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Citations sur Celui qui veille (181)

Alors on en est là, se dit Thomas en fixant la froide succession de phrases de la proposition de loi. On a survécu à la variole, à la carabine à répétition, à la mitrailleuse Hotchkiss et à la tuberculose. À la grippe de 1918 et à quatre ou cinq guerres meurtrières sur le sol américain. Et c'est à une série de mots ternes que l'on va finalement succomber. Réallocation, intensification, termination, assurer, et cetera.
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La beauté des feuilles avait disparu, un autre quart de la grande roue de l'année avait tourné. Les branches élégantes étaient nues. Il adorait ce moment où la véritable forme des arbres se révélait. Il dormait et dormait encore. Pouvait dormir tout un jour et toute une nuit. C'était étrange, se disait-il, qu'avec si peu de temps devant lui, il choisisse de le passer délicieusement inconscient. Il éprouvait pourtant toujours l'envie folle de s'abreuver à la grandeur du monde. Les jours les plus doux, quand il s'emmitouflait pour s'installer dehors sur sa petite chaise, il sentait le murmure des racines sous la terre. Les arbres buvaient une dernière goulée des grandes eaux coulant dans les profondeurs avant de s'endormir. S'endormir, comme lui. Sous cette couche d'eau, il percevait la présence d'autres êtres qui bougeaient si lentement que les humains n'avaient généralement pas conscience de leur existence. Mais lui détectait leurs mouvements, tout là-bas dessous. Et plus profond encore, bien plus profond, sous ces êtres, il y avait le feu de la création, enterré par les étoiles au centre de la terre.
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On ne connait jamais vraiment un homme tant qu'on ne lui a pas dit qu'on ne l'aime pas , c'est seulement alors que sa vraie laideur, restée masquée le temps de la séduction, peut faire surface.
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L'homme moyen est la preuve que la femme moyenne a le sens de l'humour.
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Quand Millie fixait les motifs, ils l’entraînaient en dedans, en profondeur, au-delà du magasin et du village, jusqu’aux fondations mêmes du sens, et puis au-delà du sens, dans un endroit où la structure du monde n’avait rien à voir avec l’esprit humain, et rien à voir non plus avec les motifs d’une robe. Un endroit simple, sauvage, ineffable et exquis.
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La pratique de toute une vie donnait parfois à ses gestes des airs de tours de magie.
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Harry vivait avec une chienne appelée Edith, brune, intelligente, d’apparence quelconque. Comme toujours lorsqu’un être humain vit seul avec un chien, Edith avait développé des dons de clairvoyance. Le temps que Harry arrive, elle savait qu’il avait ramassé quelqu’un sur la route. Elle attendait dans l’allée, en silence, sur le qui-vive. Elle s’approcha lorsqu’il se gara et se tint à ses côtés tandis qu’il plongeait à l’arrière du véhicule. Il en sortit l’autre être humain, tituba un peu en le soulevant dans ses bras, se redressa et se mit en marche. La façon dont Harry tenait cette femme fit comprendre à Edith qu’elle devrait monter la garde auprès d’elle.
Elle lui renifla les jambes : la femme portait les vêtements d’un homme qui cuisinait gras, elle avait dormi dans la neige et la menthe sauvage, près du cadavre d’une mouffette, elle avait récemment été en ville et, avant ça, sur l’eau. Il n’y avait pas de maladie en elle mais elle était perdue, désespérée, et elle choisirait peut-être de dormir pour toujours. Edith acceptait tout cela. Quand Harry porta la femme à l’intérieur, la chienne suivit. Au garde-à-vous, les oreilles mobilisées, elle le regarda déposer sa charge sur le canapé qu’elle-même s’appropriait souvent lorsqu’il dormait. C’était un long divan moelleux et la femme était petite. Edith voulait bien partager.
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La loi peut pas retirer l’Indien en moi.
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Nanabush qui avait créé tout ce qui était utile et presque tout ce qui était indispensable, comme le rire.
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« – Nous, nous sommes d’ici. » Thomas plongea un moment dans ses pensées en buvant son thé. « Réfléchissez. Si nous, les Indiens, nous avions levé l’ancre, vogué là-bas, tué la plupart des Européens et pris votre terre, hein ? Imaginons que vous ayez une grande ferme en Angleterre. Qu’on s’y installe et qu’on vous en chasse. Qu’est-ce que vous diriez, alors ? »
Ébranlé par ce scénario, Barnes haussa les sourcils avec une telle rapidité qu’une mèche de cheveux lui tomba sur le front.
« Je dirais qu’on était là les premiers.
– D’accord, dit Thomas. Imaginons qu’on s’en fiche. Comme vous avez survécu à tout le bazar, on vous autorise à garder un petit lopin et à y vivre, mais à condition que vous adoptiez notre langue et nos mœurs. Ajoutons que nous sommes des Indiens à l’ancienne. Vous devez donc devenir un Indien à l’ancienne et parler chippewa. »
Barnes sourit en pensant à Zhaanat.
« Je ne le pourrais pas, dit-il.
– C’est normal, reprit Thomas, et ça tombe bien, personne ne vous le demande. Eh bien moi non plus je ne peux pas devenir un homme blanc. C’est comme ça. Je peux parler anglais, planter des pommes de terre, tenir une liasse[…] »
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