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Critique de ATOS


« L'écrit-vie », cette langue racinaire faite de chair, de voix, de terre, et de mots, de mémoire et de sang.
« L'écrit-vie » telle est la magnifique définition que Conceiçao Evaristo donne à son écrit.
Banzo, mémoires de la Favela. La favela et non une Favela. Où se situe-t-elle ? A l'endroit le plus exact : en plein coeur, dans l'oeil de la mémoire.
Le banzo, cette nostalgie mortelle qui frappait les Noirs esclaves arrivés d'Afrique.
«  Qui a dit que l'homme ne veux pas de racines qui le retiennent à la Terre ? ».
oui, qui peut croire cela ?
« Lécrit-vie » c'est le personnage de Bonté. « Il vivait intensément dans chaque endroit où il était. Chaque maison,chaque personne, chaque misère et grandeur, en son temps, en son moment exact ».
C'est Tite-Maria qui serre ses livres d'écolière contre elle, et qui dans son regard enregistre le terrible silences des sourires absents, qui aime la Saudade qui habite l'âme de son peuple. C'est la nature de Cidinha-Cidoca , ce sont les mains de Mémé Rita, c'est la détermination du Nègre Alirio, les larmes de Pépé, Onc Toto, c'est l'Autre, des millions d'autres.
L'écrit-vie parcourt chaque ruelle de la Favela, il court comme une enfant dans « une rue Case-Nègres contemporaine dont les habitants n'étaient pas libérés car ils n'avaient aucune condition de vie ».
« Lécrit-vie » est dans chaque histoire, chaque joie, chaque peine des favelados, ceux qu'on dit n'avoir rien, ceux qu'on dit n'être rien.
De cet « avoir-beaucoup » de peu d'hommes face à l' « avoir-rien » de beaucoup d'hommes.
Il est dans la pluie qui emporte les toits et ensevelit les corps, il est dans les gestes des femmes qui emplissent leur baquets au peu de robinets qui existent dans la Favela, il est dans l'exil des terres vers les villes, il est dans les rires, dans les gestes qui sauvent ce qui peu être sauver de la vie, il est dans les colères, il est aussi dans la honte qui vous saisit le visage les jours de désespoir. Il est dans le premier cri d'un nouveau né que l'on pose sur le ventre de la femme, il est dans le dernier cri de l'enfant que l'on entendra plus jouer, il est dans la forme des corps, dans l'informe de l'horreur, il est dans chaque moment de poésie qui se pose sur chaque étincelle de la vie, il est devant chaque frontière.
« L'écrit-vie », c'est aussi la violence qui revient comme un boomerang, cette colère retenue toute entière en dedans soi et qui ne trouve de sortie qu'à l'encontre du même que soi.
Enfant d'esclaves, ou enfants de la Loi du Ventre Libre, ils sont une communauté vivant sur une colline fragile, accrochés à l'injustice d'un devenir toujours, effroyablement incertain. Certains en eux mêmes au-delà du destin auquel on voudrait les soumettre.
Malmenés, arrachés, déportés, emportés, transplantés, ballottés, en tel siècle au fond d'une cale, en tel autre siècle dans une bétaillère. Mais si on emporte les corps , la mémoire des âmes elle transporte ses racines. Racines éternelles, survivance de l'espoir.
L'écrit-vie ce sont les mots, toutes les histoires que Tite-Maria, l'enfant, se promet de retenir.
« Pourquoi un jour ne pas écrire cette histoire-là ? Pourquoi un jour ne pas retranscrire sur le papier ce qui est écrit, gravé dans mon corps, dans ma tête, dans mon coeur ? »
Alors, pour notre bonheur, au non de toutes les mémoires, passées et à venir, comme la racine porte la promesse de tous les rameaux, Conceiçao Evaristo écrit.
Les mémoires de la Favela, c'est un récit, une récit de mille souffrances mais surtout celui d'une résistance.
Je remercie les Editions Anacaona, et tout particulièrement Paula Anacaona, qui m'a permis de découvrir , par ce livre , l'écriture bouleversante de Conceiçao Evaristo, et à cette occasion son oeuvre de résistance.
Auteure et éditrice-traductrice que nous aurons le plaisir de rencontrer en ce mois de juillet 2017, à l'occasion de trois rencontres organisées en France et en Belgique
http://www.anacaona.fr/rencontre-litteraire-conceicao-evaristo-auteure-afro-bresilienne/
Oeuvres, interviews, articles et biographie que je vous invite à découvrir sur le site des Editions Anacaona.
http://www.anacaona.fr/conceicao-evaristo-toni-morrison-du-bresil-militante-afro-bresilienne/

Les illustrations de Lucia Hiratsuka accompagnent délicatement et très poétiquement les mémoires de la Favela. Je vous invite également à la découvrir :
http://www.anacaona.fr/lucia-hiratsuka-illustratrice-la-delicatesse-du-sumi-e/

Astrid Shriqui Garain





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