Citations sur L'homme coquillage (81)
Je m'étais si bien habituée à la solitude que je ne pouvais envisager l'intérêt de l'autre à mon égard que comme une menace. Une sensation pareille à l'inquiétude qu'éprouve un animal sauvage en face d'un être humain.
Entrer en contact physique avec un autre corps, une autre créature animée, est le meilleur remède contre la peur de mourir.
Je songeai aux centaines de livres que j'avais lus dans ma vie, aux gens que j'avais écoutés, aux concepts que j'avais cherché à comprendre; physique, littérature, philosophie, histoire...le résidu de tout cela ne pesait à présent pas plus lourd qu'une poignée de sable. Pendant vingt-cinq ans je n'avais rien appris sur ce qu'était au fond de vivre. Rien de rien. (p. 73-74)
Ce type s'est tellement occidentalisé, pensai-je alors, que si tu lui parles de torture, de viol et de suicide, il ne tique pas d'un poil, mais la pauvreté, alors là oui il compatit.
"Je suis sûr au contraire que tu as peur des choses dont tu dis ne pas avoir. Et que tu veux ce que tu dis ne pas vouloir. Ce n'est pas du désespoir, c'est juste de la lassitude. Tout le monde a de l'espoir.
- Non, pas moi. Quand je dis que je n'ai pas peur, je veux dire que rien ne me fait vraiment peur. Tout peut bien m'arriver, c'est comme si je m'en fichais. Comme si je regardais en spectatrice les malheurs de quelqu'un d'autre. Il n'y a peut-être qu'une seule exception, la torture. La douleur physique ,je ne pourrais pas la supporter, ça c'est vrai." (p. 113)
C'était la première fois que je touchais un cheval, et j'étais enchantée, comme rassérénée, par la douceur inattendue du pelage (...) Entrer en contact physique avec un autre corps, une autre créature animée, est le meilleure remède contre la peur de mourir. (p. 61)
Je prenais ma réponse pour de la franchise, or c’était de la cruauté, de la pure grossièreté. Je venais de briser d’un coup sec de faucille sa sensibilité aussi élégante et précieuse qu’une orchidée.[…] J’étais habituée à combattre, à souffrir, à trimer pour obtenir tout ce que la vie me concédait, et m’étais si bien endurcie que je ne savais plus reconnaitre la valeur des cadeaux qu’elle me faisait. J’avais le cœur calleux.
Notre relation pouvait ressembler à une amitié de prisonniers ou de recrues du service militaire, du moins était-elle animée par la loyauté, mais elle était aussi issue de la rencontre de douleurs identiques, de passés semblables, d'un esprit commun. Nous étions tantôt deux miroirs où chacune trouvait son reflet, tantôt un prolongement de l'autre, et ainsi réussissions-nous parfois à survivre rien qu'en insufflant à l'autre ce qu'il nous restait de forces. (p. 16)
Nous faisions l'amour en dansant, la nudité en moins, plus fortement et plus passionnément encore que si nous avions vraiment fait l'amour.
Une pluie terrible et majestueuse telle que je n'en avais encore jamais vu. Se vidant de toutes parts avec une intensité folle, on eût dit que le ciel avait tout à coup décidé de se décharger d'une haine accumulée au long des siècles, comme s'il eût voulu nous envoyer un avertissement, à nous pauvres humains. (p. 47)