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Critique de oiseaulire


Petru DUMITRIU (1924-2002) est un écrivain roumain. Son roman «Incognito» a été écrit directement en français et a été publié en 1962.
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"Incognito" fait incontestablement partie du quatuor de tête de mes livres préférés avec ""La marche de Radetzky" de Joseph ROTH, "Le Guépard" de Giuseppe Tomasi di LAMPEDUSA et "Les frères Karamazov" de Fiodor DOSTOÏEVSKI. Certains citent aussi pour le souffle et la profondeur "Le docteur Jivago" de Boris PASTERNAK (que je n'ai pas lu).
L'auteur y relate, à travers les tribulations ô combien douloureuses de ses personnages, les principaux événements survenus en Roumanie de 1941 à 1960.
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A la fin des années 1950, un apparatchik du régime communiste roumain a des désirs d'évasion vers l'Occident. Il est en passe d'obtenir son visa pour Berlin en vue de participer à une manifestation officielle et compte bien ne pas revenir. Mais voici qu'au dernier moment, le Parti le charge d'enquêter sur les activités suspectes d'un ancien membre de la Nomenklatura, rétrogradé simple garde-magasin, Sébastien Ionesco. La liberté est subordonnée au résultat de l'enquête.
Sébastien lui confie, lors de leur unique entrevue, des feuillets contenant son testament spirituel.
A la recherche d'un idéal et dégoûté par la bourgeoisie frivole et décadente dont il est issu, Sébastien Ionesco s'est enfui de sa famille à l'âge 17 ans et s'est engagé dans l'armée roumaine en juin 1941 du côté de l'Axe contre l'URSS. Excellent tireur, plusieurs fois blessé et décoré, il est moralement, plus encore que physiquement, exténué par sa vie militaire de carnages ; fait prisonnier par les russes en 1944, date à laquelle la Roumanie a rejoint dans des conditions humiliantes le clan des alliés, il est repéré, dans l'infernal camp de prisonniers où il est détenu (et où on meurt énormément) par un cadre roumain qui l'initie aux thèses marxistes. Ambitieux, il fait très vite fait partie de la nomenklatura communiste roumaine. Parmi ces élites, en grâce aujourd'hui, disgraciées demain, règnent la terreur et la langue de bois ; Sébastien est renvoyé du Parti pour avoir refusé de participer au licenciement inique de travailleurs. Il est jugé : son idéal socialiste anéanti, il erre, famélique jusqu'à ce qu'il soit embauché dans une aciérie où il est accusé du sabotage d'une chaudière. Il est emprisonné et torturé.
C'est dans ces conditions, qu'après une séance de torture, il a la révélation intime et irrésistible du sens de la vie.
La mystique développée par l'auteur à travers son personnage m'a rappelé celle de la béguine Marguerite PORETE et de Simone WEIL ( l'auteur invoque très souvent l'inexorable «pesanteur» qui entraîne l'homme vers le bas malgré ses efforts, sans cesse contrecarrés par les réalités sordides d'un monde sans merci).
Le style, très riche, parfois haletant et syncopé, doit beaucoup aux Epîtres de Saint Paul.
Il se dégage de cette oeuvre exigeante, une spiritualité proche du quiétiste dans laquelle on reconnaît également les apports du spinozisme, du bouddhisme et de la physique quantique (sans qu'ils soient nommés).
C'est un gros livre (695 pages). Mais si vous êtes intéressé(e) par le questionnement métaphysique et spirituel et/ou par l'histoire roumaine des années 40 aux années 60, n'hésitez pas !
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