[...] Doc, junkie en manque permanent, a été radié de l'ordre voici des années. Depuis, il vit une lente errance, descente progressive vers les bas fonds de la société américaine. Pour se payer ses doses, il soigne ceux qui, pour un tas de raisons qui les regardent, ne peuvent aller jusqu'aux urgences de l'hôpital de
San Antonio. Blessures liées à des affrontements avec les flics ou à des règlements de compte, blessés recherchés…Nous sommes dans les années soixante-dix. Les prostituées, si elles ont souvent besoin d'injections d'antibiotiques ont aussi parfois besoin de se débarrasser d'une grossesse encombrante. La misère des autres entretient celle de Doc, solitaire, par choix dit-il.
Pourtant, chaque fois qu'il se pique, c'est à dire plusieurs fois par jour, Doc tient conversation avec Hank Williams, chanteur de country, mort de nombreuses années auparavant, ectoplasme revenchard et râleur. Hank a véritablement existé, et ce qu'on sait de sa mort précoce correspond, semble-t-il, exactement à la scène du roman. Mort sur la route, un long ruban d'asphalte pour seul horizon. Hank, dont le roman prétend qu'il a été soigné, autrefois, au temps de leur prospérité mutuelle, par le Doc.
Nous voici donc avec un fantôme. Dans les premières pages, cette apparition passe pour une émanation de la conscience de Doc. Puis, avec une stupéfaction joyeuse, on ne s'étonne plus de la voir s'individualiser. Dans un sens, il est même rassurant de voir ainsi le Doc garder sa tête sur les épaules. Mais cela ne dure pas. Car voici Graziella, une petit mexicaine qui ne tarde pas à faire chavirer son coeur, puis son âme, et enfin, malgré sa résistance, son corps. Graziella dont l'aide est si précieuse au Doc : non seulement depuis qu'elle pose les mains sur ses patients, ils ne meurent plus, mais ils s'amendent, et on voit les filles de mauvaise vie retourner dans le droit chemin, les dealers raccrocher, les junkies se sevrer.
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