(Critique portant sur les trois premiers albums de la série - sans spoiler, n'ayez crainte !)
A la fin du XVIIIe siècle à Bristol, une jolie et jeune lady, Vivian Hasting, mène la belle vie, profitant de l'absence et de la mort probable de son mari – un capitaine de vaisseau obsédé par la recherche de trésors et disparu depuis de longues années quelque part en Amazonie – pour batifoler joyeusement à droit et à gauche. Hélas, lord Hasting n'est pas mort, le désobligeant personnage ! L'aventureux lord est même très vivant et envoie un messager en Angleterre pour annoncer une grande nouvelle : au fin fond de la forêt amazonienne, là où nul homme sensé n'oserait s'aventurer, il a découvert la légendaire Guyanacapac, mythique cité renfermant un fabuleux trésor. Mais pour ramener toute cette inestimable quincaillerie, lord Hasting a besoin d'argent et ordonne à son frère de vendre les biens de son épouse et, par la même occasion, d'enfermer la belle garce dans un couvent, histoire de lui apprendre les bienfaits de la fidélité.
Comme on s'en doute, lady Hasting prend fort mal la chose. Bien décidée à avoir sa part du trésor, la donzelle exige de faire partie de l'expédition envoyée en renfort de son époux. Mais encore faudra-t-il, une fois arrivé à destination, se débarrasser définitivement de l'époux en question et de tous les éventuels malotrus qui pourraient l'empêcher de faire main basse sur l'or. Pour cela, la jeune femme décide de s'adresser à un certain docteur Livesey, revenu quelques années auparavant d'une mystérieuse chasse au trésor au large du Pacifique, pour que celui-ci la mette en contact avec le trop célèbre flibustier (théoriquement repenti),
Long John Silver. de cette rencontre nait une curieuse association : l'ancien pirate accepte d'aider la jeune femme à s'emparer du trésor de Guyanacapac, en échange bien entendu d'une part substantielle dudit trésor.
Débute alors un tumultueux voyage qui transportera le lecteur des ports enfumés de Bristol jusqu'aux profondeurs humides et étouffantes des forêts amazoniennes, en passant par toutes les étapes traditionnelles d'un bon récit de piraterie : tempêtes, mutineries sanglantes, buveries, maladies infectes, traquenards… Tout cela saupoudré d'une touche de fantastique du plus bel effet car dans les profondeurs des forêts amazoniennes se cachent de sombres secrets et toute cette aventure semble bien partie pour se finir très très très mal (ô joie !)
J'ai dévoré les trois premiers tomes de «
Long John Silver » à toute vitesse et ils ont largement comblé mes attentes. C'est épique, bourré de rebondissements, sanglant et violent à souhait avec une intrigue solidement ficelée rappelant à la fois «
L'île au trésor », mais aussi les atmosphères étouffantes des films « Aguirre » ou « Mission », particulièrement dans le tome 3. le récit est également marqué de cette cruauté joviale mêlée d'humour noir qui fait le charme de tous les bons récits de pirates : on trahit, on s'égorge et on s'entretue dans tous les coins, mais avec une certaine gaieté bon enfant.
Comme de juste, j'ai couiné tout le long de ma lecture sur Silver – personnage hâbleur tout en nuances de gris, enchainant les crises de violence barbare et de rares mais touchants éclairs d'humanité – mais le reste des personnages ne sont pas en reste, particulièrement la belle lady – indubitablement une garce manipulatrice mais dont la force de volonté, la splendide « capacité d'adaptation », comme le dit si diplomatiquement Silver (comprenez pas là qu'elle retourne sa veste avec une facilité désarmante), et les faiblesses bien dissimulées attirent irrésistiblement la sympathie.
Pour finir, un petit mot sur le dessin très sombre, tourmenté et parfois un peu brouillon, mais parfaitement adapté au récit et qui en fait en grande partie le charme. Je dois avouer une énorme faiblesse pour les couvertures des albums, absolument superbes et qui auraient pu, à elles seules, me pousser à acheter spontanément la série. En conclusion, un très gros coup de coeur que je conseille absolument : vivement la suite !
Au passage et pour les fans de l'homme à la jambe de bois de
Stevenson, je ne saurais trop conseiller également le passionnant roman de
Björn Larsson. Faites-moi confiance, c'est d'la bonne !