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126 pages
Regain (01/01/1966)
3/5   1 notes
Résumé :
Troisième recueil de poèmes de l'écrivain ivoirien Bertin B. Doutéo, publié en 1966 à Monte-Carlo par les éditions du Regain, dans la collection des « Cahiers des Poètes de Notre Temps ».
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« Coup de pilon »

Le coq venait à peine
de saluer l'aurore
que commença
sonore
le yagba
de tous les pilons du quartier.

Résonance de mortier !
Remplis la sébile du mendiant
qui a faim
Veille sur le sommeil de l'enfant
qui dort au tata
Mets la force dans le bras
De la femme noire éternelle pileuse
Mets du rythme dans l'air
Fait tomber l'abondance
sur la terre
Fais éclater la satiété dans les champs
Résonance de mortier !

Coup de pilon !

Le pilon tombe retombe
dans le son
Tombe retombe au son
des battements
des mains noires
Happé par les bras d'ébène
dans le rythme d'ensemble
dans le rythme saccadé.

Coup de pilon !

Ta voix rôde à la fontaine
Joue sur les miradors déserts
Se promène dans les ruelles
Encore laiteuses du village
S'identifie à l'écho
Lointain et imprécis
Résonne, dure, se prolonge...

Coup de pilon !

Le pilon répond au pilon
Les pilons se répondent...
L'accalmie succède à l'accalmée
Réveillée par le coup de pilon
qui tombe dans le son
Et les coups de pilon
Se déchaînent subitement
chantant crescendo
Dans le ventre des mortiers.

Résonance de mortier !
Les jeux nocturnes
Se parfument de l'encens
des récoltes ;
La continuité de la vie
Prend corps dans la régularité
des festins diurnes
À chaque envolée
De coup de pilon
Mourant crescendo
Dans les flancs du mortier.

Coup de pilon !

Le pilon bavarde en compère
Se repose, psalmodie des bémols,
Appelle le mortier
S'éparpille en gonzo et mambo,
Crie dans l'air,
Frappe encore,
Encore plus fort,
Puis se tait,
L'écho de sa voix
Mourant par degrés
Dans le lointain.

Coup de pilon !

Les grains qui meurent s'interpellent :
Le fonio répond au sorgho
Le maïs appelle le sésame
qui répond au mil,
Et le pilon de Tiencost
Interpelle celui de Djémien
Invitant à l'aria,
Tous les pilons du village.

Coup de pilon !

C'est à l'aube
De ce matin d'abondance
des coups de pilon rapides,
des coups de pilon lents,
Tantôt précipités
Tantôt saccadés,
Se répondant.
Se taisant.
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« Sable des plages »

Rends-moi de grâce
Un peu de mon enfance
Sable des plages !
Miroir des berges
Repeins le panorama
De ma vie
Étoile des berges !

Au sable des plages
C'est l'éternelle randonnée
Des éphémères
Quand une lame
Puis une lame
Ont passé sur le sable
Laissant leur écume
À peine née
Aussitôt morte
Au vague printemps
Dans la brume du temps.

Les amants ont laissé
Des baisers au sable des plages
Les crabes ont fait leurs trous
Dans le sable des plages
Mais une houle
Puis une houle
Ont déferlé sur la grève
Abandonnant leur écume
À l'ensevelissement
Sur la plage oublieuse
Combien scabreuse !

Le sable grossier des plages
Grince au gosier des amants
Quand la vague ensevelit
Le pas des amoureux.
Douloureux souvenir
Dans la brume du temps.
Et le souvenir se dissipe
Lentement au fil des ans
Quand une vague
Puis une vague
S'infiltrent dans le sable mouvant
Et meurent sur la grève d'argent.

Et les baisers et les fleurs
Et le trou des crabes
Et le pas des amants
Ne sont que des souvenirs vagues
Dans la brume du temps
Quand une lame
Puis une lame
Ont passé sur le sable des plages
Où tout fuit comme en songe
Où la vie est un Prénom
Sans Renom.

Tombeau pour le temps
Le sable des plages
Ne garde point éternellement
Les traces qu'on y laisse.
La lame a vite fait
De tout ensevelir
Dans la brume du temps.
Au sable des plages
C'est par intermittences
De vagues réminiscences.

Malgré le temps
Il est cependant
Au sable des plages
Au gravier des berges
Des empreintes qui demeurent
Comme des soleils éternels :
Ce sont celles écrites
En lettres d'Éternité
Dans l'écorce du temps
Et ton nom est gravé
Au sablier de mon cœur
Dans l'écorce du temps.
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« J'écrirai ton nom »

(...)

Le régisseur de raison
Ne connaît point l'innocence
Les hauts murs de la prison
Ont émoussé ses sens.
Robot, automate, il ne se souvient
Même plus du ciel :
Les ordures de son subconscient
Sont seules en éveil
Dardant de toutes parts
Leurs yeux assombris
Dardant de toutes parts
Leurs bras amaigris.
Où es-tu donc toi
Qu'on attend depuis les millénaires ?
Avec les boyaux du régisseur
J'écrirai ton nom dans le mur.

Aux obsèques de Phébé
Quand le ciel est affligé
Au recensement des astres
Quand le ciel est aveugle
Que le pasteur dort en sa chaumière
Que les feux follets se métamorphosent
Que retentit ta voix
Ô toi qu'on ne doit point nommer,
En lettres lumineuses
J'écrirai ton nom
Dans les veines du firmament.

Dans la chaleur des chaussées
Dans l'âme des trottoirs
À la devanture des hôtels
Dans la bavure du temps
À l'entrée des villes
Sur les champs de bataille
Où meurent les années
Avec des galets blancs
Baignés de la cendre des tombes
J'écrirai ton nom.
La nuit sera jour
Le jour sera éternel
À l'entrée des villes.

(...)

Au fronton des palais royaux
À l'escalier des empereurs
Aux portiques des églises
Aux portails des villas
J'écrirai ton nom dans la pierre
En lettres de fer forgé.

Sur la tombe de ceux
Qui sont morts pour rien
Sans t'avoir connue
Sur le front de ceux
Qui languissent au bagne
Nus,
Dans l'écorce du filao
Pleureur.
Dans le sang des princes
Sur le casque des militaires
J'écrirai ton nom
Avec le stylo des anges.

(...)
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« Le Train »

Dans la gare encombrée
Des ré aigus et prolongés
Des do stridents intermittents
Un cri — un hurlement — une voix :
C'est l'autorail, géante couleuvre
D'acier qui fait ses adieux.

La tristesse et la joie
Dans la carcasse
Boudant, reniflant, grondant
Impitoyable comme la pieuvre
On a beau le prier
De retarder son départ
Mais le fou est parti
Et c'est là-bas
Dans la savane qui crie
L'autorail comme une couleuvre
D'acier sur les rails.

J'aperçois encore sa lumière médiane
Vaciller comme la lumière du phare
J'aperçois aussi un dos blanc
Des flancs verts, un ventre noir.
Le reptile d'acier charrie
Vers d'autres horizons
Ses mille cargaisons.
Dans son ventre sonore
Comme une voyelle
Anxiété ! soupir ! espérance ! tristesse !
Une dame pensive rêve à son homme.
Un enfant songe, mélancolique.
Un Monsieur s'endort dans le souvenir
De sa femme absente
L'ennui et l'attente sont bien sévères.

Entonannt son chant magnifique
Le reptile d'acier siffle
Son interminable kyrielle
De ré aigus et prolongés
De do stridents et diésés
Doublant les mères de cailloux
Les ponts, les côteaux, le gazon
Volant vers d'autres horizons
Et c'est dans la savane
Qui geint et pleure
L'autorail comme une géante
Couleuvre d'acier sur les rails.

(...)
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« Ondine à Fresco »

I

Les hautes eaux
du Gô,
Les canots
d'iroko,
Ô Gondoliers !
Ô Timoniers !
Lune
topaze,
Dune
d'extase,
Ah ! vieux coraux
en carreaux !

II

Au tamarinier
étrange,
Au palétuvier
en franges,
Le chant du lamantin
ange
Des hautes eaux
des zoos
Fait valser
le badamier,
Fait danser
le cocotier
à Fresco,
Oh ! vieux coraux
en carreaux !

III

Les basses eaux
du Gô
à Yoko
en bouée
Les hautes eaux
du Bolo,
à Bohico
en canoé,
Longs poèmes
ô lamantins,
hôtes
hauts des eaux
de Bohico
Ah ! vieux coraux
en carreaux !

IV

Au ciel de Fresco
les aigles hauts,
dans les hauts
palmiers,
Les aigles aériens,
châtelains
des palétuviers
Ont leur concert
de guitare
de cithare
ô lamantins
témoins hilares
de cette ondine
Aux vieux coraux
en carreaux !

V

Dans la fragrance
des citronniers
Dans la fragrance
des mandariniers
hocco
mordoré
avide
de limace,
fait roco
Au ciel de Bohico.
Dans les rosaces
du couchant,
Dans les lumières
du levant,
Comme l'espoir
renaît toujours,
Ô vieux coraux
en carreaux,
Maîtres de cette ondine.
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