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Citations sur L'oceantume (14)

"Le silence, c'est quand personne n'écoute"
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Les chaises sont faites pour qu’on s’assoie. On s’assoit pour s’ennuyer. S’ennuyer est attendre. Attendre est impardonnable, écoeurant.

Il n’y a pas assez de place ici: on ne peut que tourner en rond, tourner en rond. On se fatigue à tourner en rond. Ouf ! assoyons-nous. On tire cinquante chaises par jour ( quand ce n’est pas cinquante fois la même chaise ) pour s’asseoir et se rasseoir : on est agitateur de chaises. On se relève pour se dégourdir les jambes ; mais, comme se dégourdir les jambes est fatiguant, on finit par se rasseoir. On croise ses jambes. Si on les a croisées haut, on a un pied en l’air, comme une grue. Si on est une femme, on les croise bas, pour ne pas donner trop de plaisir aux pauvres voyeurs. La générosité n’est pas toujours de mise. On croise les bras : on se sent bien, on a l’impression de se prendre dans ses bras, d’embrasser soi-même. On peut sucer son pouce. On peut même ronger ses ongles.
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Celui qui n'a pas mangé assez n'est pas plus à plaindre que celui qui a mangé trop: les deux passeront une mauvaise nuit.
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La supériorité de deux cents millions d’enfants déchus contre un seul n’en est pas une. Les droits d’un seul devraient être égaux à ceux de mille; car il n’en vit et n’en meurt qu’un par corps. Il ne peut y en avoir neuf cent quatre-vingt-dix-neuf d’un côté et un de l’autre côté; il ne peut qu’y en avoir mille sur mille côtés. Quand quatre mille enfants à la fois perdent la vie ou l’orgueil, un seul perd vraiment la vie ou l’orgueil, et c’est celui-là d’entre eux qu’on est. Il n’y a qu’une vraie supériorité : la supériorité de celui qu’on est sur tous les autres, la supériorité de ce qu’on est sur ce qu’on n’est pas, la supériorité de ce qui est sur ce qui n’est pas.
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Ne les crois pas quand ils disent : Paix. Ce sont ceux qui ont vaincu et qui ont investi les palais qui parlent ainsi. La terre n'appartient à personne : elle se donne à tous ceux qui sont assez grands pour l'étreindre. À tous les fusils! À tous des flèches et des lance-roquettes! Ceux qui disent : Paix et justice, ce sont ceux-là mêmes qui t'interdiront la terre, qui te diront : C'est ma terre, ne marche pas dessus ; ce sont ceux-là mêmes que tu dois vaincre si tu ne veux pas vivre vaincue.
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Ne crois pas à leur mépris quand ils emprisonnent ou qu'ils pendent un enfant qui ne nourrit que bave, venin, haine et dégoût pour leur propension à se rassembler pour sauvegarder ce qui les fixe dans le sol comme des végétaux (ce qu'ils appellent leurs biens) et qui ne leur sert plus qu'à bâiller en se couvrant pudiquement la bouche avec une main (ce qu'ils appellent leur vie). Ils t'auront, pauvre Iode; et si ce n'est à l'université, ce sera au restaurant du coin. Tu seras agglutinée: ils sont outillés, bien organisés. Ne les crois pas quand ils disent qu'ils se respectent et que ceci justifie cela. Ils se prosternent devant ce battement aveugle et spasmodique du coeur et ils haussent les épaules devant les aspirations les plus passionnées de l'âme. Ils ne te permettront pas de prostituer ton corps. Mais ils te forceront à leur sacrifier ta liberté, ton intelligence et tes poursuites; ils iront jusqu'à t'interdire de te les réserver.
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On a tous les droits quand on a déclaré la guerre à tous les rois. Je me suis déclarée silencieusement l'ennemie de tous, et ils me tueront peut-être, mais ils ne me vaincront pas. Pour le moment, je garde l'incognito. Je ne leur ai rien fait; pourquoi devrais-je me soumettre à eux, à leurs lois, leurs amendements, leurs robots? Leur effronterie à mon égard est injustifiable. Ils prétendent, de but en blanc, régner sur moi, me contraindre, me diriger, être mes supérieurs, me donner des indications et des ordres comme à une bête de somme. C'est ridicule; c'est de l'infatuation, de la véritable impertinence. Ils ne m'ont rien donné: je ne leur dois rien. Ils ont donné des ponts, des autoroutes, des petits tunnels et des gros, certes; mais je ne suis pas une automobiliste. Pourquoi m'enfermerais-je avec eux dans un de ces réduits pleins à craquer de fumée de cigarette appelés pays? Quand ils sauront, ils courront après moi avec leurs chiens. Je ne crains ni leurs chiens, ni leurs bottes, ni leurs mitraillettes: je suis un tréponème dans leur intestin grêle. Ils ne m'auront pas. Je m'ai, je me garde.
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Je repense à ce qu'un jour Ina a dit à Inachos et moi.
«Si j'avais eu conscience de ne plus être une enfant, je ne vous aurais pas faits, mes enfants. Ma mère me disait: «Fais des enfants, ma fille: c'est bien, c'est beau, c'est bon!» La vieille idiote! Nous avions tous vingt ans au moins, et elle ne s'apercevait pas que ce n'étaient pas d'enfants dont elle avait accouché, mais d'adultes, de pareils à elle! Avoir des enfants! Permettre que se créent des âmes où, comme dans la sienne, le fiel montera jour après jour comme minute après minute le sable dans le sablier! Laisser des visages se former où, comme dans le sien, on pourra lire l'étonnement et l'espoir, puis le dégoût et le mépris! Quelle dérision! Quelle farce! En faire d'autres à sa triste image et à sa misérable ressemblance! Autant passer sa vie devant un miroir où on peut se voir de la tête aux pieds! Être mère! Pouvoir dire que ceux-là c'est vous qui les avez plongés dans l'inarrêtable dégringolade lente, que ces deux ou trois-là c'est d'entre vos mains tendres et douces et sous votre regard plein d'amour qu'ils sont partis se faire écoeurer par les autres et écoeurer les autres! Tapotez un peu leur petits derrières et envoyez-les se faire matraquer jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus se relever, puis frappez à coups de mouton jusqu'à six pieds sous terre! Et qu'on n'oublie pas avant qu'ils partent, comme sa mère avant qu'on parte, de leur dire d'être forts, de ne se laisser abattre par rien. Peu importe qu'on sache bien qu'après avoir résister jusqu'à la vacuité de leurs veines, après qu'ils auront été vaincus à plate couture et qu'il leur aura semblé avoir tout perdu, ils s'apercevront qu'il n'y avait pas d'ennemis et qu'ils n'ont rien perdu, qu'ils se battaient contre des ombres et qu'ils n'avaient jamais rien possédé. Donner la vie, ce poison! En faire venir d'autres en ce monde, cette galère! Qu'il faut être cynique, méchant ou stupide! Ici, il faudrait ne rien faire et ne rien dire. Ici, quoi qu'on fasse finit en mauvaise plaisanterie faite à ses dépens! Ici, quelque jeu qu'on joue se termine en bon tour joué à soi-même, finit avec soi-même dans la banalité et l'angoisse jusqu'aux oreilles! Ici, rester assis sur une chaise à attendre que les formes et la lumière se changent en néant et ténèbres est tout ce qu'on peut faire sans se tromper. Mais allez, yeux et oreilles grands ouverts, rester assis sur une chaise! Tout miroite. Tout vous fait signe, vous sollicite. La vie en vous, cette contraction spasmodique, cet élan morbide, se gonfle, vous gonfle, déborde, vous emporte. Que tu aies horreur des viandes, des pâtes, des fruits, des légumes et de tout ce qui se mange n'importe pas: la vie te forcera à manger. Je n'aime plus vivre, mais, et là est le hic, j'ai besoin de vivre, de m'accrocher à ce qui, je le sais, se brisera dans mes mains, de me fixer dans cet océan où volerait en miettes un quai en fer. Mais je ne me laisse plus enivrer par ce besoin: je ne suis pas masochiste, je ne veux pas souffrir. N'aidez pas la vie à se moquer de vous. Ne bougez pas: restez assis. Ne dites rien, ne vous élancez pas vers les gouffres; regardez les gouffres avancer jusque sous vos pieds. Ou, si vous voulez à tout prix faire oeuvre pie, défaites tout: abattez ce qui se dresse, éteignez ce qui éclaire, tuez ce qui vit et suicidez-vous. Ainsi, peut-être, vous aurez sauvé la face.»
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Ici, nous devons nous rendre immobiles et invisibles par égard pour les autres et nous finirons par devenir immobiles et invisibles par rapport à nous-mêmes. Ici, tout a été empoisonné par l'âme de plusieurs autres. Ici, pour ne pas manger ce qui a été empoisonné, il faut créer à mesure ce qu'on mange. L'air et l'eau, ce qu'on appelle le réel, le vrai, sont viciés, sont pleins de fumée d'automobiles et de cigarettes, de jus de baignoires et de chaises percées. Il reste le faux : regarder un chou et s'imaginer que lorsqu'il sera mûr chacune de ses feuilles s'arrachera toute seule et se mettra à voler, à chanter, à être un chardonneret.
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Sa mère lui ayant dit de sa marier, Ina se maria. Sa mère mourut. A l'âge qu'elle a, tous ceux qui utilisaient as vie s'en sont allés. Ils l'ont laissée ici, avec nous, avec des étrangers, avec des individus qui ne savent pas s'en servir, qui ne savent même pas lui parler, qui ne la connaissent même pas puisque qu'ils ne connaissent d'elle que le fantôme d'elle que lui a laissé son passé. Je pense en riant au calvaire inconséquent de ma mère. Je m'endors en riant.
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