Arnaud Druelle propose avec
L'enfant Pan une préquelle au conte de Peter Pan :
Comment Peter est-il arrivé au Pays Imaginaire ? Comment est-il devenu Pan ?
En se positionnant dans l'univers de James Barrie, la barre est haute. Bien que n'ayant pas (encore) lu l'oeuvre originale,
Peter Pan évoque pour moi un monde complexe fait de nuances et de symboles. le Pays des Merveilles, foisonnant de créatures fantastiques - mais dissimulant derrière sa beauté maints dangers. le garçon orphelin qui ne veut pas grandir, adulé par ses compagnons, réfugié pour toujours derrière le rôle qu'il se donne, le pouvoir qu'il prend. Peter et les enfants perdus ont la jeunesse éternelle, se privant par la même occasion de découvrir le monde sous un regard mûr, à jamais prisonniers de leur puérilité. Insouciants bien que rien ne soit immuable.
Pour en venir au fait, j'ai trouvé que le roman
L'enfant Pan était lisse.
Les personnages manichéens
(d'un côté les gentils Peter, Jimmy, les jumeaux, et de l'autre les méchants Squeeler, Bullit et Lardon),
L'univers certes reprenant tous les éléments fantastiques inhérents au Pays Imaginaire (fées, indiens, sirènes...) Mais manquant de poésie et de contrastes.
Il va de soi qu'en choisissant ce projet, l'auteur s'est confronté à un autre défi d'importance : réussir à créer de la surprise dans un univers maintes fois repris.
J'ai également été déçue sur ce point. Je note une pointe d'originalité et de source de réflexion dans l'épilogue du roman.
John Jarvis, sorti de prison pour homicide volontaire, tente de retrouver son frère Jimmy. Ce dernier a mystérieusement disparu, en même temps que tant d'autres de ses camarades de L'Oiseau Blanc.
Peine purgée, nouveau départ ? Pas du tout. L'auteur nous laisse avec un John Jarvis prêt à en découdre avec sa mère, avec la femme qui l'a abandonné.
John est le reflet du miroir de Peter, il est cet Enfant Perdu qui n'a pas eu la chance d'aller au pays Imaginaire. Resté à Londres, il s'enfonce dans un cycle de violence, motivé par la vengeance. Il ne supporte pas d'avoir été ce fils abandonné.
Peter a également une rancoeur profonde contre les adultes. Plutôt que se confronter à la douleur de l'abandon et essayer de surmonter ce traumatisme, il se réfugie dans le monde de l'insouciance éternelle, des jeux dont il fixe les règles, se rendent prisonnier à jamais de sa puérilité, et d'une forme de solitude.
Ni John ni Peter ne se remettent d'avoir été abandonnés.
Pour le reste, le rythme est sans temps mort, son écriture simple, bien que parfois redondante.
En conclusion, je dirais qu'il existe une incohérence dans le public visé :
Le ressenti principal est qu'il s'agit d'une réécriture destinée à un public jeunesse. Cela se dégage à la fois du style d'écriture, de l'intrigue prévisible et de l'univers lisse.
Pour autant, son contenu évoque de manière certes brève, mais non dissimulée, des thèmes destinés à un public adulte (pédophilie, prostitution).
La lecture reste agréable en tant que "moment détente", même si, pour un regard adulte, elle manque de poésie et de nuances.
Bien qu'il s'agisse d'une interprétation personnelle,
Je regrette que le personnage de Peter ait été si "gentillet". Squeeler aurait pu faire un bon candidat au futur-Peter-Pan, en ce sens qu'il a en lui le désir d'être un meneur, et l'égoïsme plus ou moins intrinsèque aux enfants.
De même, j'imaginais un futur-capitaine-crochet beaucoup moins hargneux de départ - peut être étant le rival de Peter en tant que leader aux yeux des autres - mais finalement évincé, rejeté. Accumulant de la rancoeur, il devient ce "méchant" du conte, motivé par la vengeance. Bref, en tout cas des personnages plus nuancés, et dont le caractère évolue.