Elle a cette noblesse de la banalité.
Ma fille pense que la poésie est la chose la plus partagée dans le monde. Avec l'Amour. Et la faim.
LUI
C'est un film ?
ELLE
Ça aurait été un film. C'est un film, oui !
Le camion aurait disparu, puis réapparu.
- MP - Vous utilisez toujours le futur antérieur dans ce film : « ç’aurait été un film. – C’est un film ».
- MD – Oui, je pense que c’est le premier film que je fais, et peut-être le premier film qu’on fait, où le texte porte tout. Dans la grammaire de Grevisse il est dit que le futur antérieur est le conditionnel préludique employé par les enfants dans leurs propositions de jeu. Les enfants disent : toi tu aurais été un pirate, toi tu es un pirate, toi tu serais un camion, ils deviennent le camion ; et le futur antérieur, c’est le seul temps qui traduise le jeu des enfants : total ; Leur cinéma.
La situation commune entre le chauffeur et la femme, c’est celle-ci : lui, est dans l’exercice de son métier, et elle, elle est transportée par lui : mais tous deux sont face à la route.
Vous voyez ?
PANORAMIQUE. On part de la route nationale 12 à Ponchartrain (Yvelines). On arrive sur place : le camion est là. Un trente-deux tonnes Saviem. Bleu. Avec remorque. Arrêté.
On oublie quatre-vingt-dix pour cent des choses de la vie, on deviendrait fou, on mourrait si on avait présent en mémoire tout le temps vécu, on mourrait, ce serait insoutenable. Ce serait un peu comme si la mort n’existait pas : il y a autant de vécu dans l’histoire extérieur du monde que dans un seul homme. Autant, depuis la première époque de l’Égypte, que dans un homme. C’est ce que je crois, moi. On dit toujours que l’oubli est un défaut, mais heureusement qu’il existe, si on se remémorait parfaitement tout, les douleurs, les passions, les joies, l’instant serait blanchi, complétement spoliée, n’existerait plus… L’oubli, c’est la vraie mémoire…