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EAN : 9782283032237
368 pages
Buchet-Chastel (07/02/2019)
4.04/5   353 notes
Résumé :
Margoujols, petit village reculé de Lozère, abrite depuis 70 ans les rescapés d’un cirque itinérant qui proposait un freak show : femme à barbe, soeurs siamoises, homme-éléphant, nain, colosse... Mais la découverte du cadavre atrocement mutilé de Joseph Zimm, dit « l’homme-homard », va bouleverser la vie presque tranquille de ses habitants.
Qui a tué cet ancien membre du cirque des monstres, et pourquoi ?
Qui se cache derrière le mystérieux auteur du ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (124) Voir plus Ajouter une critique
4,04

sur 353 notes
Qui a tué l'homme-homard ou comment faire plus irrévérencieux, plus subversif que cela.😜


Margoujols, petit village de 432 habitants... enfin 431.. euh non, 430 ... Raa 429... Raaaaaa.... voilà qu'un tueur en série m'embrouille dans ma critique et m'empêche d'être exact !😤
Magoujols, petit village tranquille et pépère... enfin si on fait abstraction des morceaux de cadavres trônant un peu partout dans le village... Raaaa pas facile de faire la fiche touristique du lieu. 😣
Margoujols et ses habitants sympathiques... 🤥 Euh... Julie, tétraplégique, incapable de se mouvoir, de parler et passant son temps à baver comme héroïne, je ne sais pas si cela est très vendeur...🙄

Bref, pour résumer :
À Margoujol, on manie le couteau Laguiole🔪
À Margoujol, vous y trouverez des tas de bestioles🤪
Faites cependant gaffe à vos guiboles🙄
Parce qu'y rôdent quelques marioles😱
Vous n'y trouverez pas de sex-symbol😍
Mais vous êtes assuré de passer de bon moment de cabriole😆


J.M. Erre est connu pour ses romans décalés et plein d'humour. Et celui-ci se place dans la même catégorie. Un roman policier drôle où les personnages, les situations et l'intrigue sont à elles seules des moments de rire - voire parfois d'irrévérence.
Tout d'abord, oser faire intervenir comme personnage principal une jeune femme de 23 ans, handicapée, ne pouvant bouger qu'un majeur et communiquant grâce à un ordinateur... c'est culotté. Ajouté à ce personnage un humour noir, un cynisme, une répartie scandaleusement impertinente et des propos subversifs sur le handicap... Alloué à ce personnage un duo de policier avec un adjudant quelque peu dépassé par la situation et son stagiaire, Babiloune... un peu dans la Lune... Puis, installé le tout dans un village perdu au fin fond de nulle part où les habitants ont tous des caractéristiques et des personnalités déjantées... C'est bon, le lecteur est complètement accroché.


L'intrigue policière est un véritable périple pour ne pas dire une aventure. le lecteur se retrouve confronté à un crime abominable, sur un homme abominable avec des témoins et des voisins abominables. C'est drôle, c'est souvent tiré par les cheveux, mais on passe un bon moment de lecture.


Qui a tué l'homme-homard est un roman complètement déjanté et fou. À travers une enquête policière atypique avec moult rebondissements, J.M. Erre nous fait découvrir les affres de l'écrivain de roman policier qui réfléchit à son intrigue du point de vue du lecteur, du suspens, de la rythmique.... tout en mettant le projecteur sur le handicap d'une manière totalement décomplexée. le handicap n'est pas ici présenté de manière compatissante, bien pensante, mais, au contraire comme une humanité différente comme le sexe, la couleur de peau, la nationalité.


Un bon moment de lecture garanti !👌

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Ne tirez pas sur l'auteur moqueur! Et pourtant, il s'en donne à coeur joie, Jean-Marie Erre, tout y passe…Les handicapés, les journalistes, les flics! Champion des anti-héros, le flic en chef est tout sauf craquant :

Pourquoi n'aurais-je pas le moral ?
– Votre femme ne vous a pas quitté ?
– Non, pourquoi ?
– Vous n'êtes pas alcoolique ?
– Je ne comprends pas ce que…
– Alors votre coéquipier est mort sous vos yeux et depuis vous êtes hanté par des cauchemars parce que vous vous sentez coupable, c'est ça ?
– Pas du tout !
Moue perplexe du Gabriel. Il détaille Pascalini en repassant dans sa tête la liste complète des clichés du polar avant de lâcher :
– Vous êtes sûr que vous êtes policier ?


Par contre la fine mouche qui mène l'enquête est très atypique : tétraplégique, contrainte à communiquer via un dispositif de synthèse vocale, qu'elle actionne avec son seul doigt valide, qui ne peut être que son majeur, bien sûr! Et quelle est la seule personne autorisée à se gausser d'une telle situation? La paralytique elle-même, qui utilise avec prodigalité l'autodérision.
Les monstres du cirque qui s'est sédentarisé dans la petite ville ne sont pas épargnés.


Il existe bien une enquête, qui vise à retourner l'auteur de crimes bien sanglants, imaginez :

« C'est elle qui a découvert Joseph éviscéré, émasculé, énucléé, étêté – et mort – dans ses toilettes. Un vrai fléau, cette désertification rurale. »



On l'aura compris, le but premier n'est pas de conter un thriller angoissant avec une intrigue alambiquée, (encore que perso, je n'ai rien vu venir), mais de jouer avec les codes du polar. Toutes les ficelles sont tournées en dérision , et c'est d'autant plus drôle que le lecteur est pris à partie comme témoin de ces procédés.

C'est déjanté, jubilatoire, et précieux pour désamorcer la morosité ambiante.

#QuiATuéLhommehomard #NetGalleyFrance

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Rien que le titre m'avait déjà donnée envie de lire ce roman… je l'ai trouvé intriguant. Il faut reconnaître que je ne connaissais pas du tout l'auteur.

Jai adoré le côté déjanté de J.M Erre. Il faut dire qu'il a une sacrée plume , et un humour plutôt exacerbe D'autant que le cynisme est bien présent et que j'aime beaucoup ça. C'est une humour parfois tranchant , très incisif , mais qui au fond ne fait que remonter a la surface des vérités.
Il faut aussi reconnaître qu'actuellement j'ai une énorme aversion pour le politiquement correct… cette hypocrisie ou tout doit être poli, lisse et gentil. Alors si comme moi vous aimé ce qui pique, ce roman est fait pour vous. Et puis il faut reconnaître que tout le monde en prend pour son grade.

J'ai déjà réservé d'autres roman de l'auteur dans ma bibliothèque préférée, car cet humour est juste du bonbon en barre.
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[Lu dans le cadre d'une Masse critique Privilège Babelio]

Joseph Zimm - dit “l'homme-homard” en raison de la malformation congénitale de ses mains - misanthrope notoire et haï de tous, vient d'être assassiné. Il a été découvert “éviscéré, émasculé, énucléé, étêté - et mort - dans ses toilettes.” Bienvenue en Gévaudan, et plus précisément à Margoujols, petit village tranquille de 432 habitants.

C'est une commune rurale où il ne se passe jamais rien et où la date du 11 septembre 2001 n'évoque rien d'autre que le jour où - événement croustillant - “le vieux Childéric avait été surpris en train d'exprimer son affection débordante à une brebis.” Pourtant, Margoujols n'est pas un village tout à fait ordinaire : un cirque itinérant présentant un “freak show” (et dont la victime avait fait partie) s'y est installé en 1945, y est définitivement resté et y a fait souche. de sorte que le village est, depuis, peuplé de femmes à barbe, de nains, de géants, de soeurs siamoises, d'hommes-caoutchouc et autres bizarreries de la nature, et que la normalité y est une notion tout à fait relative.

La narratrice, Julie, une jeune fille de 23 ans qui se trouve être la fille du maire, est pour sa part infirme moteur cérébrale et tétraplégique - résultat d'une naissance compliquée - et pose sur les villageois comme sur elle-même un regard pour le moins sans complaisance, elle qui se décrit par ces mots : “émaciée, le regard fixe, la tête penchée sur le côté pour mieux me baver sur l'épaule. Car je bave. Beaucoup. Un des rares domaines dans lesquels je sois très productive. Je suis un monstre. Je vous avais avertis.”

C'est par le biais de cette narratrice qui se revendique comme étant “le cynisme incarné” que le lecteur plonge au coeur de cette sombre affaire de meurtre dont elle va explorer avec son intelligence froide et acérée les pistes envisageables, les possibles mobiles et les suspects potentiels. Depuis son fauteuil roulant, elle s'improvise auxiliaire bénévole et enthousiaste de gendarmes perplexes et déconcertés, à la limite de l'effarement, l'adjudant Pascalini et son stagiaire Babiloune. Elle mène l'enquête tambour battant - elle dont personne ne se méfie - jusqu'à venir à bout de l'énigme proposée à notre sagacité de lecteurs : qui, parmi ces personnages bizarroïdes, a bien pu faire la peau de cet homme-homard détestable et détesté passé maître dans l'art de l'insulte et de la calomnie, et dont le petit carnet noir a disparu, peut-être volé par son assassin… tandis qu'une mystérieuse blogueuse tapie dans l'ombre se vante avec délectation sur son site intitulé “Ma vie en monstre” d'être une serial killer aguerrie et que les meurtes s'enchaînent, en suivant le même mode opératoire ?

Avec "Qui a tué l'homme-homard ?", J.M. Erre nous entraîne à bride abattue dans un univers totalement déjanté peuplé de créatures improbables où le sordide le dispute au burlesque. Tous les personnages sont méthodiquement passés à la moulinette du politiquement incorrect et au filtre de l'humour très noir et passablement grinçant d'une narratrice lourdement handicapée qui ne respecte aucun tabou, se moque allègrement de tout - y compris et surtout de son propre handicap - et pose sur toutes choses un regard d'une ironie mordante et désenchantée assorti de réflexions au vitriol, lucides et sans aménité, mais intelligentes et souvent profondes, notamment sur le handicap, son ressenti par les personnes concernées et sa perception par autrui.

Le style est alerte et bondissant, le roman est bien écrit (en dépit de quelques coquilles) et, une fois entamé, ne lâche plus son lecteur tant il a hâte de connaître le dénouement de cette intrigue obscure et bien ficelée qui, jusqu'au bout, ménage le suspense... Dans le même temps, l'auteur s'amuse à nous révéler les ressorts (puisés chez ses plus brillants confrères) indispensables à l'écriture d'un roman policier efficace et convaincant, ce qui, pour tout amateur de littérature, est un réel plaisir.

Un polar atypique, décalé et très original dont le ton délicieusement irrévérencieux et insolent emporte le lecteur hilare dans un univers tragi-comique et profondément dérangeant, et que j'ai beaucoup aimé.

Merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel pour ce cadeau et ce bon moment de lecture !

[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]
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Pistaches, pastis & pis t'as pastiches !

Bon titre pour une chronique ça, qui met en appétit, qui a du style. Aguicher, dévoiler sans révéler. Comme « Omar m'a tuer » ou « Qui a tué l'homme-homard ? », déjà on sait vers où on va. Sans détours, ça je ne peux promettre car Jean Marcel Erre, donc j'essaye de suivre. Enfin c'est beau d'annoncer d'emblée qu'il y aura meurtre. En même temps, c'est un polar.
Le mystère reste entier, on a placé deux figures, jusque là on est bon.

L'accroche.
« On a ouvert avec un meurtre bien sordide, un homme-homard découpé en morceaux, c'est original, c'est visuel, c'est gourmand. A mon avis, on a marqué des points. » p.233
Le mystère reste entier, on a placé une citation, fait monter la sauce, on est bon là.

L'aveu.
(Attention, je ne plaide pas coupable, pour rappel je ne suis pas dans le roman. Non mais quelle histoire !)
J'avoue, j'en pince pour les livres de J.M. Erre et ce n'est bien sûr pas celui-ci qui me fera changer d'avis. Bon, pour la fine bouche, perso, je l'aurais jeté vivant dans l'eau bouillante avant de le couper en morceaux (20 c'est beaucoup quand même). Mais enfin c'est de la popotte interne et tant qu'à revisiter la recette du polar autant le faire aussi pour celle du homard.
Entre parenthèse on a pastiché le pasticheur, introduit le faux espoir d'une révélation, joué de l'ascenseur émotionnel avec un chaud froid tout en évitant la chute. Donc le mystère reste entier (contrairement à l'homme-homard qui n'est pas dans son assiette).

La révélation.
-Déjà ?
-Ben oui, je reste sur un court-bouillon.
Chuuuut !!! Ce polar est aussi un guide du polar. Et ce n'est pas tout : il s'agit d'un roman post-moderne.
-Ké kc'est ça ???
-C'est expliqué sur wiki mais je te conseille l'épisode 6 du blog de Winona Jane : Je vois la vie en monstre p.229
-Là, bravo.
-… « est modeste et repose sur la question que tout a été dit, déjà, et qu'il faut reprendre les anciennes règles en renouvelant ce qui peut l'être. […] Margoujols, mon Pulp Fiction à moi.»
-Margoujols ?
-4ème de couv.
Le mystère reste entier, on a placé un dialogue, changé de niveau en parlant du travail d'écriture, c'est tout bon.

Les personnages.
Il y en a beaucoup, mais pas trop car la narratrice a l'intelligence de ne pas nous présenter les 432 habitants de ce petit village de Lozère. Ni les autruches, fille du maire mais apolitique^^ Julie ; par contre elle cherche un carnet^^. Alors il y a Joseph, un homme-homard, qui s'est fait une carapace en insultant tous les gens du village, cela fait 431 coupables potentiels, plus 4 norvégiens, plus 2 policiers, plus une journaliste, l'on peut exclure les autruches. Mais dans tous cette consanguinité, il n'y a finalement que l'assassin(e) qui vous intéresse et je préfère ne pas en parler, alors que je pourrais renouveler la règle en post-modernisant dans un élan paroxysmique. Un mot sur Julie plus attachée à son fauteuil roulant qu'attachante, d'autant qu'elle est plus baveuse qu'une omelette de la mère Poulard, ou encore qu'un escargot sur une route de Bourgogne limitée à 80 (à retirer lors de la mise sur le site car la métaphore est aussi vielle que la recette de la mère Poulard, que l'omelette revisitée avec les oeufs d'autruches c'est raccord et post-moderne, alors que l'escargot à 80 c'est un coup à se mettre plus de Français à dos que Joseph et ne plus pouvoir rentrer dans sa coquille).
Mine de rien on a encore placé deux figures, situé l'action, soigné le vocabulaire, introduit un côté terroir, surpris son lectorat en révélant que comme dans l'inspecteur Barnaby il y a plusieurs victimes, si, si, Ah ! Ah ! Elle est bien bonne et le mystère reste entier.

L'hommage
Ce n'est par contre pas un mystère que J.M. Erre dans l'exploration narrative de différents genres littéraires en totale liberté, maniant différents type d'humour à multiples degrés, en s'appuyant sur une imagination débridée et jouissive. Singulier, il l'est et son style est déjà une signature. Se tromperaient les lecteurs-trices, qui s'arrêteraient au seul aspect rigolo. L'humour irrévérencieux est un véhicule très puissant pouvant sans modération dépasser largement le 80, et à même d'approcher l'indicible ce qu'en fin de compte n'arrivent à faire que les écrivains talentueux. C'est un coup de génie que cette apprentie-narratrice, détective-amatrice, handinspectrice, native-tétraplégique, pilote confirmée, cynique patentée ou qui l'est. Pourquoi pas ? Je lis un peu partout déjanté, moi je trouve simplement que ce fauteuil roulant débridé tient drôlement la route. Et d'autre manière l'humour de couleur n'a jamais fait rire personne, alors que l'humour noir est un régal et que rien ne vaut le noir de noir. Noir, c'est noir, chantait Johnny !!
« Face au tumulte de la vie moderne, sachons profiter du cadeau offert par un mort : le silence. » p. 198

Remerciements
La lecture d'un livre de J.M. Erre est toujours un moment de rare jubilation intérieure, le chroniquer un bonheur à partager. Je remercie vivement Babelio pour cette masse critique et les éditions Buchet Chastel pour leur confiance.
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critiques presse (1)
LaCroix
14 juin 2019
Auteur de récits à l’humour décalé, J. M. Erre s’essaie avec bonheur à la parodie de polar en jouant des poncifs attachés au genre.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (91) Voir plus Ajouter une citation
— Mon adjudant, se lance Pierrot Charbonnier, je voulais savoir si vous m'aviez déjà mis sur écoute.
— Sur écoute ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
— Je vous explique. J'ai une relation amicale avec une dame bien sous tout rapports. On s'est rencontrés sur Meetic, on chatte, c'est sympa. On a décidé qu'on se parlerait au téléphone pour la première fois ce soir. Alors, si vous pouviez ne pas trop m'écouter, ça m'enlèverait du stress.
— Mais enfin, vous n'êtes pas sur écoute !
— Ah bon ? Pourquoi ? s'étonne Pierrot.
— Vous pensez que je vais écouter les conversations de tous les habitants ?
— Moi, c'est ce que je ferais, affirme Gaëtan.
— C'est plus facile pour trouver le coupable, non ? s'interroge Gabriel.
— A condition qu'ON veuille le trouver... lâche Gaëtan.
— Drôles de méthodes, maugrée Pierrot.
— Allez, lance Gabriel pour apaiser les esprits, prenons le verre de l'amitié.
— Il est neuf heures du matin, remarque Pascalini (l'adjudant).
— Il n'y a pas d'heure pour l'amitié. Ça vous remontera le moral.
— Pourquoi n'aurais-je pas le moral ?
— Votre femme ne vous a pas quitté ?
— Non, pourquoi ?
— Vous n'êtes pas alcoolique ?
— Je ne comprends pas ce que...
— Alors votre coéquipier est mort sous vos yeux et depuis vous êtes hanté par des cauchemars parce que vous vous sentez coupable, c'est ça ?
— Pas du tout !
Moue perplexe du Gabriel. Il détaille Pascalini en repassant dans sa tête la liste complète des clichés du polar avant de lâcher :
— Vous êtes sûr que vous êtes policier ?
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Page 58
Une fois dans la rue, le gendarme fait un gros effort pour imiter la tête du type qui trouve naturel d’être suivi par un mollusque à moteur. Pour compenser le malaise, il donne ses ordres. Bonne fille, je me mets au garde-à-vous mental.

- Commençons par récupérer le deuxième classe Babiloune, mon stagiaire; Il est allé manger au café avec pour mission de tâter le terrain. C’est le meilleur endroit pour saisir les ambiances; Vous pouvez m’y conduire, s’il vous plaît ?

- Avec grand plaisir, mon adjudant, fais-je de ma voix langoureuse d’hôtesse de l’air.

Pascalini me lance un regard de sidération. Un légume qui parle ? Ça leur fait un choc chaque fois. J’attends toujours un peu avant d’offrir ma surprise vocale. Histoire de savourer les mimiques interloquées.

C’est tout récent et c’est extraordinaire : depuis un mois, un nouvel équipement informatique a transformé ma vie. Mon père m’a offert le même ordinateur que celui de l’astrophysicien Stephen Hawking, cloué dans un fauteuil à cause de la maladie de Charcot. Le gars exploitait les trous noirs et perçait les mystères de l’univers alors qu’il n’arrivait même pas à se curer le nez. Un modèle pour moi.

Cet ordinateur permet de traduire vocalement les mots que j’écris de mon majeur. Je peux enregistrer des phrases prêtes à l’emploi et utiliser un panel de voix pour accentuer mes effets. Avec les hommes, j’opte pour des timbres chauds, des sonorités érotiques : ça me va bien au teint.

- Vous me suivez mon adjudant ?

- Bien… bien sûr, balbutie Pascalini.

Toujours réjouissant de voir les gens faire comme si tout était normal alors que leur visage exprime le contraire. Personne n’ose jamais me dire « Vous parlez ? C’est incroyable ! » ou « Vous comprenez ce qu’on dit ? » ou encore « Alors vous n’êtes pas vraiment un légume ? » Ca ne se fait pas de parler à une handicapée de son handicap, au cas où elle ne serait pas au courant de son état.
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Dans un coin, réconfortée par deux mamies à grands coups de "mondieumondieumondieu", j'aperçois l'infirmière de Joseph, qui venait lui donner ses soins et recevoir ses insultes. Elle pleure, choquée par l'inquiétante fonte de sa clientèle dans une campagne de plus en plus sinistrée. Si ses patients se mettent à disparaître sans même passer par la case des soins palliatifs, elle n'est pas près de rembourser le crédit de la Twingo. Elle a un haut-le-cœur et régurgite la salade sous vide, prémâchée qui constitue son ordinaire à midi. C'est elle qui a découvert Joseph éviscéré, émasculé, énuclée, étêté - et mort - dans ses toilettes. Un vrai fléau, cette désertification rurale.
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L'imagination des romanciers permet au novice de balayer un large champ de situations et d'aborder des questions fondamentales auxquelles on ne pense pas dans l'euphorie des premières fois. Pour les questions pratiques d'organisation et d'intendance, comme les modalités de surveillance de la future victime ou la liste des fournitures de base, on se référera avec profit aux œuvres de Jeff Lindsay, l'heureux créateur de Dexter, de Thomas Harris, le pap de Hannibal Lecter ou du Néo-Zélandais Paul Cleave. Des auteurs qui ont su donner ses lettres de noblesses à la figure du serial killer, objet de mes livres de chevet.
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Un narrateur ne raconte pas tout. Il fait des choix et passe beaucoup de choses sous silence. Il est un manipulateur qui n'offre à son lecteur que ce qu'il veut bien lui offrir, et qui cache ce qui l'arrange pour créer un suspense à sa sauce. Position des plus pratiques quand le narrateur est lui-même le coupable, comme dans Le Meurtre de Roger Ackroyd d'Agatha Christie, mon écrivain préféré. Tata Agatha m'a appris que le plus amusant quand on raconte une histoire, c'est qu'on balade son lecteur où on veut. Cela dit, le problème ne se pose pas dans ce récit : je ne suis pas la tueuse.
Promis, juré, bavé.
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