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sur 436 notes
1981, dans les quartiers huppés de Los Angeles. Bret, dix-sept ans, scolarisé à Buckley, prestigieux lycée privé, vit livré à lui-même dans une villa de Mulholland drive. On le suit évoluant dans sa bande d'autres lycéens branchés, entre routine et lassitude, jusqu'à ce tout bascule à l'arrivée d'un nouvel élève, Robert, au passé mystérieux, très séduisant. Bret est persuadé qu'il cache un lourd secret ... d'autant que son arrivée semble coïncider avec les meurtres en série d'un tueur surnommé le Trawler ( le chalutier ) qui kidnappe, mutile et tue des jeunes femmes.

Dans ce nouvel opus, on retrouve tous les tropes habituels de Bret Easton Ellis : une jeunesse dorée à la dérive qui se noie dans la drogue, le sexe et l'alcool lors de scènes excessives qui se répètent, ou encore les crimes d'un tueur en série sadique. Un peu comme s'il avait fusionné Moins que zéro avec American psycho, toujours dans son style caractéristique, prose limpidement froide qui use des répétitions métronomiques de noms propres ( marques, groupes, rues, célébrités). On aime ou pas ce regard cinglant sur les privilèges. Moi j'ai toujours adoré cet auteur depuis que je l'ai découvert au lycée. Mais c'est évident que si vous n'avez pas accroché à ses précédents romans, vous n'accrocherez pas à celui-ci.

Pourtant, B.E.I. ne se contente pas d'une vaine resucée auto-parodique recyclant ses anciens succès. Les Éclats est son roman le plus troublant par les similitudes évidentes avec la vie de l'auteur, encore plus que dans Lunar park ( sa vraie fausse autobiographie ). Et c'est évident que B.E.I. fait tout pour entretenir le trouble : le héros porte son prénom et est en train d'écrire un roman intitulé Moins que zéro; il a bien été scolarisé à Buckley; c'est même son portrait tiré de l'album 1982 du lycée qui orne la couverture. Mais cela va bien au-delà. Ce roman est vraiment une oeuvre de pure métafiction très personnelle, entre ironie et introspection.

Déjà, c'est la première fois que l'auteur évoque frontalement son homosexualité; il le fait de façon très cru, avec des scènes de sexe sans filtre. Mais ce que je retiens c'est la fragilité de son Bret de dix-sept ans, piégé dans une vie qui n'est pas la sienne, obligé de cacher son attirance pour les hommes et ses ébats clandestins. C'est poignant de le voir se débattre dans le monde de surface où il s'est inventé un rôle à jouer, hétérosexuel et sociable, alors qu'il est profondément asocial et solitaire, préférant écrire plutôt que de passer du temps avec sa petite amie vitrine. À ce moment de vie où on apprend à naviguer dans un espace interstitiel entre l'adolescence et l'âge adulte, le narrateur est pris d'un vertige qui enserre et oppresse le lecteur.
B.E.I. excelle à tenir plusieurs arcs narratifs ( les crimes horribles du Trawler, l'homosexualité secrète, les soupçons sur le mystérieux nouveau, le désir d'écriture, sa vie sociale officielle ) qui occupent magistralement des espaces différents. C'est Bret qui en est le centre, tout converge vers lui dans une montée paranoïaque saisissante accompagnée d'une hystérie qui fait douter le lecteur de la fiabilité du jeune narrateur persuadé que Robert est le tueur en série, alors que le narrateur, cette fois plus âgé, évoque la création de ce livre comme une nécessité dangereuse à laquelle il n'a pu résister car le livre « s'est mis à remonter, à donner des signes de vie, à vouloir fusionner avec moi, à envahir ma conscience ».

Ses éclats ont les arêtes vives du souvenir de la fin de l'innocence d'une jeune homme à la psyché rongée par la peur et la paranoïa. Des éclats de plusieurs identités difficiles à concilier qui forme un roman tour à tour sinistre, violent, sexy, ambigu, drôle, effrayant, déchirant écrit par un écrivain, perpétuel adolescent, qui semble perdu dans le cynisme du monde adulte. Brillant assurément.
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1980. le narrateur Bret a dix-sept ans et entre en terminale au très sélect lycée privé de Buckley, à Los Angeles. Tout en écrivant son premier roman Moins que zéro qui paraîtra quelques années plus tard, il s'adonne à la frénésie d'alcool, de drogue et de sexe avec laquelle la jeunesse dorée californienne meuble le vide laissé par des parents bien trop accaparés par les paillettes et les dollars de l'industrie cinématographique. Mais l'arrivée d'un nouvel élève, le séduisant et charismatique Robert Mallory dont Bret se convainc bientôt qu'il pourrait bien avoir partie liée avec le tueur en série de jeunes filles qui sévit dans la ville, transforme ce qui semblait une autofiction en un thriller noir et paranoïaque.


Aujourd'hui presque sexagénaire, l'auteur du très controversé livre-culte American Psycho revient après treize ans de silence avec un coup de maître : le voilà qui, à quatre décennies d'intervalle, revisite son premier roman et, obsédé par son introspection jusqu'à réinventer sans cesse son histoire sous une nouvelle forme, enrichie et exagérée par son imagination débridée d'écrivain, se joue de son lecteur, mais également de lui-même, en une vraie-fausse autobiographie délibérément confondante, un collage libre des fragments d'un passé dont il ne reste aujourd'hui que des éclats de mémoire distordue.


L'on pourra aimer ou détester l'écriture sans concession, directe et crue, qui ne s'embarrasse d'aucune pudeur pour décrire précisément les scènes de sexe et de meurtre. L'on restera immanquablement fasciné par cette fresque générationnelle qui restitue sans fard la Californie clinquante des années quatre-vingts, cachant, sous son faste ensoleillé et ses strass hollywoodiens, le vertige d'un vide existentiel, affectif et moral que l'individualisme et le matérialisme les plus effrénés ne réussissent qu'à fort mal exorciser dans une surenchère de plaisirs luxueux et une orgie de tranquillisants, d'alcool et de stupéfiants. L'écrivain s'en donne à coeur joie dans les réminiscences, exhumant marques et objets emblématiques de l'époque, sonorisant son texte de références musicales, usant du name-dropping autant que d'une topologie précise des lieux pour mieux revivre une jeunesse et une époque disparues.


De tout cela sourd une incommensurable nostalgie, celle d'un homme de presque soixante ans qui se souvient, comme d'un paradis perdu, de ses apprentissages de jeune adulte en un temps de liberté, sans téléphones portables ni réseaux sociaux, sans fusillades de masse ni politisation à outrance des moindres enjeux. Ne manque pas même au tableau, sans que cela semble choquer le jeune Bret, ce producteur de cinéma à la Weinstein, secrètement homosexuel et usant sans vergogne de ses promesses de scénarios pour parvenir à ses fins. Bret est gay lui aussi et doit cacher ses tensions sexuelles adolescentes derrière un personnage de façade et la couverture d'une petite amie. En même temps que cet empêchement à être lui-même finit par susciter une certaine compassion chez le lecteur, il participe au climat d'étrangeté paranoïaque qu'en admirateur de Stephen King le narrateur entretient en un suspense longtemps latent, avant qu'il n'explose en l'on ne sait s'il s'agit vraiment d'une réalité dans l'intrigue ou des fantasmes d'un Bret emporté jusqu'à la psychose par son imagination d'écrivain.


Travaillant ses obsessions avec une inlassable minutie, Bret Easton Ellis réussit un nouveau roman aussi malsain et sulfureux que brillant et virtuose : un pavé-fleuve dans la mare woke et un défi à la tyrannie de la censure et de la « cancel culture », comme on aimerait en voir davantage.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Bon, OK, il est dit et écrit que Les Éclats, le nouveau Bret Easton Ellis – traduit par Pierre Guglielmina – est un chef d'oeuvre. Dont acte. Pour moi en revanche, ce fut une souffrance de lecture durant 600 pages denses et un brin portnawak.

Pourtant, va pas croire que je ne l'aime pas le gars Bret, ayant en son temps porté aux nues Moins que zéro, American psycho ou, à un niveau moindre, Suite(s) impériale(s). L'innovation du ton, le cash du style, cet univers pop-rock-sexe-défoncé de la Californie des années 80, j'achète tous les jours !

Sauf que là, je suis resté bloqué face à ce roman longtemps refusé par l'auteur lui-même, comme un hurdler avant l'obstacle qu'il devine casse-gueule. Car une fois passé le plaisir des premières pages et les retrouvailles avec le jeune Bret à la fin de l'été 1981 pour sa dernière année de lycée, les choses se gâtent.

Durant la première moitié du livre, il ne se passe rien ; ou pas grand-chose pour Bret et sa bande de jeunes dont la vie de fêtes et de sexe est perturbée par l'arrivée à Buckley de Robert, au passé mystérieux, tandis que le Trawler, un tueur en série, sévit envers des jeunes filles autour de LA.

Il faudra attendre la deuxième partie pour que cela s'excite un peu. Un petit peu. Mais ma patience et ma réceptivité avaient déjà été (trop) mises à l'épreuve pour l'apprécier à sa juste valeur. Ça part dans tous les sens avant de renouer à la fin avec le thriller, à contre-courant de l'ambiance du début.

Mais où est donc passé le rythme et la dynamique d'hier ? le style fougueux et trash ? Pourquoi le sexe jouissif d'Ellis est-il devenu si triste et fade ? Comment expliquer ces successions d'obsédantes et agaçantes redites ? Cette construction déstructurée qu'on attend brillante mais qui finit en « tout ça pour ça » ?

Et que dire de cette avalanche de références musicales 80's qui, si elles ont au début agréablement remué d'agréables souvenirs cachés dans ma mémoire de boomer (avec mention spéciale pour Adam and the Ants et Debbie Harry), deviennent si nombreuses qu'on finit par avoir l'impression de parcourir une playlist Deezer ?

On me rétorquera que ce livre est à mettre en perspective avec le reste de l'oeuvre de l'auteur, qui s'en explique au début. Peut-être, mais c'est du plaisir que je cherchais, moi…

Ma déception est donc à la hauteur de mon attente. Mais puisque le livre est un chef d'oeuvre, ça doit être moi…
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Les métamorphoses de Bret

Sexe, drogue, alcool et Valium.
Ce cocktail détonnant qui a fait le succès des romans de Bret Easton Ellis nous étourdit une fois de plus tout au long de ce pavé de plus de 600 pages.

Nous sommes en 1981, Bret revient sur l'année de ses 17 ans. le jeune lycéen est en terminale et est alors plongé dans l'écriture de "Moins que zéro ".
Sa petite amie Debbie sert de couverture aux relations qu'il entretient avec d'autres garçons.
Bret ne veut pas se faire exclure de son groupe d'amis et préfère cacher son homosexualité.
L'arrivée d'un nouvel étudiant va pourtant chahuter l'harmonie de ce groupe qui navigue au gré des expérimentations.
Robert Mallory est charismatique mais cache un passé mystérieux.
Bret s'interroge sur le lien qu'il pourrait avoir avec le Trawler, le tueur en série qui sévit dans les parages.

Dans un style complètement amphétaminé Bret Easton Ellis conduit son récit à une allure effrénée. Impossible de descendre en marche même lorsqu'on a l'impression de passer plusieurs fois au même endroit.
C'est malsain et poisseux à souhait et la paranoïa presque schizophrénique de Bret finit par devenir étouffante et angoissante.
Ce roman clivant parfaitement maîtrisé par son auteur hypnotise autant qu'il effraie.
Vous êtes prévenus, les cocktails de Bret sont vicieux et redoutables.









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Allais-je lire jusqu'au bout Les Eclats, le nouveau roman de l'écrivain américain controversé Bret Easton Ellis, ou le lâcherais-je en cours de route, comme American psycho il y a quelques années ? Présenté comme l'oeuvre de la maturité de l'écrivain, Les Eclats est un roman d'autofiction. L'auteur se met lui-même en scène, en l'année 1981, soit avec un recul de quarante ans. Agé de dix-sept ans, Bret est le personnage central et le narrateur d'une intrigue complexe, où il est difficile de faire la part de ce qui a été réel et de ce qui est fictif.

Bret et un petit groupe de camarades sont en classe de terminale dans une école privée huppée, située dans les (très) beaux quartiers de Los Angeles. Ces adolescents sont issus de familles… — je n'aime pas le qualificatif d'ultra-riche — disons de familles qui dépensent à profusion sans nécessité de compter et qui laissent leurs ados dépenser n'importe quoi, sans (apprendre à) compter : propriétés sublimes, voitures de luxe et/ou de sport à disposition, budgets illimités pour sorties, fringues et accessoires.

Dans ce microcosme hyperpermissif et corrompu dès l'enfance par l'argent, les drogues, l'alcool et le sexe, Bret et ses amis, garçons ou filles, ne connaissent pas de limites. Ils sont très beaux, habillés à la dernière mode et sous l'emprise permanente de divers tranquillisants, euphorisants et autres dopants qu'ils n'ont aucune difficulté à se procurer. Ils évoluent l'esprit vide, dans un état de torpeur mentale dans lequel ils se sentent à l'abri de tout risque présent et futur.

1981, c'était avant le sida, les contrôles d'alcoolémie, les ceintures de sécurité. Autre temps, autres moeurs. Il était surtout mal venu d'être reconnu comme homosexuel. Et justement Bret, qui travaille déjà à son premier roman, est lucide sur son homosexualité. Auprès de ses proches, il s'astreint à jouer le rôle d'un jeune homme conforme aux attentes, à afficher une relation hétérosexuelle stable, tout en ayant sous le manteau, si l'on peut dire, des aventures sexuelles avec des hommes.

L'arrivée dans l'école d'un nouvel élève, encore plus beau que les autres et aux antécédents mystérieux, va déstabiliser Bret, écartelé entre désir et aversion. Doué d'un profil mental d'écrivain créatif, il a tendance à échafauder des fictions narratives à partir du moindre incident. A tort ou à raison, Bret va imaginer un lien entre ce nouvel élève et un tueur en série qui sévit alors sur Los Angeles.

Car Les Eclats est un thriller, mais il ne le devient que vers la fin, disons à partir de la page quatre cent. Qui est le serial killer ? Sera-t-il mis hors d'état de nuire ? Fera-t-il de nouvelles victimes ? Ce ne sont pas les bonnes questions. L'écrivain concepteur de ce type de fiction joue à faire tourner le soupçon sur plusieurs personnages et il clôt l'intrigue comme bon lui semble. Il peut désigner un coupable… ou laisser son lecteur dans la perplexité. Bret Easton Ellis est un écrivain de grande classe. Il montre quelques éclats de l'explosion finale et laisse lectrices et lecteurs rassembler le reste à leur idée.

Et les quatre cents premières pages, me direz-vous ? Elles sont en effet problématiques, très longues, très insignifiantes, très ennuyeuses. En dépit de phrases parfois interminables, l'écriture est fluide, facile, mais bavarde. L'étalage de marques branchées, l'énumération de tubes musicaux, l'évocation de stars hollywoodiennes finissent par agacer, et je passe sur les trajets en voiture à travers LA, qui ressemblent à des rapports de GPS. Certains apprécieront l'atrocité des mutilations imputées au tueur et la verdeur des scènes de cul. L'écrivain Bret assume aujourd'hui son homosexualité et les descriptions des rapports sexuels du jeune Bret sont carrément trash, au point d'être gênantes à lire quand on est hétéro. Pour ma part, j'ai été à deux doigts de refermer le livre, comme American psycho.

Qu'importent mes réactions ! Ce livre, tantôt plaisant, tantôt déplaisant, a été écrit en toute conscience par Bret Easton Ellis. Plusieurs récits se superposent et s'entremêlent, sans qu'il soit aisé de distinguer ce qui appartient à la fiction conçue par l'écrivain quinquagénaire, au souvenir de ce qu'il avait vécu à dix-sept ans, aux péripéties rapportées par le jeune Bret, ou à l'imagination paranoïaque de ce dernier. Dans sa construction comme dans son écriture, Les Eclats cadre probablement à la conception qu'a Bret Easton Ellis de la littérature. Sur ce plan, il faut reconnaître un sans-faute.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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C'est un peu Proust sous Quaalude.
Bret Ellis a 17 ans et vit seul dans la maison de Mulholland tandis que ses parents visitent l'Europe pour quelques mois. Il est en dernière année dans un lycée huppé, et comme tous ses amis, il boit, se drogue, porte des vêtements de marque, conduit une voiture de luxe, mène une vie sexuelle intense, et se rend à des soirées où il croise des stars de cinéma. Ca, c'est le côté bling-bling. le côté sombre, c'est la solitude et surtout la peur, tandis que des jeunes filles disparaissent et sont retrouvées monstrueusement mutilées : les victimes d'un tueur en série, d'une secte de hippies, ou de ce nouvel élève qui vient d'arriver dans la classe de Bret et est déjà l'objet de tous les fantasmes ?

Avec ce roman, Bret Easton Ellis retourne dans le Los Angeles des 80's, mégapole fantasmagorique quadrillée d'avenues et hantée de meurtriers, à la fois planante et violente. On retrouve les mêmes ados que dans ses premiers romans, bourrés de thunes et de comprimés, évoluant dans des maisons gigantesques, jouant chacun leur rôle sans plus rien attendre de la vie (déjà), et écoutant en boucle de la new wave mélancolique au bord de leur piscine. Pour un peu, on les plaindrait.
J'ai adoré ce voyage spatio-temporel, et j'ai adoré ce roman, qui concentre à mon sens le meilleur de l'oeuvre d'Ellis : la torpeur et la lassitude d'une jeunesse lucide et sans espoir, le dédoublement de l'auteur et du narrateur, le vide existentiel et sa sensation de vertige, et la perversité des crimes commis dans l'indifférence de cette jetset. Sous l'aspect "amour, gloire et beauté", l'auteur ressasse toujours l'incapacité pour ses personnages à être heureux, et les pages qu'il consacre à leurs conversations insipides sur les histoires de coeur du couple le plus populaire du lycée m'ont fait penser aux salons proustiens du "Côté de Guermantes", avec ce même trait risible et ennuyeux qui souligne la vacuité des relations humaines.
Mais ce qui m'a surtout touchée, c'est la façon dont le Bret de 59 ans raconte le Bret de 17 ans, avec une indulgence qui recontextualise les conditions dans lesquelles le jeune Bret travaillait déjà sur "Moins que zéro" en croyant devenir adulte, et combien ce passage s'est avéré douloureux : "Je suis passé dans un autre monde, où j'allais rester pour toujours. Il n'y avait aucun retour possible vers l'innocence ou l'enfance -ce moment était celui de mon entrée officielle dans le monde des adultes et de la mort."
Car il est essentiellement question de nostalgie dans ce roman, et j'ai beaucoup aimé la douceur avec laquelle l'auteur (qui décidément s'attendrit avec l'âge) raconte le Los Angeles d'une autre époque, en liant ses souvenirs aux chansons de sa jeunesse, comme autant de madeleines musicales. J'ai trouvé ça émouvant et poétique.

C'est donc une lecture qui m'a énormément plu, qui m'a emportée dans un univers parallèle et mystérieux, et cependant humain d'une façon déchirante. Un roman très réussi, qui renoue avec le Bret Easton Ellis que je préfère, celui du XXe siècle.
"Tout était futile. Il n'y avait aucun espoir. le monde ne remarquait pas votre douleur." Etes-vous prêts à vous prendre un éclat de beauté dans le coeur ?
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Ce n'est pas un livre incontournable dans la littérature nord américaine.
Toute une époque avec ses codes, ses addictions, ses questionnements et cela pourrait être l'explication pour laquelle les médias présentent ce livre comme étant majeur dans l'oeuvre de cet écrivain, mais pas majeur du tout pour moi ! Il y a bien d'autres auteurs qui ont autant et aussi bien décrit cette époque, ses déviances, ses excès, ses répercussions sur la vie actuelle, peut-être même sur l'émergence du contre-pied qu'est le wokisme ?!
Après 200 pages les bras m'en sont tombés de platitude - platitude d'écriture surtout, la traduction pas terrible n'étant pas seule responsable - mais aussi d'ennui et de vide de nouveauté. 600 pages d'une petite police m'ayant effrayé, j'ai filé à la dernière partie qui a été plus dynamique. Et là par contre j'ai apprécié. Dommage qu'il ait ressenti le besoin de tant rédiger avant de nous donner de quoi l'apprécier. S'il avait concentré les 300 premières pages en une centaine, ça l'aurait fait.

Pourquoi ai-je tant pensé qu'il allait être meilleur que dans ses derniers livres ?
Peut-être parce que j'avais apprécié ses interventions lors d'émissions et interviews littéraires où il s'était révélé attachant et sincère.
Peut-être aussi me suis-je dit qu'il se serait bonifié avec l'âge.
Ou, peut-être parce que la première phrase du récit ouvrait l'appétit :
« Je me suis rendue compte, il y a bien des années, qu'un livre, un roman, est un rêve qui exige d'être écrit exactement comme vous tomberiez amoureux : il devient impossible de lui résister, vous ne pouvez rien y faire, vous finissez par céder et succomber, même si votre instinct vous somme de lui tourner le ds et de filer car ce pourrait être, au bout du compte, un jeu dangereux — quelqu'un pourrait être blessé. »
Va savoir.

Mes derniers souvenirs étaient liés à « Glamorama » en1998 qui ne m'avaient pas laissé un impression foudroyante ; par contre j'avais adhéré à son scénario rédigé pour le thriller érotique de Paul Schrader « The Canyons » en 2013.
Dans les grandes lignes, Bret Easton Ellis nous rapporte une nouvelle fois les tribulations d'un teenager californien, lequel écrit son premier roman. Cette activité semble avoir tout du moins un réel sens pour lui et ça je l'apprécie … disons que ça expliquerait, justifierait une part de son long isolement de la société. Il a salement morflé à Los Angeles en 1981, il a le droit d'en être resté sonné mais ne semble pas l'accepter comme une plaie faisant partie de lui. Si l'écriture de ce livre aura fait avancer ce noeud, alors oui, il aura eu raison de le faire.
Comme dans « Moins que zéro » on est toujours avec ce Bret Easton Ellis et ces lycéens californiens identifiables à l'uniforme de leur lycée privé de Buckley à L.A.. Ils vont en cours en voitures de sport, consommant sexe, drogue, alcool et médocs à foison. Ils s'invitent à des soirées, glandent autour des piscines, découvrent leur sexualité. Tout ça on connaissait déjà ; ça avait fait partie intégrante des moeurs de l'époque.

Les critiques littéraires annonçaient ce livre comme étant pour lui un retour à la fiction ; j'ai des doutes. J'avancerais plutôt qu'il s'agit là d'un livre « intime », vraisemblablement écrit avec des larmes et du sang (se déplacer la nuit avec un couteau de boucher, ce n'est pas rien). Allez, disons un peu de fiction et beaucoup d'autofiction.

Espérons que ce livre lui ouvrira un horizon littéraire trop longtemps étouffé par cette morsure de 1981, que c'était un passage obligé, qu'il lui permettra de se sentir encore plus libre, encore plus artiste - artiste, je pense qu'il l'est - et donc j'attends le prochain.
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On m'a offert ce livre pour me faire souffrir. C'est réussi. Tu as vu le nouveau roman de Bret ? Leuheuh Bret ! Il est géniiiaaaaal, transgressif, tu vas adorer mon chou, un peu de crack ? Non merci.
Les errances de la upper class étasunienne tournant autour de son petit nombril n'ont suscité ici aucune once d'empathie, à quelque niveau que ce soit. Ce fut un chemin de... quoi ?
Je préfère cesser ici mon commentaire tellement il me serait facile, comme lui, de tartiner sur du vide, en citant ce que je suis en train d'écouter (Nirvana, Nevermind) ou ce que j'ai été voir dans mon cinéma d'art et d'essai hier soir (Welfare de Frederick Wiseman). En lisant les commentaires de mes amis babéliotes, je me suis arrêté à celle de JIEMDE, qui reprend tout ce que je pourrais dire, à minima (J'irais plus loin).
Sauf pour les vrais amateurs, les indéfectibles fans que je respecte, ce peut être utile à lire pour pouvoir faire salon dans certains milieux comme l'attestent les critiques dithyrambiques des rédacteurs d'articles de la presse mainstream.
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Des gosses de riches à Los Angeles dans les années 80, de la drogue et de l'alcool sans modération, des couples qui s'exhibent et d'autres qui se cachent et pour le frisson un mystérieux tueur en série. Des ingrédients que Bret Easton Ellis affectionne et que l'on retrouve avec plaisir dès les premières pages du roman.

Dans le rôle du bad boy de la littérature américaine qui, depuis American psycho, dénonce le matérialisme et le consumérisme de la société , l'auteur met à nouveau en scène la classe des nantis, des individus généralement dépourvus de morale et d'empathie et qui n'ont d'autre objectif que la recherche de leur propre plaisir.
Pour cette autobiographie fictive, Bret Easton Ellis se met en scène et dialogue avec l'adolescent qu'il a été et l'écrivain qu'il deviendra. Ce jeune homme, membre éminemment actif de la jeunesse dorée, se décrit avec insistance comme écrivain écrivant déjà un premier roman entre défonce et sexe. Mais il aborde également les éléments terrifiants qui se produisent en jouant avec l' idée que, comme il est écrivain, il pourrait très bien avoir une imagination débordante et sur-interpréter ce qui se produit. de quoi brouiller les pistes entre autofiction et fiction!
Bret interroge ainsi son moi écrivain, lorsqu'il doit analyser la situation.
"Peut-être sommes-nous entrés dans un autre domaine, ai-je annoncé à l'écrivain."

On retrouve également avec plaisir cette pratique du name dropping, technique qu'il utilise dans chacun de ses livres pour créer une atmosphère et donner aux lecteurs des repères visuels ou sonores. le nom de Mulholland, les titres de films ou de chansons, l'évocation d'acteurs célèbres ou de marques prestigieuses agissent comme des clins d'oeil complices.

La virtuosité de l'écrivain n'est pas remise en question et certains passages sont brillants, avec un final astucieux .
Alors, comment dire que la lecture fut souvent ennuyeuse tant la répétition, sans doute volontaire, des discussions creuses entre les personnages, des soirées alcoolisées et des partenaires sexuels de Bret finit par lasser.
L'angoisse existentielle de Bret et sa consommation impressionnante d'anxiolytiques, ainsi que la volonté de dissimuler son homosexualité sont déclinés au cours d'interminables pages. Sans doute était-il nécessaire d'exprimer le vide ontologique dont souffrent les personnages, mais l'expression de ce vide finit par peser sur presque 600 pages.
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Avec Bret Easton Ellis, c'est toujours difficile de connaître la frontière entre la fiction et la réalité … Comme nous le précise le narrateur (c'est à dire lui-même) dans son prologue, ce livre (relatant des faits datant de l'automne 1981) il a d'abord voulu l'écrire dès l'âge de dix-neuf ans. Puis a quarante-deux. Mais il n'était pas prêt … Finalement, c'est à cinquante-six ans qu'il s'est décidé …

Rentrée scolaire 1981. Bret est en dernière année de lycée, à Buckley (L.A.) Il se cherche encore un peu, bloqué entre l'enfance et l'âge adulte … Se sentant amoureux d'un couple magnifique, des amis proches depuis cinq ans (Thomas Wright et Susan Reynolds) les « stars » du lycée. Alors que lui-même fréquente (pour la forme …) Debbie Schaffer, la fille unique d'un producteur de Beverly Hills … (Bret a déjà des relations secrètes avec deux de ses camarades de cours, Ryan Vaughn et Matt Kellner) Ils ont dix-sept ans, sont issus d'un milieu privilégié, voire richissime, expérimentent la drogue, l'alcool et le sexe … Bret vit isolé dans la grande maison de Mulholland, depuis environ deux mois, avec la femme de ménage et le chien (ses parents sont partis faire un voyage, pour tenter une ultime réconciliation …) Il attend avec une certaine curiosité (doublée d'inquiétude) l'arrivée d'un nouvel élève (Robert Mallory) et sent instinctivement venir, un bouleversement dans leur quotidien …

C'est à cette époque que l'on a également découvert les agissements d'un certain « Trawler », un criminel qui cambriole les villas, vole des animaux domestiques et tue sauvagement de toute jeunes étudiantes …

Un roman sans tabou, sur les débordements de la jeunesse dorée des années 1980 à Los Angeles, sur l'importance des « apparences » si chères aux adolescents ou encore la (lente) recherche identitaire qui peut parfois devenir une réelle descente aux enfers pour les plus fragiles … Sans oublier la peur d'avoir à affronter un avenir qui ne nous ressemble pas …

Un texte très cru, dépourvu de fioritures. Des mots qui peuvent à la fois heurter et émouvoir. Une intrigue qui fait carrément froid dans le dos … Dont le style très « visuel » permet au lecteur d'imaginer toutes les scènes … Et un épilogue qui va vous laisser sans voix ! …

« Chapeau » à Bret Easton Ellis pour cet éminemment culotté (et non moins effrayant !) récit qu'on souhaite – bien évidemment – le moins « autobiographique » possible ! …
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