Citations sur Élise ou la vraie vie (53)
J'étais comme un être enfermé dans une bulle de verre, et tout le monde me voyait, mais personne ne m'entendait. Et moi, ce que je voulais, c'était casser la bulle pour que quelqu'un m'écoute.
"Tu verras, un jour commencera la vraie vie, disait-il souvent." Qu'était-ce la vraie vie ? Plus d'agitation ? La galerie des portraits humains plus fournie autour de nous ? Qu'est-ce que cela changerait ? A quoi saurait-on que la vraie vie commençait ?
Ce qui compte, c'est ce qu'on est, pas ce qu'on a fait. J'approuvai. Je n'osais pas lui dire qu'on était aussi ce que l'on faisait.
Le papier le plus précieux, le laissez-passer c'était la fiche de paye. Sans elle commençait le long supplice de l'interrogatoire, des coups, et le renvoi vers le douar d'origine, en réalité centre de triage, où l'on triait si bien que nombre de suspects n'en sortirent jamais.
Trois minutes de vestiaire et des heures de chaîne. La chaîne... ! Oh, le mot juste ! Attachés à nos places.
Partir, vivre auprès de Lucien, Paris, la vraie vie.
O lacs assoupis, sentiers fleuris,sous-bois pleins de fougères, champs de blé où la bien-aimée attend, plus dorée que l'or des épis, ruisseaux que l'on suit à deux.Vieux rêves enfouis, enterrés, mais pas morts.Voici mon partage: la Porte des Lilas, la descente vers le Pré Saint-Gervais,avec, à l'horizon, les fumées mourantes des usines qui s'assoupissent, la steppe banlieusarde, et près de moi, cet homme avec lequel, pour la troisième fois, je vogue, comme si le paradis nous attendait au bout.
Surtout ne pas penser. Comme on dit "Surtout ne pas bouger" à un blessé aux membres brisés. Ne pas penser. Repousser les images, toujours les mêmes, celles d'hier, du temps qui ne reviendra plus. Ne pas penser. Ne pas reprendre les dernières phrases de la conversation, les mots que la séparation a rendu définitifs, se dire qu'il fait doux pour la saison, que les gens d'en face rentrent bien tard; s'éparpiller dans les détails, se pencher, s'intéresser au spectacle de la rue.
"ces pensées, le froid, les mèches qui volent dans mon cou, la dérobade d'Arezki, le sang du Magyar et l'odeur de l'usine, les quatre heures de chaîne qui m'attendent, la lettre de la grand-mère que je n'ai pas encore lue, c'est tout cet amalgame, la vie. Comme elle était douce, celle d'avant, la vue un peu floue, loin de la vérité sordide. Elle était simple, animale, riche en imaginations. Je disais "un jour..." et cela me suffisait."
Sous les cendres, l'inévitable espérance tiendra bon. Je ne sais d'où viendra le souffle qui l'attisera. Je ne sais vers quoi elle me poussera. Je la sens. Dans mon ensevelissement, je la sens. Indistincte, informe, impalpable mais présente. Je me retire en moi mais je n'y mourrai pas.
NDL : que c'est beau !