Je vais avoir du mal à me renouveler, puisque j'ai chroniqué
Série Z il y a moins de deux semaines. Que dire de plus, si ce n'est que je suis une nouvelle fois impressionnée par la constance de l'auteur, qui construit d'un roman à l'autre une oeuvre d'une remarquable qualité ? Les recettes sont les mêmes, mais elles fonctionnent à merveille, et je ne suis pas prête de m'en lasser ! Mais où va-t-il chercher tout ça ??
J.M. Erre est, avec
L.C. Tyler, le seul écrivain qui parvienne à m'arracher des éclats de rire. Sa prose est totalement irrésistible, et chaque paragraphe (ou presque) déclenche mon hilarité.
On retrouve dans
La fin du monde a du retard ce savoureux mélange d'érudition et d'absurde, qui faisait déjà le sel des précédents romans de l'auteur. Ce dernier opus est comme ses prédécesseurs truffé de nombreuses références socio-culturelles, tantôt triviales (le cinéma d'action américain et la "sous-culture geek" sont au coeur de l'intrigue), tantôt philosophiques (le mythe de la Caverne de
Platon est maintes fois évoqué). Derrière la farce loufoque pointe une critique pertinente des dérives de nos sociétés occidentales, plombées par le capitalisme et la mondialisation, ainsi que par la désinformation ambiante. Tout y passe, des nouveaux comportements liés à l'utilisation des smartphones au vide intersidéral des "reportages" proposés par de soi-disant journalistes, en passant par les déferlements d'hystérie collective suscités par le bug de l'an 2000 ou la fin du monde en 2012 (croyances irrationnelles largement relayées par les médias). Ces thématiques "sérieuses" sont bien sûr envisagées sur un ton exclusivement badin, ce qui ne remet nullement en question la justesse du regard porté par l'auteur sur ses contemporains.
La grande force de
J.M. Erre est de ne jamais sacrifier l'histoire au profit de l'humour.
La fin du monde a du retard est AUSSI un thriller paranoïaque façon
Dan Brown (en bien meilleur, cela va de soi !), qui convoque tous les clichés du genre pour mieux les démonter ; les péripéties sont ainsi commentées, voire annoncées à l'avance, et l'on sent que l'auteur prend beaucoup de plaisir à jouer avec les codes d'un certain type d'oeuvres littéraires et/ou cinématographiques. le roman est très rythmé, et les nombreux rebondissements entretiennent le suspense, le déroulement de la quête de Julius et Alice réservant par ailleurs quelques belles surprises au lecteur. Roman foutraque en apparence,
La fin du monde a du retard n'en propose pas moins une intrigue qui tient la route, ainsi qu'une réflexion pleine de bon sens et de subtilité, le tout dans la joie et la bonne humeur. Car la principale qualité de ce récit qui ne se prend absolument pas au sérieux demeure évidemment son inénarrable loufoquerie. Certes, les procédés utilisés sont parfois un peu faciles, un peu répétitifs, et ce genre d'humour potache peut à terme générer une certaine lassitude. Je n'en suis heureusement pas encore là, et l'humour de
J.M. Erre conserve pour moi tout son pouvoir de séduction. On frôle parfois le grand n'importe quoi, mais qu'est-ce que c'est bon !! A n'en pas douter, l'auteur s'amuse lui-même en écrivant de telles énormités, ce qui crée une réelle connivence avec le lecteur
Le festival commence dès l'exergue, qui m'a fait sourire :
"Que serions nous sans le secours de ce qui n'existe pas ?" (
Paul Valéry)
"Qu'est-ce qu'on est con." (François Valéry)
L'entrée en matière est comme toujours savoureuse (voir la première phrase au début de l'article), et la suite se révèle à la hauteur, malgré quelques petites baisses de régime, cependant bien vite oubliées. Julius et Alice se voient confrontés à d'innombrables incidents de parcours, et croisent une galerie de personnages hauts en couleur, ainsi qu'un horrible pigeon unijambiste (à n'en pas douter la star du roman !) :
Gaboriau, commissaire "presque retraité", outré par le manque d'éducation de la jeunesse d'aujourd'hui... Ours, geek inoffensif (?), amateur de pizzas froides, de sabres lasers et heureux possesseur d'une statue en plastique grandeur nature à l'effigie du redoutable Darth Vader... King Chewbacca, hacker has-been passionné de jeux vidéos... Paparazzi aux trognes patibulaires... Men in black lancés sur la piste de Julius (lui-même complètement allumé)... "Survivants" de la fin du monde de 2012, créateurs d'une nouvelle civilisation dans les égouts de Paris...
Je me marre rien qu'en y repensant ! Quand je vous disais que l'auteur ne se prenait pas au sérieux (à la différence de son personnage principal, obnubilé par son combat contre les forces du Mal, incarnées ici par une poignée de méchants de pacotille)... Jouissif, déjanté, hilarant, surprenant : autant de termes qui me semblent caractériser à merveille ce dernier né des studios "J.M. Erre Prod." (si après ça vous ne vous précipitez pas en librairie pour l'acheter, je ne réponds plus de rien). Je voulais vous en présenter quelques extraits, mais il me paraît impossible de choisir une phrase en particulier, étant donné que chaque page regorge de trouvailles et de saillies drôlissimes. Tant pis pour vous !
Cerise sur le gâteau :
J.M. Erre, spécialiste du twist de dernière minute, est un auteur qui soigne ses fins, toujours surprenantes et parfaitement maîtrisées. le lecteur n'est jamais déçu, ce qui est particulièrement appréciable (nombreux sont les romans interminables et frustrants, au dénouement décevant et/ou délayé dans de trop longs développements).
Conclusion : lisez le !!!!!!!!!
Du grand
J.M. Erre. En un mot : jubilatoire !
Un immense merci à Babelio, ainsi qu'aux éditions Buchet-Chastel pour ce beau cadeau !
Lien :
http://leslecturesdeleo.blog..