Deuxième livre que je lis de cette auteure. J'avais été véritablement envoûté par la force politique et poétique de "Le silence même n'est plus à toi".
Pour ce recueil de nouvelles, je serai un peu moins enthousiaste. On retrouve les thèmes de l'emprisonnement, de la folie, et l'ensemble dégage un sentiment d'oppression telle qu'on doit le ressentir en vivant en Turquie. Pour autant, je n'ai pas complètement adhéré aux intrigues. A part "une visite surgie du passé" : Un homme qui s'est exilé à Genève se souvient de la femme qu'il aimait. On assiste alors à ses remords, ses regrets, ce qu'il aurait pu faire pour garder cette femme.
Les thèmes des autres nouvelles ne me semblent pas aussi forts, aussi prégnants.
Il en reste cependant un très bon recueil de nouvelles qui se lit agréablement, et ayant souvent pour cadre la Turquie actuelle, où la liberté ne tient souvent qu'à un fil.
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Je suis un peu familière de la littérature turque mais n’avais encore jamais rien lu d’Asli Erdogan. C’est l’annonce de son emprisonnement qui me l’a faite découvrir et donner envie de la lire.
La médiathèque que je fréquente ne possède qu’un seul de ses livres « Les oiseaux de bois ». Il s’agit d’un recueil de 5 nouvelles toutes aussi puissantes les unes que les autres.
Dans la première, qui donne son titre au recueil, 6 femmes pensionnaires d’un sanatorium, se pressent par un samedi après-midi sur des chemins tortueux de forêt et de montagne afin d’ être à l’heure pour ne pas rater « L’Amazon Express ». Ces femmes, malades et n’ayant que très peu de perspective d’avenir, n’ont que cette échappée pour se sentir pleinement vivantes pendant quelques minutes.
Dans « Une visite surgie du passé », un homme se souvient, un an après, de la mort de sa compagne. On y découvre au fil des pages la lâcheté dont il a fait preuve mais également de très belles descriptions de la ville d’Istanbul :
« Istanbul est une femme fatiguée, mais attirante me disais-je, elle a beau avoir été malmenée, elle a réussi à rester belle, c’est une femme légère au coeur blessé. Elle a couché avec des hommes qui ne connaissaient pas son prix. Chaque fois elle s’est indignée mais elle a toujours pardonné. Elle est facile à aborder, mais c’est une femme incomparable, orgueilleuse et inaccessible. »
Les autres nouvelles nous feront croiser la route d’une jeune schizophrène, celle d’une femme de prisonnier qui garde précieusement les lettres censurées de son mari, et qui, enceinte, va se poster tôt un matin devant la porte de la prison afin de l’apercevoir :
» Sous bonne garde, le détenu sortit du bâtiment de pierre et elle resta là jusqu’à ce qu’on l’ eût mené à la voiture du pénitencier. Bien droite, inaccessible, silencieuse…Secouée par le vent… Offerte à tous les coups. Elle vit l’éclair qui brilla dans ses yeux – était-ce de la stupeur, de la joie, de la gratitude ou de l’amour, ou rien de tout cela, elle vit le frémissement au coin de ses lèvres, le vague salut de ses mains hissant les chaînes jusqu’à sa poitrine, le pouce tourné vers le sol pour dire ça va mal – à ce moment précis, un policier le poussa avant en lançant un juron- sa tête qui se cogna lorsqu’il monta précipitamment avec les autres dans la voiture…rien ne lui échappa. »
Le style puissant d’Asli Erdogan m’a happée tout de suite. J’ai lu les 150 pages du recueil quasiment d’une seule traite. Je suis heureuse d’avoir découvert cette auteure.
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Recueil de nouvelles - Beaucoup de femmes y sont impliquées .
Un point commun entre toutes : une immense solitude et souffrance. Il faut dire que l'inspiration est puisée dans l'histoire de la Turquie , avec ses atrocités cachées.
D'une écriture très belle, douce et poétique qui permet d'aborder de graves sujets avec finesse.
J'avoue tout de même qu'il m'a parfois été utile de relire certains passages pour les comprendre pleinement. Une lecture à faire au calme et l'esprit vide. Mais qui vaut le peine de s'y pencher.
Je précise que cette lecture est dans le cadre d'une future rencontre avec l'auteure.
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LES OISEAUX DE BOIS
La porte de la chambre se rouvrit, laissant apparaître une tête rousse. On entendit la voix haletante, impatiente de Diane : “Allez, grouille-toi, Félicité ! Tu crois qu’on va t’attendre toute la journée ? Sors ton gros cul de ton lit. Tu te laisses aller, ma fille !”
La porte se referma aussi vite qu’elle s’était ouverte sur l’odeur du désinfectant de l’hôpital et la voix aiguë et moqueuse de Diane.
Le surnom de “Félicité” dont on avait affublé Filiz, avec cette ironie particulière propre aux poitrinaires, avait quelque chose d’agressif dans son absurdité. Avec son statut de réfugié politique, son doctorat d’histoire et les gros bouquins entassés dans sa chambre, elle avait aux yeux des malades le statut peu apprécié d’une intellectuelle. “Ah ! cette Félicité, disait Diane, c’est plus amusant de lire un livre d’oncologie que de bavarder avec elle. Il faut lui arracher les mots à la pince à épiler.”
Pauvre Félicité ! Elle a fait deux ans de prison dans son pays. Elle est toujours fourrée dans ses livres et en deux ans elle a été incapable d’apprendre à parler allemand sans accent !
Filiz se leva lourdement. Sa longue maladie – double pneumonie et asthme chronique – lui avait appris à économiser ses forces. Elle avait fini par se soumettre aux caprices de son corps endolori.
Depuis huit mois qu’elle était à l’hôpital, c’était la première fois qu’on l’autorisait à sortir. Le nom de “Filiz Kumcuog˘lu” figurait sur la liste des malades en phase d’amélioration et ayant la permission de sortir deux heures le samedi. L’infirmière qui assurait la garde de nuit avait examiné son dossier médical et lui avait permis d’accéder à la plus grande aventure de la vie de l’hôpital. Elle avait transmis l’information dès le lundi. On préparait à Filiz “une grande surprise”. L’AMAZONE EXPRESS ! Elle avait acquis le droit d’entrer dans le secret des malades du troisième étage et de monter dans le fameux express. A vrai dire, Filiz n’en avait aucune envie. Au mieux, on irait boire un verre ou deux au village de T., la seule agglomération à trente kilomètres à la ronde. Peut-être rencontrerait-on des jeunes gens du village ou des hommes en fin de traitement au sanatorium. Que pouvait-on faire d’autre au cœur d’une forêt profonde ?
Sitôt qu’elle eut franchi la porte, Filiz se rappela soudain une vieille histoire enfouie au plus profond de sa mémoire depuis au moins vingt ans. Au début du siècle, les tuberculeuses du sanatorium de Heybelia sortaient en secret dans la nuit pour faire l’amour dans les bois avec les tuberculeux. Elle imaginait ces condamnées à mort au visage blême cheminant en chemise blanche, une torche à la main… Elle ne croyait pas l’histoire vraie, mais y trouvait une tragique poésie… La poésie avait depuis longtemps déserté son existence et les tragédies qu’elle avait vécues avaient, comme des poux voraces, absorbé toute la substance de son être.
Franchis la grande porte vitrée. Vite, tourne le dos au panneau gris, sévère et rébarbatif qui porte l’inscription Hôpital de T. Service des Maladies pulmonaires et file sans demander ton reste. Marche jusqu’à la limite de l’ombre de l’immense bâtisse et arrête-toi à la frontière du royaume du soleil ; puis, en retenant ton souffle, lentement, fais un pas en avant, le pas qui te fera sortir de l’ombre. Que le pâle soleil du nord réchauffe un peu ton dos, et persuade-toi qu’il va chasser de ton esprit et effacer tous les souvenirs du passé. Laisse le soleil se jouer dans tes cheveux, qu’il fasse jaillir en cascade les couleurs de la forêt, qu’il efface les contours du monde et transforme le réel en pure clarté.
Filiz se rappela Nadejda, l’infortunée Nadejda du Duel de Tchekhov qui levait ses bras vers le ciel en rêvant qu’elle allait s’envoler. Elle se sentait elle-même comme une héroïne de Tchekhov. Et si elle se changeait en oiseau ? Mais ce serait, au mieux, un oiseau de bois. Un oiseau sans âme, impuissant et ridicule, dont les ailes, inaptes au vol, ne produisent qu’un bruit mécanique. Elle était tout emplie d’une douloureuse ferveur. Elle avait envie, tout à la fois, de rire et de pleurer, de vivre et de mourir. “Allons, Félicité ! Ne reste pas plantée là comme une momie. Nous sommes en retard.”
Gerda fit écho à Diane, de son contralto éraillé par les cigarettes et la phtisie : “Tu vas rater l’Amazone Express !”
Un groupe de six femmes s’était rassemblé devant le portail du jardin. Filiz les classa instantanément : “Trois étrangères, trois Allemandes, trois tuberculeuses, trois asthmatiques. Toutes les Allemandes sont tuberculeuses, et nous trois, venues du vaste monde, sommes asthmatiques. On s’attendrait au contraire.” Deux des Allemandes, Martha et Gerda, grandes et blondes, avaient réussi, malgré la tuberculose, à rester robustes et fortes. (En fait, Gerda n’était pas très grande, ni vraiment blonde, mais les yeux de Filiz, peu sensibles aux détails physiques, les avaient rangées dans la même catégorie des représentants de la classe ouvrière.) Filiz avait un peu peur de leur rude force physique et de leur promptitude à défendre leurs intérêts, mais, au fond, elle les enviait. La troisième Allemande, Béatrice, svelte comme un totem, introvertie, la poitrine creuse, était à vingt ans une vieille héroïnomane. Cette fille aux cheveux châtains coupés court, dont les yeux tristes semblaient toujours à la recherche de quelque objet perdu, dont le corps à peine formé faisait penser à un arbre mort, faisait de la peine à Filiz. Quant à Diane, la renarde, toujours en mouvement et pleine de ressources, elle ne se souciait de rien et rien ne la troublait. Elle se disait croate, mais jamais yougoslave. Il y avait enfin Graciella, l’Argentine…
Au sanatorium, Graciella était la seule autre malade à être étrangère, voire plus étrangère que Filiz. De l’avis général, les adjectifs pour la décrire étaient “distinguée, élégante, cultivée”, et de voir cette personne fine, gâtée par la vie, parmi des phtisiques, faisait penser à une de ces plaisanteries de mauvais goût que le destin s’autorise parfois. Mesurant à peine un mètre cinquante- huit (elle était encore plus petite que Filiz), elle était gracieuse et menue. Avec ses mèches de cheveux plats, ses sourcils à la Marlène Dietrich qui, même dans un hôpital, conservaient un tracé irréprochable, et ses yeux en amande dont le regard pouvait être tour à tour ardent et glacial, elle s’était acquis le surnom d’“Evita”. C’était la chouchou des médecins et des infirmières ; ils la traitaient comme un vase ancien, précieux et fragile. D’ailleurs on avait l’impression que le monde entier devait la traiter avec déférence et délicatesse. Cependant Filiz avait perçu la dureté de son visage irréprochable de bibelot de porcelaine. Il y avait dans son sourire quelque chose d’inquiétant. Ce charmant petit bout de femme évoquait pour Filiz une institutrice, toujours coiffée d’un foulard et qui se mue en tortionnaire au moment d’entrer en classe. La première fois qu’elle l’avait vue, elle l’avait prise pour une visiteuse qui se serait fourvoyée à la cantine. Elle était seule à une petite table près de la fenêtre ; elle portait une jupe étroite de velours noir et un corsage aux boutons voyants qui découvrait sa gorge. Entre ses seins dressés brillait un pendentif en forme de cœur. Des souliers “tango” à boucle et à talons hauts et des bas nylon complétaient le tableau. Apparition insolite parmi les malades aux cheveux gras, en survêtement et en chaussures de basket, elle faisait penser à une fleur rare des tropiques. Un jour, Diane, rédacteur en chef de la gazette des potins de l’hôpital, avait fait irruption dans la chambre de Filiz et lui avait révélé un secret : “Tu sais, Evita, cette Argentine, elle est comme toi.
— Comment ça, comme moi ?
— C’est une réfugiée politique. Prison, torture, et ainsi de suite. Elle y a laissé ses poumons. Son ex-mari était diplomate, tous deux étaient très riches, ils étaient de famille noble et avaient des amis huppés. Mais son mari a été impliqué dans une affaire politique et on a donné l’ordre de l’arrêter. Deux heures plus tard il avait disparu. En laissant sa femme. Pendant deux mois ils ont essayé de faire parler Graciella, mais ils n’ont pas réussi à lui faire dire où il se cachait. Peut-être l’ignorait-elle. Qui aurait cru ça de ce petit bout de femme ? Il ne faut pas se fier aux apparences.”
Ce fut un coup terrible pour Filiz. Ses plus profondes souffrances étaient tournées en dérision, comme si sa personne et toute son histoire étaient totalement dépréciées. Elle s’était érigée en une sorte d’héroïne mythique et c’est ce qui lui avait permis de continuer à vivre. Le souvenir de son affreux passé lui était nécessaire, car il était la preuve de son existence et elle l’avait installé dans un coin de son esprit comme dans un sanctuaire. Et voici que cette snob venait cracher sur ce qu’elle avait de plus sacré. De quel droit pouvait- on avoir connu la même tragédie que Filiz, cette femme forte, primesautière, qui avait payé le prix de ses convictions (c’est ainsi qu’elle se définissait elle-même) ? Et en plus pour l’amour d’un homme ventripotent, vil et infidèle !
Le captif
Résumé : Face à la prison, une femme attend le jour. Elle relit les lettres censurées de celui qu'elle aime, tente de se croire différente depuis qu'elle est enceinte. « Au demeurant, chaque matin, à son réveil, elle pensait au bébé qu'elle avait dans le ventre, en se disant qu'à ce moment-là, il était lui aussi en train de penser à elle... Parfois elle se contentait d'une simple image : c'était par exemple une jeune étudiante riant de toutes ses dents, les cheveux au vent, preuve vivante que la vie résiste à tout, qu'elle est invincible. Ou bien elle évoquait cette minuscule créature aux mains déjà formées, cette tache en forme d'être humain que décelaient les ultrasons. Le plus souvent, c'était comme un miroir magique embué qui lui renvoyait, projetée hors du temps, une image intemporelle de sa propre jeunesse perdue depuis longtemps... Un petit être à la pensée encore balbutiante scrutait le monde autour de lui et y cherchait non pas l'inconnu, mais des images familières... C'était comme si, jusqu'alors, elle n'avait pas eu d'avenir, comme si, dans sa jeunesse, son seul bien avait été cette jeunesse inutile. Pour la première fois l'avenir prenait forme, grandissait, se logeait dans de la chair et des os... Cette créature tiède, bien vivante, qui bougeait, était faite à la fois de son sang et de ses rêves à demi brisés. C'était une attente bien définie. Un vrai miracle. « Je suis une femme qui attend un enfant », disait-elle à tout venant et hors de propos... Comme si elle n'y croyait pas elle-même. » « Secoue un peu la poupée, époussette-la et mets-la devant le miroir. Débarrasse ses yeux de ces traces de larmes, mets-lui son masque de jour, rend-la séduisante. Aie soin de cacher sa pâleur sous plusieurs couches de rimmel et de fard, si tu veux pouvoir l'insinuer dans le monde des humains. » « C'est alors qu'apparaissait la Femme. La Déese des marais. Elle se dressait parmi les morts et progressait dans la boue à la force des mains. Enfoncée dans la fange jusqu'aux hanches, elle plongeait ses racines au plus profond de la mémoire du monde. Des mousses, des feuilles mortes, des limaces s'accrochaient à ses cheveux, les bêtes des marais lui avaient dévoré les yeux. Elle cachait l'homme sous sa jupe, dans la boue chaude, molle et gluante. Quand l'obscurité s'épaississait, les chasseurs et les chiens s'en allaient. Quand apparaissaient les terrifiantes lueurs vertes, que des milliers d'yeux venimeux prenaient la place des étoiles, que des myriades de chemins surgissaient pour disparaître aussitôt et que l'on n'entendait plus que les râles du vent, personne n'osait plus s'aventurer dans le marécage. A part la Femme... Elle appartenait à ces lieux. Ce vent, ce silence, ce vent terrifiant étaient son univers. La nuit du marécage dans laquelle morts et vivants s'interpellaient, et où le noir du sol se confondait avec celui des hommes. Elle cachait dans son sein les égarés, ceux qui s'étaient perdus, les vaincus... Ala pâle lumière de la lune, sans un mot, en se déchirant, elle donnait à nouveau naissance à l'homme. Mais c'est un monstre qu'elle mettait au monde, il avait les bras à la place des jambes et les jambes à la place des bras. Il s'ébrouait et reprenait sa fuite, en s'efforçant de courir, clopin-clopant, sur ses bras chétifs. En tombant et se relevant, en trébuchant et en rampant... La Femme lui tendait une échelle tressée dans ses propres cheveux. « Sauve-toi par ici », disait-elle, en montrant le chemin ouvert dans les eaux noires par ses lourdes larmes limoneuses... »
« Retourner vers la vie réelle, quelle qu’elle fût », écrit Aslı Erdoğan à propos de son personnage Filiz dans Les Oiseaux de bois.
« Filiz avait toujours vécu dans de grandes villes ; elle ne connaissait pas la forêt. Certes, elle avait passé huit mois dans ce sanatorium de la Forêt-Noire, mais la forêt y était inaccessible, abstraite et mystérieuse. La nuit, l’obscurité qui s’abattait comme un oiseau devant la fenêtre, des bruissements qui se mêlaient aux cauchemars et un gardien sourd-muet qui vous empêchait de sortir, de retourner vers la vie réelle, quelle qu’elle fût. Mais maintenant elle était au cœur de la forêt, elle la voyait vraiment pour la première fois. C’était autre chose qu’une découverte : c’était comme si deux êtres ignorant tout l’un de l’autre se trouvaient soudain face à face. Dieu sait pourquoi, Filiz en fut bouleversée. Elle était affrontée à un esprit simple, primitif, aussi vaste que l’océan. Il la tirait de la coque de noix poussiéreuse qui était son univers, pour lui fair entendre le son d’une toute autre existence. C’était la pulsation sauvage, rythmique et violemment colorée de la forêt baignée d’ombres bizarres, pleine de sursauts et de frémissements ; un air humide et palpitant cachait ses mystères ainsi qu’un voile de mousseline. Des arbres, des arbres, des arbres… Vieux, vénérables, majestueux, hauts, innombrables, impérieux, des arbres… A voir en ces lieux tant de miracles et tant de forfaits, ils avaient pris une expression de gravité. Ils étaient plus vieux que le temps lui-même… Poussant leurs racines au plus profond du sol, ils cheminaient vers le ciel, rien que vers le ciel, sans dévier à droite ou à gauche, sans songer à se libérer ».
https://diacritik.com/2016/11/27/asli-erdogan-on-nenfermera-pas-sa-voix-14/
Où que j'allasse dans le vaste monde, ils me retrouvaient. Les morts m'écrivaient, m'expliquaient les choses que je n'avais pas encore pu déchiffrer, me rappelaient vers un lieu où je finirais toujours par revenir. Si d'aventure je sortais de mon récit, ils me mettaient en garde contre la vie. Ils savaient que la seule chose à faire était de déchiffrer l'avenir et le passé où je m'étais réfugiée. Le seul, l'éternel visiteur de ma cellule, de mes ténèbres intérieures, était le spectre dépaysé de mon passé. Il m'attendait...
Il devait bien avoir quelque part une conviction, un rêve, un être pour lesquels la vie valait d'être vécue. C'est toujours avec cette nostalgie, cette conviction naïve et dangereuse que j'ai couru d'une rue à l'autre, d'un livre à l'autre, d'un regard à un autre. J'ai traversé le monde pas à pas et, tendant les mains, j'ai fouillé avec soin ...
UNE VISITE SURGIE DU PASSE
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Quelle romancière turque, dont les livres parlent surtout d'amour, vit aujourd'hui en exil en Allemagne après avoir purgé une peine de prison en Turquie ?
« L'Homme Coquillage », d'Asli Erdogan, c'est à lire en poche chez Babel