est la Bresse, mais évidemment ça sonne mieux. Dans un roman, comme dans un film, la réalité est toujours plus belle. Il fait toujours beau et quand il pleut, c'est qu'il doit pleuvoir, que l'action ou les sentiments l'exigent. Les personnages sont plus sympathiques ou plus méchants. En tout cas, plus profonds. La Bresse s'est reconstruite en 1945 au confluent de deux vallées : la Vologne et le Chajoux. Vol – Joux. Bien sûr.
Avant d'ouvrir le roman, je ne savais rien des
malamutes. Moi, je croyais qu'il s'agissait d'un nom propre (comme pour Malataverne de Clavel). Un
malamute, c'est un chien de traîneau, plus costaud que les mieux connus huskies.Plus âpres, plus solitaires, plus rugueux. Tout comme les Hauts Vosgiens, à l'image du grand père, Germain, qui vit reclus dans cette ferme sur les hauteurs du village. J'ai tout de suite vu où elle se situait. Si vous me le demandez, je vous y emmènerai un jour de printemps où les jonquilles égaillent les prés et où les ruisseaux chantent.
Germain est un collectionneur un peu particulier.
Et Germain conserve un lourd secret.
Là, on pense un peu à
l'été meurtrier de
Japrisot. Mais non, pas vraiment.
Basile, c'est un dameur. Un gamin qui, comme tous les gamins, rêvait de piloter de gros engins, pelleteuse, bulldozer, 747, navette spatiale... Lui a réalisé son rêve. Chaque hiver, il dame les pistes. Il travaille la neige pour que vous puissiez dévaler les pentes en toute sécurité.
Il y a aussi une fille. Il y a toujours une fille dans les romans. Elle aussi cache un secret.
Et il y a... la neige !
Tant attendue dans ces moments de dérèglement climatique. Quand elle arrive trop tôt, comme cette année-là, à la mi-novembre, ce n'est pas bon signe. A Noël, il ne reste plus rien que ces névés pouilleux et ces bordures sales qui se noient dans les fossés. Alors, on organise une procession pour demander à Dieu d'intervenir.
Malamute ravira d'emblée les natifs de cette haute vallée Vosgienne, mais il n'est pas utile d'être né dans ce petit paradis pour apprécier la plume de jpdl qui, cette fois, se fait un brin plus rude que d'habitude. Comme s'il nous laissait son testament. A la manière d'un
Pierre Pelot, davantage ours que
malamute. Mais Pierrot est originaire de la vallée d'à côté, la Moselle. Rien à voir. Toujours cet antagonisme qui pousse les voisins à se déchirer, alors vous pensez bien, un couple venu d'au-delà des frontières de l'Est !
Un seul regret dans cette plongée « comme à la maison », c'est que le personnage de Germain, 80 ans passés, n'ait pas ces expressions typiquement Vosgiennes (môon ! Pour exprimer l'étonnement, « trempé mouillé » parce que, dans les Vosges, c'est 4 mois de neige, 6 mois de pluie et le reste que du mauvais temps) et l'accent...
Mais, l'accent sur une page, ça ne rend pas.