Citations sur L'embaumeur (80)
- Tes parents ont-ils été bons pour toi ? l'interrompis-je.
- Eh bien... Disons que jusqu'à l'âge de cinq ans, j'ai cru que "pousse-toi" signifiait "bonjour".
Mon petit Victor, je regretterai amèrement ta compagnie, le parfum des épices que nous versions dans les pâtés pour masquer l'odeur des viandes avariées et nos mines obligées à la clientèle les jours de foire. Ces souvenirs égayeront ma vieillesse.
Nous décidâmes d'agir dès la nuit, à l'heure où les fossoyeurs regagnent leur logis ; l'outillage nécessaire à notre plan était prêt. Moi, je n'étais pas vraiment disposé ; je voulais fuir, courir au loin et me jeter dans la Seine, ou dans le vide.
Mais comment rencontre t-on le vide autrement qu'en soi ?
Angélique au visage de madone rajustait le foulard bleu pâle noué dans ses cheveux. Ses boucles soyeuses habillaient sa gorge blanche. A mon tour, je me sentis jaloux. Jaloux des petites mèches folles qui, agitées par une légère brise, frôlaient son front et faisaient battre ses paupières. Jaloux de sa main pâle qui les rejetait en arrière. Jaloux du bras de sa mère, qu'elle agrippait nerveusement, froissant l'étoffe de sa manche.
Et soudain, je me souvins que j'étais laid. Laid et, de surcroît tordu.
Le cabinet Joulia-Renard prend soin de votre tournure pour réussir l’épreuve du passage des portes du Paradis : habillage, fardage, camouflage des plaies, vos défunts sont présentés coquets et gracieux devant l’éternel.
Chaque matin en taillant des boutonnières dans les carotides, en incisant des estomacs et en vidangeant les déchets des corps, j'allais apprendre à me concentrer sur un travail malaisé dont les recettes remontaient à l'Antiquité. Un bon musicien est plus puissant qu'un remède ; il apaise aussi bien par sa mélodie que par le labeur que l'on devine derrière son habileté. Mieux encore, notre coquet sentait si fort le musc que, dès son arrivée, le cabinet se voilait d'un parfum étourdissant.
Le mépris est sans doute une élégance que nous autres gueux ne pouvons cultiver.
Notre métier était autrefois pratiqué par plusieurs personnes agissant sur le même cadavre.
Le paraschiste pratiquait l'ouverture de l'abdomen pour en
extraire les viscères,
le taricheute procédait à la dessiccation du corps par le sel,
le nécrotaphe transportait le corps vers sa dernière demeure.
Le règlement de l'établissement prévoyait, conformément aux consignes des médecins, que la température des pièces habitées par les élèves ne dépassât pas 15 degrés ; on allumait le poêle de la classe uniquement les jours de visites officielles ou lorsqu'un parent devait entrer dans la classe. Le reste du temps, les murs suintaient et moisissaient. Pourquoi dorloter des enfants, ces êtres imbéciles et bruyants que l'on n'est point tenu de respecter ?
Ma mère accusa le coup sans chanceler et reprit son interrogatoire.
– Votre oiseau est-il mort ?
– ? ! ?
– Avez-vous cassé la cruche ?
– ? ! ?
– Bon, quand on est gourde à ce point, c’est qu’on n’a pas encore rencontré le loup. Où comptez-vous vivre ?
– Eh, avec vous. N’est-ce pas l’usage ?
– Déjà deux cochons à rentrer le soir, c’est bien assez de tracas.