Treize ans d'attente entre
Suites impériales, qui n'était pas fameux, et ces Eclats pour retrouver Ellis le romancier après Ellis le podcasteur/chroniqueur/scénariste. le roman offre la promesse d'une autofiction revenant là où tout a commencé, cet été où Ellis a trouvé la vocation qui l'a poussé à écrire
Moins que zéro.
Pour Bret, qui traverse sa dernière année de lycée avec l'ennui propre aux gamins de la jeunesse dorée de Beverly Hills, la vie se résume à bronzer au bord de la piscine, explorer sa sexualité (c'est peut-être le premier de ses livres où Ellis aborde si frontalement son homosexualité), et attendre les cours en s'ennuyant. Cette torpeur est rompue par deux événements, apparemment sans lien : une série de crimes sanglants que l'on attribue à un tueur en série surnommé le Trawler et à l'arrivée de Robert Mallory élève inquiétant, séduisant et insaisissable, pour lequel Bret éprouve une immédiate fascination.
Sur ce postulat de départ, Ellis brode 600 interminables pages ponctuées de dialogues plats (on ne peut pas trop en demander à des lycées qui s'ennuient toute la journée), de situations étirées à l'extrême, de détails factuels ("je me suis branlé" "j'ai fait de l'exercice"). Il donne l'impression de vouloir restituer jusqu'à la névrose chaque moment passé, au point de perdre de vue la tension et la menace promise par la présence du Trawler et de Robert Mallory. le name-dropping musical prend des proportions absurdes et n'a pas la pertinence qu'il pouvait investir dans
American Psycho ou
Glamorama. le volet autofictionnel qui dans
Lunar Park était d'une ampleur patiemment ciselée, est ici famélique, et noyé ; le récit abuse des redites, délayages, au point d'endormir le lecteur qui ne se réveille que pour les rares scènes de sexe ou de violence.
Il est toujours triste de voir un auteur dont les textes ont surpris, choqué, passionné s'enliser dans le ressassement et la médiocrité, assez célèbre pour être sûr de toucher son chèque et compter sur sa base de lecteurs. Ces Eclats, dernier baroud d'honneur pour tenter de revenir au roman après un détour par un recueil de chroniques est au-delà de la déception : c'est une fin de non-recevoir. Ellis a beaucoup insisté en interview sur le fait qu'il voulait retrouver à travers l'écriture de ce texte celui qu'il était à 17 ans, l'énergie qui était alors la sienne, les hormones à bloc et les derniers moments d'insouciance partis en fumée avec l'arrivée des "terribles événements". Mais on voit tellement l'homme de 60 ans désabusé derrière ce texte fatigué que la promesse ne peut être tenue.
On ne félicitera pas non plus Robert Laffont qui continue à engager
Pierre Guglielmina qui ruine le texte en essayant de faire du mot à mot d'expressions américaines (
White était par moments illisible en version française). Il est à noter qu'
American Psycho est le seul romans traduit en français par
Alain Defossé, qui a su épouser adapter le texte avec plus de bonheur.