J'ai déjà lu quelques romans par
Louise Erdrich et j'ai toujours été charmée par sa vision authentique de la vie des Amérindiens du Dakota du Nord, en particulier de la tribu Chippewa à laquelle elle appartient.
Erdrich sait mettre en lumière à la fois l'identité propre de la tribu et les problèmes de dénuement au sein de la société américaine encore très raciste. Les derniers romans que j'ai lus d'elle accentuaient un peu trop l'élément magique-réaliste, avec des fantômes errants et des rêves prédictifs, de sorte que ses intrigues restaient un peu trop minces.
Dans ce roman-ci, qui a remporté un prix Pulitzer,
Erdrich trouve une fois de plus le juste équilibre. Il se concentre sur la tentative du Congrès américain dans les années 1950 d'annuler les protections dont jouissait la tribu Chippewa en les privant de leur statut de réserve et en les intégrant dans la société "normale".
L'opposition à ce projet de loi était dirigée par le grand-père d'
Erdrich, qui gagnait sa vie comme veilleur de nuit dans une usine près de la réserve.
Erdrich le présente comme l'un des personnages principaux, en la personne d'un Thomas un peu plus âgé et somnolent, un opprimé sympathique qui affronte le géant dans le lointain Washington.
Je peux comprendre pourquoi ce roman a reçu le titre de «
Celui qui veille la nuit », car l'histoire de cette résistance au ‘Termination Bill' forme certainement l'épine dorsale sociale de ce livre. Mais honnêtement, c'est l'histoire de la jeune Patrice/Pixie, une ouvrière d'usine amérindienne, qui séduit le plus. Avec Patrice,
Erdrich offre le récit d'initiation d'une jeune Indienne qui, avec une grande conscience de soi, cherche sa voie dans la vie (dont une initiation sexuelle) mais aussi dans le monde "blanc", plein de dangers. Patrice est merveilleusement anticonformiste, et à travers elle, nous sommes également connectés à ce monde étrange des Amérindiens pour qui le temps et la réalité sont en quelque sorte différents.
Les deux scénarios de Thomas et de Patrice s'entremêlent et se complètent bien. C'est sans aucun doute le roman le plus mûr et le plus riche d'
Erdrich à ce jour.