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3,36

sur 124 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En prenant pour toile de fond le conflit israélo-palestinien, l'auteur nous propose quelques fragments de vie de quatre personnages touchés par ce drame.

Nadr et Khalil sont frères et vivent dans la bande de Gaza. Si le premier aime les livres et les poèmes, Khalil, très tôt attiré par la violence se rapproche du Hamas et se laisse peu à peu embrigader par les forces du Djiad pour gagner la France et y commettre l'irréparable.
Fernando Clerc, depuis son bureau à Paris travaille pour une institution internationale, proche du FMI, chargé de procurer des fonds aux nations en voie de développement.
Amandine, mère désespérée préfère vivre seule, en forêt, pour tenter de préserver le peu d'espoir qu'il lui reste.

Il est difficile d'en dire davantage. «Imago » est une histoire qui se dévoile peu à peu à travers des destins brisés.
Cyril Dion signe un premier roman captivant, porté par une écriture percutante.
Une réelle réussite.



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Une terre, du sang, des larmes
En racontant la vie de Khalil et Nadr dans la bande de Gaza, Cyril Dion décortique la question palestienne et illustre les possibles dérives de cette situation.

https://www.demain-lefilm.com/

Cyril Dion, que l'on connaissait surtout pour son documentaire à succès intitulé Demain, réalisé avec Mélanie Laurent, fait ses premiers pas avec un roman bien davantage à vertu pédagogique que militant. Mais quand bien même, il n'est pas question pour lui de prendre parti dans le conflit qui oppose israéliens et palestiniens, il suffit de décrire les conditions de vie des habitants de la bande de Gaza pour comprendre combien elles sont aujourd'hui à la limite du supportable. Depuis 1967, Rafah n'est plus que l'ombre de la cité qu'elle était avant le conflit avec Israël. Depuis un demi-siècle et quelques conflits meurtriers – sans oublier les acrochages fréquents – le quotidien des habitants ressemble à un mauvais rêve. le narrateur d'Imago nous décrit ainsi celui de l'un de ses personnages principaux: « Nadr habitait au nord de Rafah, quelque part au milieu du champ d'ordures qui faisait face à la mer. Chacune de ses journées commençait au lever du soleil, à l'heure où les premières chaleurs le tiraient du lit. Il se lavait au-dessus du seau, puis se plantait devant l'entrée du petit bâtiment. Devant lui, il posait ses deux seuls livres, qu'il lisait et relisait. L'un de Darwich, l'autre de Rûmî. Vers huit heures commençait le défilé: jeunes, vieux, femmes, enfants. Il les regardait s'agiter dans la poussière et les détritus, le dos bien calé sur son vieux siège de toile. Ce qu'ils appelaient encore “le camp” (mais qui, d'un camp de réfugiés avait progressivement été transformé en quartier sale et délabré) était aux portes de la ville et, dès les premières heures du jour, de petites grappes d'hommes s'en échappaient, quittaient les amas de ferraille et de pierres, les ruelles aux édifices morcelés, les dédales de fils électriques et de canalisations sauvages, pour rejoindre les rues animées du centre. Pas un ne pouvait déloger Nadr de son trône en lambeaux. Il leur criait de foutre le camp et restait assis à contempler le vide, faisant crânement rebondir son couteau dans sa paume. Il ne s'intéressait pas aux informations et se contentait de hocher la tête à celles qu'on lui rapportait d'al Jazeera, de CNN, d'Euronews, d'al Arabiya, de la MBC, de la BBC... Autant que possible, il évitait de s'éloigner du quartier. »
Nadr est est né en 1987, dix ans avant Khalil, son demi-frère. Ensemble, ils vont se débrouiller, même si au bout du compte leurs trajectoires vont suivre des voies totalement opposées. « Tous deux travaillaient à la carrosserie de Jalil ou au restaurant de leur oncle Mokhtar, chaque fois qu'on avait besoin d'eux. Grossissant les petits groupes d'hommes qu'on voyait se presser dans les échoppes et les ateliers, passant le plus clair de leur temps à fumer et à rire, tandis que deux ou trois d'entre eux se concentraient sur leur ouvrage. Khalil méprisait leur condition. Rêvait d'autre chose que de moisir dans une prison en ruine. Depuis quelque temps, il s'était rapproché du Hamas, s'agitait autour des cadres du parti, haranguait les foules aux rassemblements, s'inventait une piété. Embarrassait Nadr. Lui aussi avait été démarché par ces types. Mais il ne parvenait pas à les aimer. Leurs discours étaient gorgés des mots du prophète mais rien de ce qu'il percevait ne collait vraiment avec son idée d'Allah, de la beauté, de l'éternel. "Ou bien parais tel que tu es, ou bien sois tel que tu parais", écrivait Rûmi. Aucun de ces hommes n'était à la hauteur de cette phrase. »
Mais Khalil est d'un autre avis. Quand son frère lit des livres, lui apprend à manier les armes et entend se battre, quitte à perdre la vie dans un attentat-suicide. Quand il décide de mettre son plan en éxécution, Nadr n'a d'autre issue que de tenter de l'arrêter en partant à sa recherche.
Il s'engage dans l'un des tunnels qui mènent en Egypte, puis prend la direction d'un port où un bateau le mènera jusqu'à Marseille, puis Paris « Nadr progressait dans le sable, longeait la mer, deux ou trois cailloux dans chaque chaussure. L'horizon s'éployait à perte de vue, le manque d'eau et de nourriture l'étourdissait, la chaleur le faisait chanceler. Pourtant, son coeur était léger et sa poitrine fière, soulagée d'un immense fardeau. Chaque nouvelle foulée, chaque minute hors de cette prison était une promesse encore indistincte. »
L'occasion aussi de revenir sur son histoire mouvementée et sa double appartenance. Car son père est palestinien et à arraché son fils à sa mère française. Cette dernière a participé à la création d'une organisation non gouvernementale qui a pour nom «International Human Nature Rights et qui se définit comme la «première ONG à mettre sur le même plan les droits humains et ceux de la nature». Dans cette constellation, on retrouve aussi Fernando Clerc, fonctionnaire d'une organisation internationale chargé de valider des dossiers d'aide et dont le petit confort va soudain être remis en cause par une mission d'évaluation sur le terrain.
Dans cette course contre la montre, tout l'enjeu est dès lors de savoir lequel parviendra le premier à son imago, c'est-à-dire suivant le définition de ce terme qui donne son titre au roman «au stade final d'un individu dont le développement se déroule en plusieurs phases».
Cyril Dion réussit son pari en faisant de cette quête intime une démonstration qui a valeur universelle. Oui, «Chacun d'entre nous vit avec sa propre prison, plus ou moins large. Et fait ce qu'il peut pour en sortir… »

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Ce premier roman est engagé, comme son auteur qui a participé à la fondation du mouvement colibris avec Pierre Rabhi. Ces personnages ont la force et la cruauté du réel dans le conflit israélo-palestiniens et cherchent un sens, une existence un chemin. Ils inscarnent aussi ce décalage du regard européen à travers ce fonctionnaire Fernando Clerc, chargé de distribuer des aides internationales. C'est une richesse d'avoir la possibilité par ce récit d'experimenter au plus prêts l'histoire contemporaine qui nous entraîne tous dans nos vies.
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Comment faire toucher du doigt la complexité du monde actuel sans s'encombrer de démonstrations aussi longues qu'illisibles ? En choisissant le roman, pardi ! Parce qu'un bon roman vaut mieux que tous les longs discours.
Et c'est un roman "monde" que nous offre Cyril Dion. Un premier roman très maîtrisé à travers lequel il propose quelques clés de compréhension des colères qui transforment notre terre en un vaste terrain de guerre. Cofondateur avec Pierre Rahbi du mouvement Colibris, l'auteur puise dans cet engagement une inspiration qui irrigue son propos qui prend appui sur les liens qui relient les hommes entre eux aux quatre coins de la planète. A la suite des personnages qu'il campe avec un réel savoir-faire et une belle dose de réalisme, l'auteur offre un terrain d'observation à plusieurs niveaux. La Palestine vécue par Nadr et Kahlil n'a pas le même aspect que celle que Fernando Clerc dessine par le biais de chiffres, de graphiques et d'analyses statistiques pour le Fonds dont il est l'employé, un organisme chargé de distribuer crédits et aides aux nations en développement. Entre les deux frères, pourtant élevés ensemble, les visions diffèrent également. Question d'influences. Kahlil se laisse embrigader par les jihadistes tandis que Nadr, plus pacifiste cherche à l'empêcher de commettre l'irréparable.
Le livre de Cyril Dion commence par deux magnifiques pages, une mère et son enfant nouveau-né, à peine le temps de se découvrir avant l'arrachement... Comme l'annonce du destin de l'humanité.
Fernando Clerc va être brutalement confronté à la réalité du terrain, Amandine a choisi de vivre à l'écart du monde afin de se préserver de sa brutalité, Nadr croit encore qu'il est possible de changer le monde... Cyril Dion orchestre un vaste ballet contemporain dans un monde où les êtres se désolent de leur propre humanité.
L'un des premiers romans remarquables de cette rentrée. Brutal et poétique. Tragique et utile.
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Les deux premières pages sont très belles, très émouvantes.
Premier déchirement. Ensuite, c'est un autre déchirement en Palestine, à Rafah, bande de Gaza, le conflit meurtrier avec Israël.
Je ressens tout ce roman construit sur des oppositions.
Les deux jeunes frères de Rafah sont opposés dans leurs comportements, du pacifiste au violent, et intellectuellement. Leurs aspirations divergent.

Opposition des forces en présence ce qui est bien rendu par la scène du dérisoire lancer de cailloux contre un char israélien.

Opposition entre la vie quotidienne rythmée par les explosions et les destructions et, à Paris, les fonctionnaires du Fonds qui, douillettement installés dans le confort de leurs bureaux vitrés, notent, comptabilisent, décident de l'aide financière à accorder aux pays saccagés.
Comme le dit un palestinien à Fernando : "Il est assez difficile d'imaginer ce que peut être la réalité de mon pays, assis dans ce bureau..."
Il y a ceux qui perdent tout sous les bombes et les bureaucrates qui regagnent leurs foyers.

Ce roman est poignant. Faire vivre ceux qui sont impliqués au quotidien est bien plus fort qu'un article bien documenté. le lecteur les soutient, les aime, voudrait que l'horreur prenne fin.
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Imago, un roman tissé par les récits croisés de quatre personnages tous en quête de liberté et tous sur des chemins différents pour l'atteindre

En voici un résumé qui bien que dévoilant la trame du récit ne peut à mon avis qu'en faciliter la lecture.
Amandine vit recluse en forêt. Elle a eu un fils, Fernando, et l'a quitté pour fuir l'enfermement du couple. Elle est tombé amoureuse de son professeur de médecine, Tharek, un palestinien qui l'abandonne pour retourner en Palestine en lui enlevant à la naissance son second fils, Nadr. Nadr, élevé par la seconde épouse de son père a un demi-frère, Khalil. Ils vivent une existence de misère dans la bande de Gaza. Leurs parents ont été tués au cours d'un raid par une bombe israélienne. Khalil se radicalise et part à Paris pour se faire sauter et Nadr se lance à sa poursuite pour tenter de l'empêcher de faire l'irréparable. Pendant ce temps, à Paris, Fernando, employé par une institution chargée de distribuer des fonds aux pays en voie de développement, étudie leurs dossiers et son analyse est déterminante pour l'obtention de ces fonds. Un jour, celui de la Palestine atterrit sur son bureau.

Imago est un récit captivant qui soulève bien des questions qu'on aimerait ne pas avoir à se poser :
 Est-ce qu'un conflit aussi complexe que celui qui déchire la Palestine et Israël peut être résolu par ceux qui, il faut bien l'avouer, ont créé le problème à l'origine?
 Peut-il se résoudre par l'envoi de fonds seulement?
 À quoi devraient servir ces fonds? À acheter de l'armement pour qu'entre la Palestine et Israël s'installe une paix armée? À subventionner la construction d'infrastructures qui seront détruites par la prochaine bombe?
 Est-ce qu'un fonctionnaire, même s'il s'agit du meilleur analyste qui soit, est compétent pour décider de la distribution ou non de fonds qui serviront, ou pas (il faut tenir compte de la corruption à cette étape), au développement d'un pays?

La première partie du récit ne doit pas rebuter le lecteur même si par manque de repères on a du mal à situer les personnages par rapport à l'histoire. Qui est Amandine perdue dans sa forêt? Est-elle cette femme qui au début du roman se lamente de l'enlèvement de son enfant? Quelle est cette organisation hyper bureaucratisée dont on a du mal à comprendre le fonctionnement d'autant que les pulsions et la psychologie de Fernando qui y travaille sont un tantinet surréalistes. Qu'est-ce qui a pu traumatiser cet homme au point qu'il se soit enfermé dans une bulle d'où il observe ceux qui l'entourent sans pouvoir ressentir d'autres émotions qu'au mieux l'indifférence et qu'au pire la répulsion?
Nadr et Khalil sont plus faciles à cerner et les parties du roman qui suivent nous permettent de vivre leur quotidien, de comprendre à demi-mot la radicalisation de Khalil mais surtout de suivre Nadr dans sa course à la recherche de son demi-frère. La puissance de l'écriture de Cyril Dion se révèle dans la description de la fuite de Nadr dans les tunnels de Gaza, de sa traversée du désert et de sa découverte de Port-Saïd. On y sent les odeurs, la peur, la chaleur et on vit avec lui son exaltation à la découverte d'un horizon qui lui était jusqu'à présent interdit. La déchirure vécut par Fernando et l'éblouissement qui en résulte est aussi extrêmement bien révélé et le discours qui lui est servi par le dirigeant palestinien dans son bureau à Gaza montre la connaissance profonde de cet auteur de la question palestinienne et des enjeux qui sous-tendent toutes les décisions qui ont été, sont et seront prises.

En conclusion, pour un premier roman, une belle réussite. À lire (et sans doute à relire)
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Image est le premier roman de Cyril Dion et mérite d'être lu
En 200 pages il nous emmène de la bande de Gaza à Ramallah en passant par Tel Aviv et l'Égypte.
Son roman est bâti autour de quatre personnages
D'abord deux frères Nadr et Khalil qui vivent à Raffah dans la bande de Gaza
A ces deux personnages répondent deux autres personnes qui vivent en France
Amandine femme d'une soixantaine d'années et Fernando Clerc ,travaillant pour une société internationale : le fonds.
Je ne rentrerai pas plus dans le détail de l'histoire . C'est à découvrir.
Dans ce livre Cyril Dion nous projette au coeur de la réalité actuelle du Moyen Orient .
Il nous livre des pages réalistes sur la vie dans la bande de Gaza et sur les raids israéliens ainsi que sur les conditions de vie à Ramallah de l'autorité palestinienne.
Tout aussi grincantes sont les pages parlant du Fonds ,de ces comptables,ses statistiques et ses bureaux parisiens
Mais Imago ce n'est pas que cela
C'est surtout l'évolution de ces quatre personnages
Comme nous l'indique Cyril Dion au début du roman Imago signifie le stade final d'un individu dont le développement se déroule en plusieurs phases
Chacun de ses personnages va vivre cet Imago
Et quelle métaphore que les tunnels de Gaza, les métro de Marseille et de Paris pour vivre cet Imago

Le livre peut être déroutant par son écriture et par son agencement.
Il faut passer outre et attendre deuxième partie du roman qui ouvre une multitude de porte
En définitif une belle découverte.
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Un roman court qui demande néanmoins des pages et des pages pour y pénétrer et s'installer dans les logiques très différentes des personnages, l'ensemble ayant pour toile de fond le conflit entre Israël et les palestiniens. Une fois le lecteur immergé dans leurs histoires, les choses vont presque trop vite pour porter leur sens à travers les démarches des protagonistes. Ceux-ci, deux frères par leur père qui se déchirent sur des visions opposées quant à la nécessité ou non des attentats sur le sol français, la mère de l'un d'eux et leur père commun séparés dans l'amour et la mort, et ce troisième frère membre d'une organisation internationale censée venir en aide aux palestiniens. de beaux passages sur la vie quotidienne dans la bande de Gaza, très réalistes sur le quotidien douloureux de ses habitants; également, une partie courte mais dense sur la brève relation entre l'un des frères et un égyptien qui tente de le dissuader d'aller en France pour tenter d'empêcher son frère de commettre l'irréparable. J'ai trouvé ce temps du livre assez fort bien que noyé dans les parcours mêlés des autres protagonistes. Et puis aussi, une belle vision de Marseille et de la Méditerranée. Un roman dont l'insuffisance de structure m'a semblé l'empêcher de porter pleinement le message qu'il paraît vouloir délivrer.
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Quatre personnages. Amandine, Fernando, Nadr et Khalil. Chacun est prisonnier, soit d'une guerre, soit d'un système hiérarchique, soit d'une culpabilité.
" Chacun d'entre nous vit avec sa propre prison plus ou moins large. Et fait ce qu'il peut pour en sortir..."
Mais tous ont un dénominateur commun : le conflit israélo-palestinien.
Loin de vouloir aborder ce sujet d'une manière strictement politique, Cyril Dion tente d'éviter les clichés, et nous prouve que ce conflit n'offre pas de solution simple.
"Les victimes jonchent les routes et les mots et leurs noms sont des bribes de lettres mutilées comme leurs corps."
Comment de simples jets de pierres sur ces territoires peuvent provoquer une crise diplomatique internationale ?
Nadr est le demi-frère de Khalil. Si le premier est passionné par les livres et plus particulièrement la poésie, le second a rejoint les rangs du djihad et décidé de quitter la Palestine afin de commettre un attentat sur le sol français.
" Dans le coeur des plus petits grandissait la haine instillée par la souffrance des plus grands."
Nadr va donc se lancer à sa poursuite afin d'essayer d'éviter le pire...
Des vies qui s'entrecroisent. Des destins bousculés.
Premier roman très touchant et tellement d'actualité !
Une immersion délicate mais nécessaire.

Lien : https://missbook85.wordpress..
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Lu dans le cadre du Coup de coeur des Lectrices du mois d'octobre Version Femina. Quelle chance !

Amandine, Fernando, Nadr et Khalil sont les quatre points cardinaux de ce beau premier roman qui enracine son histoire dans les brûlures de l'actualité et se déploie entre la Palestine et la France. Leur histoire, leurs liens, leur destin se tissent des mêmes fils que les récits des tragédies mythiques dans lesquelles s'affrontent et se déchirent des fratries irréconciliables.
Tout commence dans l'intimité d'une chambre de maternité où une femme, Amandine, se voit arracher son nouveau-né. Sa voix exprime avec les mots les plus déchirants la douleur insurmontable de cette séparation et la fuite de la force vitale qui s'écoule indéfiniment de cette blessure incurable.
Enlevé, dès sa naissance, par son père, Nadr a grandi en Palestine, emprisonné dans ces territoires occultés par des murs, des contrôles incessants, des barbelés et par l'emprise oppressante d'un peuple sur un autre. Refusant la violence, passionné de poésie, il voit Khalil, son demi-frère, choisir de porter la terreur au-delà des frontières, jusqu'à Paris et le suit pour s'interposer mais aussi pour fuir cette prison à ciel ouvert qu'est devenu son pays.
De la sphère familiale et intime au cadre plus large d'un pays, le roman décline les multiples variantes du motif de l'enfermement. Au coeur de la forêt, sans attaches, ni dépendance, Amandine reste enclose dans la souffrance provoquée par le manque de son fils alors que ce dernier demeure captif des méandres inconnus de sa propre histoire. Khalil se cadenasse lui-même dans la haine entretenue par les fanatiques et Fernando est prisonnier d'une sensibilité qu'il ne s'autorise pas à exprimer. Tous aspirent à une autre vie, à un infléchissement de leur trajectoire vers un idéal qui leur appartiendrait en propre. Mais qu'ils s'abandonnent ou qu'ils tentent de résister à la fatalité qui les détermine, les grilles qu'ils portent en eux depuis leur naissance restent inébranlables.
S'intercalant dans un récit à la troisième personne, leurs voix portent toute la douleur d'une vie qui leur demeure étrangère. L'alternance des points de vue et la force d'une écriture à la fois poétique et concrète donnent au roman de Cyril Dion la portée d'une profonde réflexion humaniste scandée par les mots de Mahmoud Darwich.
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