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Georges Duby n'était évidemment pas attendu dans le genre histoire événementielle. Il s'était plutôt fait remarquer dans l'histoire de la France rurale et commençait d'aborder une analyse de la société organisée selon ses stratifications sociales et les symboles vivants de celles-ci : le paysan, le chevalier et le prêtre (régulier ou séculier). Il était aussi passionné par les questions liées à la création artistique alors encore enfermée dans le moule religieux et l'histoire sainte (l'émancipation réelle ne viendra qu'au quinzième siècle).
Et pourtant attiré plutôt par ces problématiques, ce qui était sans doute dû à sa tendance initiale à lire les aspects sociaux, culturels et religieux selon la grille de lecture marxiste des questions historiques, et influencé qu'il était par la pensée de Marc Bloch et par les orientations nouvelles de l'Ecole des Chartes, qui privilégiaient le fait social plutôt que la focalisation sur un fait historique, Georges Duby accepta la proposition que lui fit Pierre Nora en octobre 1968 d'écrire le volume consacré à la bataille de Bouvines dans la collection : Les trente journées qui ont fait la France, publiée par NRF Gallimard. La bataille s'est livrée le 27 juillet 1214, aux lisières des frontières de la Francia d'alors, et elle a opposé l'empereur germanique Otton IV et quelques-uns de ses alliés au roi capétien Philippe II dit Philippe Auguste. Ce dernier avait alors affaire à une véritable coalition, et le fils de Philippe Auguste, le futur Louis VIII le Lion, devait lui-même stopper les forces anglaises débarquées à La Rochelle et lancées dans une attaque vers le Maine et l'Anjou ; en réalité, le roi Plantagenêt Jean, que l'on surnomme Jean Sans Terre, frère de feu Richard Coeur de Lion, n'ira pas plus loin que La Roche-aux-Moines, qu'il assiègera en juin, et dont il s'éloignera dès le 2 juillet devant l'arrivée des troupes de Louis. Libéré de cette menace, Philippe Auguste allait pouvoir livrer bataille aux forces d'Otton IV, ancien duc de Brunswick et à celles de Ferrand de Portugal, comte de Flandre, qui constituaient l'aile gauche de l'armée ennemie et Renaud de Dammartin, comte de Boulogne, lui-même flanqué de Guillaume de Salisbury à l'aile droite. Côté français, Robert de Dreux à gauche et Eudes de Bourgogne ainsi que le Frère Guerin (un évêque ! celui de Senlis) encadraient le roi. La bataille se joua d'abord au centre, et la mêlée fut d'abord confuse. Philippe Auguste s'aventura un peu trop en tête et fut mis à terre par l'ennemi, mais un groupe de chevaliers vint à sa rescousse et Philippe ne voulut lâcher aucun pouce de terrain. Les Français montrèrent tant d'opiniâtreté que les troupes allemandes finirent par lâcher prise. Aux ailes, les derniers contingents germaniques engagés ne tardèrent pas à se replier, laissant le comte de Flandre et le comte de Boulogne seuls aux prises avec les Français. Malgré une résistance acharnée, les alliés français de l'Empereur allemand ne purent tenir tête à nos troupes et durent finalement accepter de se constituer prisonniers. Ces captifs furent évidemment des trophées de choix dans la marche triomphale qui ramena Philippe Auguste vers Paris. le roi n'avait pas particulièrement souhaité croiser le fer avec l'ennemi, surtout que le 27 juillet tombait un dimanche en 1214, et que de bons chrétiens se devaient d'éviter de répandre le sang d'autres croyants ce jour-là, car c'était tout de même le jour du Seigneur (le jour du repos divin dans le mythe de la création et celui où l'on doit se recueillir et communier). La propagande royale s'arrangea donc pour que l'on comprît bien que Philippe Auguste avait été contraint au combat.
Georges Duby traita bien sûr le sujet sur le plan événementiel, mais, comme il était prévisible, il en fit un prétexte pour vite revenir à une relecture des faits sous l'angle des rôles sociaux et hiérarchiques joués par chacun des acteurs en fonction de leur place dans la société médiévale. Il y a tout un discours autour de la place et de l'action qui reviennent au chevalier dans le fait militaire. Les milices urbaines ont beau avoir elles aussi pris leur part du succès ce 27 juillet 1214, elles ne peuvent avoir la vedette au Moyen Âge. Elles n'en ont acquis qu'à la suite des révolutions de 1789, 1830, 1848, puis de l'instauration d'un régime républicain au lendemain de la défaite de Napoléon III face aux Prussiens en 1870. Bouvines aura une autre dimension entre 1870 et 1914 : il s'agira pour les Français de réinterpréter les faits dans le cadre d'une logique collective, celle de la revanche de tout un peuple sur l'adversaire allemand, après l'annexion au Reich par celui-ci de l'Alsace et de la Moselle. On mettra alors l'accent sur le rôle joué par les milices communales lors de la bataille de Bouvines. Il n'est que de lire l'Histoire de France d'Ernest Lavisse pour s'en convaincre.
Duby a bien sûr rompu avec cette présentation des faits, et il a élargi la réflexion en replaçant l'événement dans le processus d'une affirmation du pouvoir monarchique sous l'égide des Capétiens doublé par un effort incessant en vue de l'unification du royaume et d'une volonté de centralisation de ce même pouvoir "rassembleur" et en réalité pré-étatique.
Le discours n'a rien perdu de sa pertinence.
Mais il faudrait à présent le réactualiser.
Nous avançons dans la construction européenne et il est maintenant inévitable que nous présentions la bataille de Bouvines comme un événement qui prend sens à l'échelle de l'Europe continentale, car il y eut tout de même ce jour-là une forte concentration de représentants des grandes puissances de l'époque.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010).
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Le dimanche 27 juillet 1214, à Bouvines, le roi Philippe Auguste vainc l'empereur Otton de Brunswick et le roi Jean sans Terre. En partant du récit écrit de Guillaume le Breton, Georges Duby présente les vices et vertus de la guerre au Moyen-Âge, mais aussi ses liens avec l'Église, l'argent et la quête de pouvoir. Il explique le tournoi, pratique parallèle, complémentaire et parfois concurrente de la guerre. En fin d'ouvrage se trouvent de nombreux documents complémentaires pour poursuivre la découverte de cette bataille qui a redessiné pour longtemps la géopolitique européenne.

De Georges Duby, j'ai déjà dévoré Dames du XIIe siècle. J'avoue m'être moins régalée et davantage étouffée avec cet ouvrage. le est parfois lourd et la démonstration ardue. J'ai tenu jusqu'au bout pour en savoir un peu plus sur l'histoire de la région où j'ai élu domicile, mais pfiou, ça n'a pas été de la tarte !
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Du point de vue historique, c'est passionnant de voir comment Duby déroule le fil des événements et nous montre l'ensemble du panorama dans lequel s'inscrit la bataille. Et en plus, c'est magnifiquement écrit !
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Retour sur un épisode guerrier de notre histoire dont l'inédit offrit une victoire aussi soudaine qu'inattendue.


A découvrir par curiosité malgré un style n'engageant pas toujours la persévérance pour arriver au terme de l'ouvrage.
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Un classique du livre d'histoire médiévale, raisonnablement long, écrit dans une belle langue, expliqué sans céder à l'à-peu-près ni à la simplification à outrance, partant des sources pour construire un récit. Ce récit est une brillante démonstration de ce qu'apporte le travail de l'historien. Raconter, mettre en perspective et montrer la différence entre histoire et mémoire.
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Ce livre consacré à la bataille de Bouvines est en fait un prétexte pour comprendre la société médiévale du début des XIIe-XIIIe siècles : la chevalerie, la guerre, la paix. le dernier chapitre essaie de voir comme l'événement a été interprété, déformé, manipulé au fil des siècles jusqu'à nos jours.

L'auteur, Georges Duby, a beau être un universitaire ; le livre a beau être consacré à un sujet spécialisé (une bataille médiévale), il n'en demeure pas moins accessible et léger à lire. Aucune note de bas de page ne vient troubler la lecture. L'auteur évite le jargon de l'historien. Surtout l'écriture est flamboyante.
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Ce classique m'a été plusieurs fois recommandé lors de mes études d'histoire, et je comprends pourquoi. La beauté de l'introduction est digne d'un bon roman, le reste de l'ouvrage est bien écrit et surtout la démonstration de George Duby est efficace.

Au delà de la bataille en elle-même, peu impressionnante par son nombre de morts et de combattants, c'est toute la culture de l'époque, admirablement bien retranscrite, qui fait l'intérêt de ce livre. On découvre un monde où les femmes sont exclues (au mieux décrites comme sorcières...), où les richesses sont détenues par les nobles et de plus en plus redistribuées par le biais de tournois plutôt que de donations (au grand dam de l'Eglise), où on capture les chevaliers et extermine les mercenaires, où on ne guerroie ni fornique le dimanche, un monde où des rois peuvent combattre sur un champs de bataille dont l'issue, on le croit, est décidée par Dieu plus que par le nombre de soldats, leurs équipements, leurs techniques militaires.

Ce monde nous paraît loin, et cette distance est aussi expliquée à la fin de l'ouvrage par les façons dont cette bataille a été relatée dans l'espace et dans le temps. Dans l'espace d'abord, on voit comment chaque camp dresse un récit politique d'un combat confus. Dans le temps enfin, on comprend comment cet événement a été repris par la mémoire nationale. Ainsi, au début du XXe siècle, les Allemands célébraient, en 1913 le centenaire de la bataille de Leipzig, et les britanniques planifiaient celui de Waterloo pour 1915. Entre deux, nos hommes politiques ont donc trouvé les 800 ans de Bouvines pour rivaliser. Une victoire de la France contre trois ennemis, quand nos voisins s'y sont pris à trois contre un (et même plus encore) pour abattre Napoléon, disaient les orateurs de l'époque.

Bref, le Dimanche de Bouvines est un vieux livre qui n'a pas perdu sa saveur et que je recommande aux amateurs d'Histoire.
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Georges Duby, incontestablement un de nos meilleurs médiévistes, signait là en 1973 un panorama très complet de la Bataille de Bouvines.
C'est dans la présentation préliminaire du cadre de cet évènement qu'il a bien failli me perdre un moment, se laissant par endroits aller dans des élans d'éloquence au risque de sombrer parfois dans le délayage, voire de s'éloigner du sujet... au risque de se répéter, aussi, puisque j'ai trouvé pas mal de redites presque mot pour mot de "Guillaume le Maréchal", lu récemment (d'ailleurs, pour être précis, c'est dans ce dernier qu'il s'est répété, puisqu'il est postérieur au "dimanche de Bouvines".)
Passé ce moment difficile, j'ai retrouvé son incroyable talent de mise en perspective, ainsi qu'une passionnante et très rigoureuse étude de l'historiographie de Bouvines à travers les siècles, et des motivations d'obscure propagande qui y ont présidé.
Le tout est toujours rédigé dans une langue impeccable et entraînante : nul doute que Duby aurait pu être un formidable romancier s'il n'avait pas choisi les rigueurs des sciences humaines.
On a même le privilège de voir transparaître à plusieurs reprises, bien qu'avec mesure, discrétion et pudeur, les opinions personnelles de Duby.
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Un livre que je possédais depuis longtemps et qui prenait la poussière sur mes étagères.
Ce livre fait partie de la série des "Trente journées qui ont fait la France". Georges Duby a un style fluide. Ce n'est pas le genre d'historien a noyer le poisson dans le pinaillage d'une date ou d'un mot. Son étude est divisée en deux parties : les faits, les tenants et les aboutissants, la bataille proprement dite, puis l'interprétation faite à travers les siècles des sources de l'époque dont la plus connue est due à un moine de Saint-Denis présent à la bataille : Guillaume le Breton.
Ce qu'il y a de bien avec ce genre d'historien c'est qu'il n'a aucune théorie fumeuse à vous proposer. Il montre c'est tout. Il montre par exemple comment la Paix de Dieu instituée à l'orée de l'an mille par le Clergé afin de canaliser la violence endémique de la chevalerie et la détourner vers la Croisade en Orient, a changé les affrontements entre féaux. Il montre encore comment les batailles, loin de l'idée qu'on s'en fait aujourd'hui , n'étaient que des jeux de tournois un peu plus violents dont le vainqueur était l'élu de Dieu. Si Philippe a vaincu à Bouvines c'est par la décision de Dieu. La bataille est une ordalie. le vainqueur a toujours raison.
Rappelons qu'en 1214 le Roi de France, Philippe Auguste a un tout petit royaume qu'il cherche à agrandir aux dépens du Roi d'Angleterre et Duc d'Aquitaine par sa mère : Richard Coeur de Lion. Au moment qui nous intéresse c'est Jean sans Terre, le frère de Richard , qui est Roi d'Angleterre. Il débarque sur les côtes du Poitou et entend bien prendre Philippe à revers.Le Capétien qui n'a pu embarquer pour Albion et qui, de dépit, ravage les terres flamandes : coutumes de l'époque....
Pour corser l'affaire L'Empire germanique est en proie aux dissensions : deux empereurs prétendent à la Couronne de Charlemagne : Otton de Brunswick et Frédéric de Hohenstauffen....Le Pape innocent III , rien d'un agneau de Dieu, en rajoute excommuniant à tour de bras.....ambiance.
Les forces en présence se retrouveront donc le 27 juillet 1214 sur le champ de bataille de Bouvines à la limite de la Flandre et de l'Artois. Philippe Auguste vainqueur (ce qui veut dire pour les gens de l'époque que Dieu est avec lui, lui a donné raison...) la victoire de Bouvines va , au fil des siècles, devenir l'exemple de la résistance "française" aux menées anglaises et "allemandes". C'est surtout la 3e République qui en fera le symbole de la "Nation" en armes repoussant l'envahisseur teuton. Anachronisme certes ,mais qui perdure un peu dans l'esprit de ces gens qui ont tété le lait patriotique des Malet-Isaac :-). Aujourd'hui nos collégiens n'ont que faire de ces antiquités....on leur apprend que le Monde est une grande famille et que la guerre "c'est pas bien" , elle doit être mise au ban de l'Humanité.
Mais chassez le naturel , il revient au galop comme disait...je ne sais plus qui....

"....la guerre se fait plus facilement quand on a Dieu pour allié".
"Dieu. Celui des holocaustes et des défilés militaires. le dieu de l'ordre rétabli. Ce grand cheval blême qui planait sur le champ des morts, un soir, à Brunete, avait autrefois plané sur Bouvines. Il plane aussi sur Guernica, sur Auschwitz, sur Hiroshima, sur Hanoï et sur tous les hôpitaux après toutes les émeutes. Ce dieu-là non plus n'est pas près de mourir. Il reconnait toujours les siens " .
(page 300/301 édition Folio)
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Un classique de la littérature médiévale. La contextualisation est fournie, les évènements sont décrits, et l'aura de cette bataille, qui évoluera au fil du temps, est dépeinte.
La quasi mystique de cette journée, les bases qu'elle va poser, cet ouvrage permet de s'approprier cet acte fondateur, un des plus beaux jalons de l"histoire de France. le style est très agréable, je vous le recommande
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