Harry Sears,l’haleine chargée de Old Grand Dad dit :
-Il vous envoie quelques négros à la chambre à gaz et ça lui monte à la tête.
-Les négros ont dû avouer,dit Vern Smith.
-Avec Fritzie et Bill, ils avouent tout ,ajouta Dick Cavanaugh.
-Espèce de fils de pute merdeux et prétentieux , conclut Russ Millard.
Notre équipe ne fut rien d'autre qu'une route cahotante qui menait au Dahlia. Au bout du compte, elle devait nous posséder l'un et l'autre, totalement.
C’était Madeleine Sprague, totalement métamorphosée en Dahlia. Elle était vêtue d’une robe noire, longue et collante, le maquillage et la coiffure totalement identiques à ceux de Betty Short au meilleur de sa beauté photographique. Je la regardait pénétrer dans le bar de sa démarche arrogante et vis une tache jaune au milieu de ses boucles noires relevées et je sus quelle avait poussé la transformation jusqu’au bout, jusqu’à la barrette que portait Betty. Ce détail me frappa comme un une-deux au corps de Lee Blanchard. De mes jambes flageolantes de boxeur soûlé de coups, je poursuivis le fantôme.
Vivante, je ne l’ai jamais connue, des choses de sa vie je n’ai rien partagé.
la justice c'est comme la
vierge marie il faut la voir
pour y croire
"Il a fait ce qu'il a pu", ce n'est pas une mauvaise épitaphe.
En m'arrêtant devant la maison, je vis un camion de déménagement dans l'allée et la Plymouth de Kay, capote baissée, chargée de valises. Je passais prendre un uniforme propre ; apparemment, ma petite course se transformait en quelque chose de totalement différent.
Je me garai en double file et montai les marches quatre par quatre, en sentant encore sur moi le parfum de Madeleine. Le camion commença à sortir en marche arrière ; je hurlai :
- Hé ! Nom de Dieu ! Revenez ici !
Le conducteur m'ignora ; du perron, des paroles m'empêchèrent de courir après lui.
- Je n'ai pas touché à tes affaires. Et tu peux garder les meubles.
Kay portait sa veste Eisenhower et sa jupe de tweed, tout comme à notre première rencontre.
-Petite, dis-je, et je commençai à demander : Pourquoi ?
Ma femme riposta sans détours :
-Tu crois que je vais laisser mon mari disparaître pendant trois semaines et ne rien faire ? Je t'ai fait suivre par des détectives, Dwight. Elle ressemble à cette putain de morte, aussi, tu peux te la garder - moi, c'est exclu.
(p. 331)
Je continuais à penser à Elizabeth Short. À la manière dont elle avait dérangé toutes nos vies, alors que nous ne l'avions même jamais connue. Lorsque je suis arrivée à Cambridge (Dieu que j'aime les milieux universitaires !) je me suis souvenue qu'elle avait grandi tout près. Je suis allée à Medford, je m'y suis arrêtée pour dîner et j'ai commencé à bavarder avec un aveugle assis à la table d'à côté. Je me sentais d'humeur à parler et j'ai parlé d'Elizabeth Short. L'homme a d'abord été triste, puis il a repris le dessus. Il m'a parlé d'un policier de L.A. qui était venu à Medford trois mois auparavant pour trouver l'assassin de « Beth ». Il t'a décrit, ta voix, tes tics de langage, à la perfection. Je me suis sentie très fière, mais je ne lui ai pas dit que ce flic était mon mari, parce que je ne sais pas si tu l'es encore.
« Dans l'attente de savoir.
« Kay »
Je ne l'appelai pas, je n'écrivis pas. Je mis la maison de Lee Blanchard en vente et pris l'avion pour Boston.
"Il a fait ce qu'il a pu", ce n'est pas une mauvaise épitaphe.
Adversaires, puis coéquipiers et enfin amis. Kay était inséparable de l'amitié : elle ne venait jamais se mettre entre nous mais elle emplissait nos deux vies, hors des heures de travail, avec grâce et style.