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sur 453 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Victor est condamné.
Avant son exécution, il relate son histoire façon Contes des mille et une nuits devant ses futurs bourreaux et un public toujours avide de voir la déchéance des autres.
Certaines tricotent même. Un peu comme avec un audio-book, sauf qu'elles ont l'image aussi.

Victor commence par relater la mort de son père, alors qu'il avait tout juste 15 ans. Celui-ci jouait du serpent dans les églises, pour accompagner les choeurs quand l'orgue manquait.
Il était aussi mandé par des particuliers pour certaines cérémonies.
Bref, il est mort, on va pas passer le réveillon là-dessus.

Il laisse une femme éplorée, dont la douleur est plus que touchante et ne peut laisser personne indifférent.
Mais non ! Je plaisante, rangez vos Kleenex !

Le seul qui aimait et regrette son père, c'est Victor.
Il l'aimait autant qu'il le craignait, du reste, parce que le vieux n'était pas tendre. Les coups pleuvaient, les insultes aussi, la culpabilisation surtout pour les choses dont le gosse n'était pas responsable.

Vous allez me dire : heureusement qu'il pouvait se consoler dans les bras de sa maman...
Non plus. Une teigne, un monstre, cette Pâqueline.

Pour ses parents, Victor avait tué son frère jumeau, le préféré, bien que mort-né, en l'étranglant avec le cordon ombilical.
Mais il en a été bien puni puisque affecté par un torticolis congénital, ce qui lui vaut tout un tas de petits surnoms par sa chère "maman".

Victordu, Victorgnole, Victorieux trou du cul, Victorchon, Victortillon, Victordant, Victorticolis, Victornade, Victord-boyau, Victorve...
Tous plus affectueux les uns que les autres.
Retenez-les, y aura interro.

Je ne vais pas vous décrire toutes les épreuves par lesquelles le gamin passe, mais entre les mains de l'horrible marâtre, c'était pas folichon tous les jours.

Ses moments de joie, quand il allait chez son oncle et sa tante. Ledit oncle était pâtissier.
Enfin à l'époque, c'est pas du tout un marchand de gâteaux, mais un fabriquant de pâtés, viande et tout le toutim.

Le mec qui rend service par exemple à la confectionneuse de crucifix et chapelets en lui donnant des os.
Non mais franchement, il faut le lire, c'est très intéressant.

C'est d'ailleurs chez son oncle, un jour où celui-ci s'est absenté, que Victor tombe amoureux de la magnifique Angélique (laquelle venait voir le pâtissier pour faire réparer le talon de sa chaussure).

Question études, le gosse va dans un pensionnat à un moment. Pas non plus un long fleuve tranquille.
Parce que voyez-vous, les vêtements, l'apparence en général, le comportement, sont très visibles entre les pauvres et les riches, et curieusement, il n'est pas de bon ton d'être pauvre.
Partout, d'ailleurs, pas juste au pensionnat. Alors les regards moqueurs et dédaigneux, les remarques blessantes... nul besoin de dessin.

Victor survit à tous les coups du sort et de sa mère, une existence rythmée par les coups de son pied sur le plancher quand celle-ci est assise, occupée par la confection de poupées.
Alors là, vous vous dites qu'elle a la Danse de Saint-Guy (appelée aussi Chorée de Sydenham par les plus calés d'entre nous), la charmante femme..
Eh bien vous avez raison, et j'ai à peine soufflé.

Où j'en étais moi ?
Ah oui !
Comme le titre l'indique un peu, Victor trouve du travail chez un embaumeur.

L'homme est très gentil, patient, et prend Victor sous son aile. Un peu comme un fils.
Et notre héros reçoit enfin l'affection dont il avait tellement besoin.
Monsieur... je sais plus son nom... lui fait bientôt confiance et lui enseigne toutes les ficelles du métier, ainsi que ses secrets pour se faire de l'argent.

Je vais arrêter de raconter, ça va vous lasser et puis vous devez lire ce livre.

Isabelle Duquesnoy m'a encore embarquée dans son récit palpitant, malgré le nombre de pages.
Un roman historique qui se passe au début de la Révolution. Les grosses têtes tombent, les plus petites aussi. (je sais, c'est pas drôle, mais Victor me manque déjà).

Ne passez pas à côté de ce livre passionnant, instructif, et magnifiquement écrit.
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Nous sommes sous le Directoire, juste après la Terreur. Victor a une vingtaine d'années : il est embaumeur à Paris et nous relate sa vie et les évènements qui l'ont amené devant la Justice, dans ce procès dont nous sommes le public et dont nous savons juste qu'il doit aboutir à son exécution.


Enfant détesté de ses parents, en particulier de son épouvantable mère qui le poursuivra toute sa vie de ses méchancetés, Victor rencontre enfin la bonté en la personne de Monsieur Joulia, son maître d'apprentissage, qui lui transmet avec patience les rudiments de son métier : l'embaumement des morts. Pour Victor, c'est le début d'une bonne fortune, qui finira pourtant par se retourner.


Tout au long de sa narration, Victor interpelle directement le lecteur, qui se retrouve assis au milieu du public venu assister aux audiences. Sur un ton truculent débordant d'humour noir, il nous relate son métier et, au travers des mille anecdotes et détails de sa vie, parfois très glauques, ce sont toutes les moeurs de la société de son époque qui se dessinent peu à peu, dans un récit piquant et pittoresque, souvent drôle et étonnant. Victor est un véritable conteur qui sait tenir son public en haleine : jamais l'intérêt ne se relâche et le rire est souvent au rendez-vous.


Ce livre admirablement documenté, au style ciselé qui parvient à merveille à évoquer le langage de l'époque, se lit avec délectation. Il nous fait revivre l'Histoire au travers des mille détails de la vie quotidienne, parfois triviaux, mais tous constitutifs d'une réalité et d'une certaine conception de la vie et de la mort. Alors, oubliez vite vos repères contemporains et laissez vous entraîner dans cette plongée captivante dans l'ordinaire de la fin du 18e siècle : un ordinaire qui ne manquera pas de vous estomaquer.
Au delà du coup de coeur.


Petite prolongation sur l'embaumement des rois et le brun de momie utilisé en peinture, avec ma rubrique le coin des curieux, à la fin de ma chronique de L'embaumeur sur mon blog :
https://leslecturesdecannetille.blogspot.com/2019/05/duquesnoy-isabelle-lembaumeur.html

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Isabelle Duquesnoy nous livre avec "l'embaumeur ou l'odieuse confession de Victor Renard" un roman extraordinaire, un roman passionnant.
Nous sommes à  Paris après la révolution, on imagine très  bien la noirceur de Paris, ces petites rues sombres et peu rassurantes ainsi que l'atmosphère particulière de cette fin du XVIII siècle.
Nous faisons connaissance de Victor Renard à travers ses confessions au tribunal où il est jugé pour un acte qu'il nous livrera à la toute fin de ce livre. Ce procès durera 11 jours, pendant lesquels nous sommes pendus à ses lèvres,  on veut tout savoir, tout comprendre.

Victor devient apprenti embaumeur chez Mr Joulia qui deviendra un père pour lui. Un peu d'amour ne peut être que salutaire pour Victor qui vit avec  sa mère Paqueline qui est d'une effroyable méchanceté. Les propos de cette Paqueline sont d'une telle violence qu'ils font froids dans le dos mais avec la plume de l'auteur c'est aussi "un regal". le cynisme de cette femme, ses expressions sont d'une grande force et d'une terrible cruauté .
Tout en découvrant la terrible vie de cet attachant Victor, nous apprenant avec beaucoup de détails le travail de l'embaumeur et certaines pratiques que j'ignorais complètement. 
Ce livre est tout à fait exceptionnel.  Il faut le lire !
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Voulant absolument lire « La Pâqueline ou les mémoires d'une mère monstrueuse » d'Isabelle Duquesnoy, je me suis plongée avec délectation dans le premier tome, celui de « L'embaumeur ».
Au final, j'en ressors enchantée. L'auteure a consacré près de dix ans à écrire un roman riche, truculent, admirablement bien écrit.
*
Victor Renard a commis un acte odieux pour lequel il est jugé, un délit dont le lecteur n'a pas connaissance, mais assez grave pour risquer la guillotine ou la pendaison.
« Je sais que ma condamnation est décidée, le récit des circonstances de mon forfait n'est, à vos oreilles, qu'un divertissement puisque vous en connaissez la fin ; vos gens m'ont surpris en flagrant délit. L'histoire de ma vie, ce sentier qui m'a conduit à commettre ma faute, ne servira qu'à persuader les foules de ma monstruosité. »
*
Ce roman retrace les onze jours de son procès.
Le public se bouscule pour assister à l'audience, le lecteur étant aux premières loges pour profiter du spectacle.
Souhaitant obtenir de ses juges un peu de compassion, souhaitant peut-être aussi reculer le moment de son trépas, on ne peut que le comprendre, Victor ne ménage pas ces efforts pour expliquer ce qui l'a amené à cet acte horrible. Il retrace avec beaucoup de détails son parcours, depuis sa naissance jusqu'à cette affaire pour laquelle il est jugé. Voyeurisme, curiosité malsaine, fascination morbide. Son récit est addictif et instructif.
Durant tout le récit, je me suis demandée quel crime il avait pu commettre pour penser mériter une condamnation à mort. Et durant tout le récit, les hypothèses s'accumulent, distillant le suspens jusqu'au bout, pour le plus grand plaisir du lecteur.
*
L'auteure a mis tout son talent pour composer des portraits originaux, particulièrement bien dépeints.
Affublé de nombreux surnoms ridicules, Victordu, Victorgnole, Victorve, Victorchon pour n'en citer que quelques-uns, Victor, le narrateur, se décrit tel que ses parents l'estiment. Ces déplaisants sobriquets dépeignent l'attitude malfaisante, haineuse et cruelle de ses parents.
« Assassin, fratricide, coucou, imbécile, voleur, tordu, vermine, j'étais tout cela depuis ma naissance. »

J'ai eu envie de m'attacher à Victor, vraiment, mais je ne sais pourquoi, je n'ai pas pu complètement.
Sa vie n'a pas été tendre, et malgré tout, il a de vraies valeurs. A certains moments, j'ai ressenti de l'empathie pour lui, mais les horreurs qu'il décrit avec froideur et détachement n'en font pas un personnage aimable, avenant.

Sa mère, la Pâqueline, est une femme grossière et méchante comme une teigne, qui éprouve une forte répulsion pour son fils. Son père est un être envieux, irascible et violent qui le martyrise au moindre faux-pas.
Elevé sans affection, sans amour, Victor, le fils au physique fragile et ingrat, ne rêve que d'arracher le coeur sa mère et de l'embaumer.
« Oui, je l'admets : je rêvais fréquemment au trépas de la Pâqueline. Je ne détestais point l'idée d'embaumer ma propre mère ; avec une délectation honteuse et malsaine, je me voyais fort bien ôter son coeur, le peser et constater que, conformément aux écritures antiques, le boyau pesait moins qu'une demi-livre de grains à poules faute de s'être gonflé des vertus et des bonheurs que les bonnes personnes unissent et sentent battre très fort dans leur poitrine. »
Quelle charmante famille !
*
Pour échapper à sa misérable vie, Victor va devenir embaumeur. Son maître lui apprendra les bases de l'embaumement, des rites mortuaires et par la même occasion nous instruira des différentes techniques de conservation des viscères. Isabelle Duquesnoy, par ses descriptions sur l'embaumement des corps, m'a permis de découvrir le monde de la thanatopraxie et des soins apportés aux corps pour retarder provisoirement leur décomposition. Mélange d'obscénité, de répulsion et d'attirance, d'odeurs de putréfaction, mélange étrange de sensations.
*
Le fond historique est aussi passionnant. Ce roman est incroyablement bien documenté sur les croyances et les moeurs parisiennes au XVIIIème siècle. L'auteure, diplômée d'Histoire de l'Art, a si bien écrit ce premier roman que l'arrière-plan historique ne nuit pas à l'intrigue, mais au contraire, la rend captivante et savoureuse.
On se croirait plonger au lendemain de la Révolution française, dans cette ambiance orageuse, dans ce décor fait de ruelles sombres, sordides et malfamées dont les odeurs nauséabondes prennent à la gorge, soulèvent le coeur, donnent la nausée.
J'ai été très intéressée par un fait méconnu, celui des « mumies ».
*
Ce que je retiendrai aussi de ce roman, c'est cette écriture pleine d'humour. Un humour caustique, décapant, très noir, très ironique servi par des personnages hauts en couleur.
Les dialogues entre la mère et le fils sont souvent savoureux de cruauté, voire de sadisme. J'ai vraiment apprécié le détestable personnage de la Pâqueline. Dans son rôle de méchante, elle est vraiment extraordinaire. Elle est détestable, et plus rarement, elle est émouvante dans sa solitude et sa tristesse.
*
Vous l'aurez bien compris, j'ai passé un très bon moment à lire les confessions de Victor.
Le choix affirmé de l'auteure de traiter de sujets graves et sérieux sur le mode de l'esprit plein d'un humour grinçant est une grande réussite.
J'ai adoré le style de l'auteure, un peu précieux et suranné, ce mélange d'écriture recherchée, vulgaire, morbide. J'ai aimé ces sensations contradictoires, ce mélange de fascination et de répulsion, d'empathie et d'aversion.
Et je n'ai maintenant qu'une hâte, c'est lire la suite, centrée sur ce personnage charismatique et fortement désagréable qu'est « La Pâqueline ».
*
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Ah mon cher Monsieur Renard ! Quel odieux crime avez-vous pu commettre pour que l'avenir de votre tête soit aussi compromis en cette période révolutionnaire ? Que dites-vous ? Ah, il faudra pour le savoir écouter un long récit. Qu'à cela ne tienne, j'ai tout mon temps même si cela peut prendre plusieurs jours !

Formidable roman d'ambiance qui dépeint une époque de manière peu reluisante mais tellement réaliste, Isabelle Duquesnoy m'a offert un très bon moment de lecture. Pourtant très maniaque, j'ai réussi à me plonger sans difficulté dans ce roman où la saleté et le langage cru font partie intégrante du récit.

Vous allez sûrement me demander : pourquoi donc aimer ce roman ragoûtant au premier abord ? Car la plume de l'auteure est captivante et a réussi avec brio à ce que tout ce que nous lisons soit perçu comme étant du second degré ce qui a apporté finalement une légèreté au récit. Même si l'on ne peut choisir sa famille, Victor Renard a malheureusement tiré le pire des gros lots avec une mère pareille, la Pâqueline que j'ai adorée détester !

Tout au long de cette lecture, j'ai adoré en apprendre plus sur cette période qui a été possible grâce à un important travail de recherche de l'auteure. Amatrice d'art, j'ai pu découvrir une technique pratiquée par certains artistes de l'époque qui est plus que surprenante. J'ai trouvé très intéressant de pouvoir en savoir plus sur les pratiques d'embaumement à la fin du XVIIIème siècle.

Lecture faite dans le cadre d'une Lc, je pense avoir perdu pas mal de mes camarades s'attendant à lire un roman policier. Pour ma part, cet ouvrage sera l'un de mes coups de coeur de l'été et il me tarde de suivre les aventures de la famille Renard en découvrant sa suite consacrée à cette fameuse mère ; la Pâqueline 😉
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Je suis ? Je suis ?
Une curiosité - une vilaine bêbête !!!!

Victor Renard né un 9 juillet d'on ne sait quelle année ; le cordon ombilical a étranglé son frère jumeau et lui, est né le cou tordu et vilaine figure.
Du moins c'est ce que son père et la Pâqueline se sont tués à lui faire entrer dans la caboche à grands coups de taloches.

Victordu - Victortillon - Victorgnole etc ......

Embaumeur! Il le deviendra grâce à un bienfaiteur inattendu M. Joulia.
L'autrice ne vas pas nous épargner tous les détails répugnants et putrides de cette affaire.

De l'humour ? l y en a, macabre à souhait;
De la tendresse ? aussi
De l'amour ? beaucoup
Amour du travail bien fait, mais aussi amour pour son Angélique qui ensoleillera sa misérable vie.

Le roman -
Audition du Sieur Victor Renard
en XI Chapitres, onze jours d'audience où Victor raconte ce qui l'amena à ce jour fatidique et que l'âme noire des hommes condamnera sans rien avoir compris de cet être "tordu" mais tellement plus droit qu'eux.

Victor qui va devoir mourir de trop avoir aimé, après avoir commis un acte qualifié d'odieux ; mais , qui, pour lui, fut un dernier acte d'amour pour son aimée.

Victor qui avait de vraies valeurs, pour qui j'ai eu beaucoup d'empathie tout au long de cette histoire.

Tellement de cruauté et de méchanceté chez sa mère la Pâqueline.

Beaucoup de sentiments fort dérangeants jalonnent les pages de ce roman ; cependant, l'autrice a réussi à y glisser de l'amitié, de la tendresse et de l'amour.
D'autre part, tout est tellement bien documenté que ce fut un plaisir de le lire.
Humour horriblement jubilatoire par moment, qui n'est pas sans rappeler "le parfum" de Süskind .

Quant à moi , Victor , je l'aurai gracié !
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Les vacances sont pour certains l'occasion de lire plus. Ces dernières ont été pour moi l'occasion de lire moins. Je ne regrette cependant pas les soirées entre amis qui m'ont volé quelques heures de lecture. Ce que je regrette en revanche c'est d'avoir par trop fragmenté la lecture de L'embaumeur d'Isabelle Duquesnoy. Le découpage en épisodes trop nombreux fait perdre en substance de son contenu à un ouvrage. Et quand on parle de substance, pour ce qui concerne L'embaumeur on ne s'attend à rien de bien ragoutant. Heureusement qu'Isabelle Duquesnoy a su redonner de la truculence et de l'humanité à ce récit qui aurait pu sombrer dans le nauséabond.

Ce n'est en effet pas impunément que l'on participe à l'éviscération de cadavres. Les remugles de décomposition exhalent tout au long des chapitres qui le relatent. Mais avec son verbe fleuri, Isabelle Duquesnoy nous aide à supporter ce qui a fait la fortune de Victor Renard. Il est devenu embaumeur. Cette activité fera toutefois aussi son infortune. Cet ouvrage est en fait sa propre plaidoirie devant des juges qui quant à eux resteront muets. Son crime ? On l'apprendra dans les dernières pages de l'ouvrage selon la subtile construction de son auteure.

Fiction raccrochée à l'histoire, la grande. Isabelle Duquesnoy y fait référence dans des notes de bas de page. On y découvre les pratiques de la profession en apprenant que cette dernière n'avait pas pour seule vocation de rendre les corps présentables au jugement dernier, mais aussi et tout autant de calmer les craintes de ceux qui avaient la hantise d'être déclaré mort un peu trop vite et enterré tout de go. Victor Renard a fait fortune à exploiter cette crainte, pour ceux qui en avaient les moyens en tout cas en cette fin de XVIIIème siècle.

Découverte surprenante à faire à la lecture de cet ouvrage, pour ceux qui comme moi sont vierges non seulement de signe astrologique mais aussi de toute étude de l'histoire de la peinture, cette étonnante technique qui consistait à utiliser les viscères desséchés et mis en poudre pour fabriquer des pigments de peinture. Pigments d'autant plus précieux que leur pourvoyeur tenait un rang élevé dans la société. Quelques bruns soutenus, fixés sur certaines toiles de maîtres, furent ainsi obtenus du broyat de viscères de personnages de famille royale. Il y a plus exaltant en matière d'art.

Mais l'aspect technique du métier ne sert que de toile de fond à la vie de Victor Renard. La vraie substance de l'ouvrage est plus incommodante encore. C'est dans ses déboires en amour que Victor Renard trouve grâce à nos yeux. Au premier rang desquels l'amour maternel dont il n'a pas été gratifié. La détestation que sa mère lui voua valut à cette dernière, en juste retour, le désir de la voir un jour sous son scalpel à lui extraire les tripes du corps. Quelque peu déroutant comme sentiment filial.

Victor Renard n'en est pas moins un humaniste malchanceux. Il sait très bien à qui attribuer les déboires de sa triste destinée. Aussi a-t-il préféré embellir la mort plutôt que de croire en l'impossible amour, y compris avec celle qu'il a épousée. Encore moins en l'amour d'un dieu qu'il ne connaît pas. Philanthrope à l'égard de qui le mérite, il n'a pas craint de s'adjoindre en son commerce les services d'un esclave affranchi dont ses contemporains affirmaient qu'il avait l'âme plus noire que sa peau.

Magnifique roman de par son style, sa subtile construction qui nous laisse mijoter entre les mains de l'embaumeur avant de nous faire entrevoir la raison de la plaidoirie. Roman duquel on peut accessoirement extraire quelques fragments pour consolider sa culture historique. Mais surtout roman du désamour. La froideur cadavérique et ses exhalaisons fétides sont la manière la plus efficace pour imager une vie sans amour maternel.

Roman que je garde sur mes étagères pour me promettre une relecture, plus avertie et assidue celle-là.
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ALERTE COUP DE COEUR ♥♥♥
Un jeune souffre-douleur dans le cloaque parisien!
*
Suite à une critique élogieuse de G. Collard et au sujet historique intrigant, j'ai décidé de lire ce roman racontant l' "odieuse confession de Victor Renard", embaumeur de son métier.
C'est un réel coup de coeur! J'ai d'ailleurs pris bcp plus de temps à le lire pour pouvoir en savourer chaque instant.
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Familière de l'époque de fin de 18e siècle, je me suis délectée des scènes de la vie quotidienne, les dialogues au français argotique, une plongée dans le Paris des petites gens qui "ne se la racontent pas", mais où tout fourmille, grouille...
*
Une véritable descente dans les quartiers pittoresques avec des personnages odieux et infâmes (ah la Mère!), des métiers oubliés et des sens affolés (on sentirait presque les odeurs nauséabondes des pissotières!).
*
Le pauvre Victor - une anomalie de la nature d'après ses parents - pendant onze jours (11 chapitres) nous raconte avec verve et sans langue de bois, son enfance et adolescence ainsi que son apprentissage auprès d'un embaumeur, sa courte vie d'adulte auprès d'un public juridique (oui, il est condamné, et l'on va, tout au long du livre, découvrir son méfait).
Et l'on va également en apprendre plus long sur le métier d'embaumeur de cette fin de siècle. L'histoire dans la grande Histoire. Des coeurs royaux utilisés comme pigments de peinture...(véridique). On sent que l'auteure a passé bcp de temps à des recherches et nous dévoile petit à petit les fruits de son long travail.
Fans de romans historiques, jetez-vous dessus!
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Après l'histoire de la Redoutable veuve Mozart, je me suis plongée avec plaisir dans celle de L'Embaumeur et j'ai découvert L'odieuse confession de Victor Renard. Décidément, la plume d'Isabelle Duquesnoy excelle à brosser des personnages étonnants, pas forcément sympathiques, en les replaçant au coeur de leur époque. Elle nous entraîne juste après la Terreur de sinistre mémoire. Il ne fait pas bon prononcer certains mots, et il vaut mieux parler de la mort du citoyen Capet que de celle du roi Louis XVI. Pendant 11 jours, dans plusieurs chapitres organisés en deux parties (I, le matin, et II, l'après-midi), nous entendrons la confession de Victor. « Je sais que ma condamnation est décidée, le récit des circonstances de mon forfait n'est à vos oreilles qu'un divertissement puisque vous en connaissez la fin ; vos gens m'ont surpris en flagrant délit » confie Victor à ses juges et au public qui se presse au tribunal dès le tout début de son récit. Son forfait ? On l'a pris en flagrant délit ? de quoi ? Tout le monde le sait visiblement, sauf le lecteur qui devra attendre la toute fin du roman pour découvrir ce qui a amené Victor devant cette assemblée !
***
Pauvre Victor ! Il est né coupable, et contrefait, comme on dit à l'époque. Coupable parce que son cordon ombilical a étranglé son frère jumeau ; contrefait, parce que ce même cordon lui a bloqué la tête inclinée vers l'épaule, comme s'il souffrait d'un torticolis permanent. Mauvais départ dans la vie, d'autant que ses parents ne sont pas des cadeaux… Sa mère, l'ignoble Pâqueline, lui reprochera cet assassinat toute sa vie. Quant à son père, il est mort, comment dire, d'un accident du travail, mais il avait prouvé maintes fois à son petit garçon qu'il ne l'aimait pas. Victordu l'appelle-t-on méchamment chez lui. Je l'ai parfois trouvé un peu nunuche, ce pauvre Victor. Tout le monde va profiter de sa gentillesse et de sa naïveté, sauf ce brave monsieur Joulia.
***
Nous allons suivre Victor au fil de son récit. Bien que les juges n'interviennent pas directement, ils sont très présents. le jeune homme répondra à leurs questions que l'on devine bien qu'on ne les lise pas, s'adressera fréquemment à eux et au public que l'on sait présent dans la salle d'audience, manière d'englober ainsi le lecteur dans ses confidences forcées. La vie de Victor, enfant pauvre mais pas miséreux (il y a bien pire !), les tribulations de son père, joueur de serpent dans différentes églises, les médiocres arnaques de sa mère donnent une idée de la manière dont vivent les membres de cette drôle de famille et cette vie quotidienne sert de toile de fond au récit. Victor grandira, tombera amoureux, deviendra embaumeur. Chaque épisode de son évolution sert de prétexte à Isabelle Duquesnoy pour plonger le lecteur dans la réalité de l'époque, nous présentant des pratiques particulières, celles des embaumeurs, ce qui nous fait découvrir par la bande les pratiques funéraires du XVIIIe siècle et les balbutiements de ce qui deviendra la médecine légale. Un domaine très spécialisé, donc, mais l'auteure nous propose aussi de découvrir les aléas de la vie de tous les jours. Un exemple : les veuves ne sont pas autorisées à élever seules leurs garçons : elles en feraient forcément des « invertis » ! Imaginez aussi les difficultés pour se procurer de l'eau dans Paris. On ne parle évidemment pas de l'eau courante, non, le simple fait d'accéder à de l'eau potable est une vraie galère. L'auteure donne aussi, entre autres, quelques détails sur la mode des Incroyables (pardon, des Inc'oyables), ces gens qui ne prononçaient pas les « r », vous apprendrez pourquoi au passage. Ceux qui avaient un guillotiné dans leur famille pouvaient porter autour du cou un ruban rouge qui symbolisait la marque de la machine… Et l'auteur nous raconte tout ça avec beaucoup d'humour ! Bref, je me suis régalée et je conseille chaleureusement ce roman aux mordus d'histoire comme aux autres.
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Victor Renard, né sous le règne de Louis croix v bâton, on ne sait pas très bien en quelle année mais il n'est pas arrivé sous une bonne étoile c'est certain, est un héros que l'on pourrait aisément comparer à Jean-Baptiste Grenouille, le personnage principal de Süskind, mais il y aurait quelques nuances à apporter. Victordu, comme sa mère veut bien l'appeler car il est né avec la nuque raide et inclinée sur le côté est un enfant mal aimé et maltraité. Mais contrairement à Baptiste Grenouille, il est profondément gentil. Orphelin de père à treize ans, il découvre par hasard le métier d'embaumeur auprès d'un homme, Monsieur Joulia, qui lui apportera l'amour paternel qui lui a tant fait défaut. Petit à petit, il se hisse au-dessus de sa modeste condition.
De mauvais choix sentimentaux font malheureusement basculer le destin de Victor et mettre un coup d'arrêt à son ascension sociale.
Cet ouvrage rondement mené nous livre la confession de ce jeune homme dans un pays en pleine tourmente révolutionnaire où les partisans de Capet sont honnis et pourchassés.
Un récit à l'intérêt historique indéniable et qui, tel un roman policier, se lit avec beaucoup de fébrilité, tant il nous tarde de comprendre l'énigme du destin de Victor à travers sa confession.
Âmes sensibles, s'abstenir...
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