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« Hommes, femmes, enfants, qui s'amoncellent en-dedans moi comme s'amoncellent les bicoques dans ma favela. »

Tite-maria aime entendre les histoires, les douleurs et les misères que lui racontent les hommes et les femmes de la favela. Elle a le banzo dans le cœur ; elle s'imprègne du passé, même si cela la rend triste. Elle veut recueillir toutes ces pierres pointues, les comprendre et les transmettre. Elle se nourrit de misères mais aussi d'espoirs. Son désespoir lui montrera le chemin. Celui d'écrire ce qu'elle voit, ce qu'elle a appris, pour permettre aux Noirs supposément libres de la favela de se libérer complètement, de ne plus « rien avoir », de ne plus « rien être », de ne plus croire que leur vie n'est qu'un amoncellement de pierres pointues.

La Favela tient plus de l'enfer que du paradis, mais elle leur tient de lieu de vie. Elle est aussi solidarité, amour et joie. Ces hommes et ces femmes sont le cœur de cette favela vouée à la démolition. Certains n'ont plus la force de reconstruire ailleurs, ils ne comprennent plus cette escroquerie qu'est leur vie. D'autres, plus jeunes, espèrent encore voir réaliser leurs rêves; ils reconstruiront ailleurs leurs maisons de carton, enverront leurs enfants à l'école, se battront pour plus de justice et de dignité.

On retrouve la belle écriture de Conceiçao Evaristo. Le saudade de "L'histoire de Poncia" , de « l'écrit vie » des « voix-femmes », de « l'écrit-racine », de « l'écrit-mémoire ». Les dessins de Lucia Hiratsuka illustrant l'histoire sont simples et légers. Ils apaisent en nous décrivant une favela faite de petits moments de vie, de silences et d'espoirs.

Je remercie la masse critique de Babelio, les Éditions Anacaona et Paula, pour ce magnifique roman dans la collectionTerra, toujours aussi magique, par ses couleurs et ses illustrations.

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« Banzo », mémoires de la Favela, est une perle rare, un brillant d'humanité !

Edité par AnaCaona Editions, dont il faut souligner la qualité du travail de traduction, de mise en page, d'illustration et de mise en perspective de l'ouvrage, ce roman est dû à la plume de Conceiçao Evaristo, auteure afro-brésilienne, grande voix féministe d'un Brésil qui doit connaître d'où il vient.

Adepte de ce qu'elle nomme « écrit-vie », l'auteur dresse un hommage vibrant à la force de libération qui fait battre le coeur de tout être, même et surtout peut-être, quand il est oppressé.

Banzo est une fiction mémorielle de la vie d'une favela d'un autre temps, emblématique et symbolique de l'histoire de toutes les favelas et de leurs habitants. Avec un talent de conteuse incontestable, Conceiçao Evaristo fait parler Tite-Maria, Négrillonne. Celle-ci observe, engrange tout ce qu'elle voit, tout ce qu'on lui raconte et elle se promet d'un jour écrire, nous écrire, ce que fut la vie de son peuple. Et, tel un puzzle dont l'image ne prend sens qu'à partir des détails que l'on découvre en accolant deux pièces voisines, Tite-Maria va nous ensemencer la vie de tous les souvenirs qu'elle a cueillis en elle et auprès des personnages hauts en couleurs et profonds d'humanité que sont Mémé Rita, Bonté, Onc'Toto, Vieille-Maria, le Nègre Alirio et tant d'autres.

Le propos du livre est dur, quasi politiquement incorrect. Il entend annihiler la pensée colonialiste qui s'est trop souvent drapée de tous les droits, surtout celui de violenter les nègres et de nier leurs droits.

Cette suite de courts souvenirs contés est largement teintée de ‘banzo ‘ (lire : nostalgie mélancolique et mortifère qui accablait si souvent les esclaves noirs arrivés d'Afrique) et de ‘saudade' (lire nostalgie d'une vie à vivre, tendresse pour l'Homme noir - ici, surtout la femme- réhabilité dans sa négritude malgré l'existence au coeur d'un sentiment de ‘manque habité').

Par le talent de conteuse de l'auteure, ces propos sont appelés à parler au plus profond de chacun tant leur portée d'humanité féconde est pertinente en tous lieux et toute époque.

Conceiçao Evaristo est certes une grande voix féministe, elle est aussi une voie à suivre, une voie mémorielle et reconstructive d'un Monde appelés à permettre à tous de vivre ensemble et de se reconnaître frères et soeurs en Humanité.

‘Banzo', un vrai coup de coeur ! N'attendez pas pour le lire…
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Même si Banzo met en scène plusieurs personnages, c'est par le regard de Tite-Maria que nous est décrite la favela et ses favelados. Collectionneuse d'histoires, Tite-Maria a le don d'écouter ses proches parler pour récolter leurs souvenirs, leurs rêves, leurs espoirs, envolés ou non. de sa petite taille et de ses yeux d'enfants, elle voit passer toutes ces personnes qui peuplent la favela : Bonté, Mémé Rita, le Nègre Alirio, Ditinha… elle observe, absorbe et s'imprègne de leurs vies. Grâce à ce double autobiographique, Conceição Evaristo distille dans ce roman ses souvenirs d'enfance. Elle nous y raconte son quotidien entre le robinet d'en haut et le robinet d'en bas, les rêves de ces favelados que les bulldozers menacent chaque jour d'expulser.

Banzo témoigne d'un véritable travail de mémoire, de la difficulté de laisser une époque, un lieu et des souvenirs derrière soi. Loin de la violence et de la brutalité que l'on associe à la favela, Conceição Evaristo nous décrit presque un lieu plein de douceur et de poésie. le quotidien y est sublimé grâce à la plume chargée d'émotion et toute en sensibilité de l'auteure, et donne à l'histoire d'autant plus de profondeur et d'impact. On n'oublie pas malgré tout que ce sont des descendants d'esclaves, de lutte et de résistance qu'elle nous parle ici, et que c'est la misère quotidienne qu'elle nous décrit. Tandis que les sauts dans le passé nous permettent de mieux comprendre l'histoire des personnages, l'avenir reste quant à lui incertain.

Lien : http://ulostcontrol.com/banz..
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Tous vivent dans une ces favela brésiliennes..dans quelle ville ? On ne le saura pas, mais qu'importe ! C'est LA favela type proche des grandes villes mais sans lien avec celles-ci. Leur monde se limite à ces taudis. Une favela faite de poussière quand il fait beau et de boue les jours de pluie, construite au grès du temps, de bric et de broc, où vivent des petites gens, travaillant sur des chantiers, des femmes délaissées ou veuves, des femmes de ménage, des vieux qui attendent la mort..un bidonville ou presque aux portes d'une grande ville, qu'on ne verra jamais. Un bidonville dont personne ne sait à qui appartient le sol. C'est facile de les expulser sans recours possible.

Personne ne souhaiterait y vivre ni même visiter cette favela, ce monde à part, fait de petites gens demandant peu et vivant de peu. Des petites gens qui s'appellent Onc'Toto, Cidinha-Cidoca, Mémé Rita, Vieille Maria, Tite-Maria, le Nègre Alirio, Ditinha, Beto, La Noire Tuina…Ils et elles se retrouvent aux robinets collectifs, là où se remplissent les baquets de celles qui lavent le linge des riches, ou à l'occasion des fêtes, des matches de foot dans la poussière. Chaque fois qu'il pleut, les maisons sont trempées, les rares habits sont salis par la pluie qui s'infiltre dans les maisons et mouille tout, les murs gorgés d'eau se fissurent et tombent parfois sur les occupants. Ce n'est pas le luxe, mais c'est leur vie, une vie faite d'amitié, de partage, de vie en commun. L'alcool permet d'oublier cette détresse et cette misère.
Une vie que les tracteurs viennent détruire…il faut partir leur dit-on. On leur donne un peu d'argent pour leur bicoque, argent qu'ils dépenseront aussitôt….il est tellement rare, ou quelques planches et des briques pour s'installer dans une autre favela…Ils partiront dans une bétaillère où s'entasseront plusieurs familles et leurs maigres biens…une bétaillère, comme des animaux, manifestation si besoin était de l'intérêt que leur portent ceux qui détruisent la favela. D'autres parmi eux, plus pauvres, iront vivre dans la rue.
Tous ont le banzo, cette nostalgie mortelle qui frappait les Noirs esclaves arrivés d'Afrique, une nostalgie qui les suit de génération en génération. Un « banzo » qui peut se transformer en violence, souvent contenue. Ils sont tous descendants d'esclaves. Elles sont femmes de ménage, voire prostituées, ils sont ouvriers sur les chantiers. Ils sont tous pauvres mais donneraient des leçons de dignité, de partage et de courage à beaucoup: « des pauvres plus égoïstes dans leur misère que des riches dans leur opulence ». Certains sont plus résignés que d'autres engagés depuis toujours dans des luttes syndicales.
L'éducation, l'enseignement permet d'envisager une autre vie, alors les gamins vont quelques années à l'école, au moins ils auront le plaisir du goûter. Tite-Maria est l'une d'elle. « Tite-Maria savait que la favela n'était pas le paradis. Qu'elle était même plus proche de l'enfer. Pourtant, sans trop savoir pourquoi, elle demandait de tout coeur à Notre-Dame d'empêcher sa destruction, d'améliorer la vie de tous, de les laisser tous vivre ici ». Elle a appris à lire et à écrire, alors elle raconte cette vie.
Tous savent que la lecture permet l'émancipation, la connaissance, alors certains plus instruits l'enseignent aux gamins. « …quand une personne savait lire ce qui est écrit et ce qui ne l'était pas, elle faisait un pas crucial vers sa libération.« La solidarité n'est pas un vain mot.
En faisant parler tour à tour chacun des personnages, Conceicao Evaristo écrit un roman dérangeant. En nous faisant découvrir un autre monde, celui de Brésil pauvre, de ce monde des favela, elle nous interpelle. Chaque grande ville du Brésil a sa favela, son bidonville, une favela qu'on ignore souvent sauf au moment du Carnaval. Mais ce n'est plus le carnaval, la fête, les couleurs, mais le quotidien poussiéreux de brésiliens très pauvres, et si on transpose chez nous, en Europe, de clandestins qu'on ignore….
Par la voix de Tite-MAria, elle fait exister ces brésiliens écartés, ces sans-voix cachés, ce bétail humain rejeté, ces hommes et femmes qu'elle aime, cette part de nostalgie, de « banzo » de « saudade » qui font partie de son âme et de sa personnalité.
Elle donne ainsi une voix, des voix, des visages à cette résistance qui anime de générations en générations ces descendants d'esclaves et à ces femmes toujours plus opprimées que les hommes, ces femmes héroïnes de ce roman.
Un « écrit-vie » passionnant qui ne peut laisser indifférent : le Brésil et ses favelas est parfois à nos portes. : « la richesse, l'opulence, le gaspillage, l'avoir-beaucoup de peu d'hommes » face à « l'avoir-rien de beaucoup d'hommes. »
Écrit en 1988, et publié pour la première fois en 2006, un livre toujours plus d'actualité. Pas seulement au Brésil.

Malheureusement.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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« L'écrit-vie », cette langue racinaire faite de chair, de voix, de terre, et de mots, de mémoire et de sang.
« L'écrit-vie » telle est la magnifique définition que Conceiçao Evaristo donne à son écrit.
Banzo, mémoires de la Favela. La favela et non une Favela. Où se situe-t-elle ? A l'endroit le plus exact : en plein coeur, dans l'oeil de la mémoire.
Le banzo, cette nostalgie mortelle qui frappait les Noirs esclaves arrivés d'Afrique.
«  Qui a dit que l'homme ne veux pas de racines qui le retiennent à la Terre ? ».
oui, qui peut croire cela ?
« Lécrit-vie » c'est le personnage de Bonté. « Il vivait intensément dans chaque endroit où il était. Chaque maison,chaque personne, chaque misère et grandeur, en son temps, en son moment exact ».
C'est Tite-Maria qui serre ses livres d'écolière contre elle, et qui dans son regard enregistre le terrible silences des sourires absents, qui aime la Saudade qui habite l'âme de son peuple. C'est la nature de Cidinha-Cidoca , ce sont les mains de Mémé Rita, c'est la détermination du Nègre Alirio, les larmes de Pépé, Onc Toto, c'est l'Autre, des millions d'autres.
L'écrit-vie parcourt chaque ruelle de la Favela, il court comme une enfant dans « une rue Case-Nègres contemporaine dont les habitants n'étaient pas libérés car ils n'avaient aucune condition de vie ».
« Lécrit-vie » est dans chaque histoire, chaque joie, chaque peine des favelados, ceux qu'on dit n'avoir rien, ceux qu'on dit n'être rien.
De cet « avoir-beaucoup » de peu d'hommes face à l' « avoir-rien » de beaucoup d'hommes.
Il est dans la pluie qui emporte les toits et ensevelit les corps, il est dans les gestes des femmes qui emplissent leur baquets au peu de robinets qui existent dans la Favela, il est dans l'exil des terres vers les villes, il est dans les rires, dans les gestes qui sauvent ce qui peu être sauver de la vie, il est dans les colères, il est aussi dans la honte qui vous saisit le visage les jours de désespoir. Il est dans le premier cri d'un nouveau né que l'on pose sur le ventre de la femme, il est dans le dernier cri de l'enfant que l'on entendra plus jouer, il est dans la forme des corps, dans l'informe de l'horreur, il est dans chaque moment de poésie qui se pose sur chaque étincelle de la vie, il est devant chaque frontière.
« L'écrit-vie », c'est aussi la violence qui revient comme un boomerang, cette colère retenue toute entière en dedans soi et qui ne trouve de sortie qu'à l'encontre du même que soi.
Enfant d'esclaves, ou enfants de la Loi du Ventre Libre, ils sont une communauté vivant sur une colline fragile, accrochés à l'injustice d'un devenir toujours, effroyablement incertain. Certains en eux mêmes au-delà du destin auquel on voudrait les soumettre.
Malmenés, arrachés, déportés, emportés, transplantés, ballottés, en tel siècle au fond d'une cale, en tel autre siècle dans une bétaillère. Mais si on emporte les corps , la mémoire des âmes elle transporte ses racines. Racines éternelles, survivance de l'espoir.
L'écrit-vie ce sont les mots, toutes les histoires que Tite-Maria, l'enfant, se promet de retenir.
« Pourquoi un jour ne pas écrire cette histoire-là ? Pourquoi un jour ne pas retranscrire sur le papier ce qui est écrit, gravé dans mon corps, dans ma tête, dans mon coeur ? »
Alors, pour notre bonheur, au non de toutes les mémoires, passées et à venir, comme la racine porte la promesse de tous les rameaux, Conceiçao Evaristo écrit.
Les mémoires de la Favela, c'est un récit, une récit de mille souffrances mais surtout celui d'une résistance.
Je remercie les Editions Anacaona, et tout particulièrement Paula Anacaona, qui m'a permis de découvrir , par ce livre , l'écriture bouleversante de Conceiçao Evaristo, et à cette occasion son oeuvre de résistance.
Auteure et éditrice-traductrice que nous aurons le plaisir de rencontrer en ce mois de juillet 2017, à l'occasion de trois rencontres organisées en France et en Belgique
http://www.anacaona.fr/rencontre-litteraire-conceicao-evaristo-auteure-afro-bresilienne/
Oeuvres, interviews, articles et biographie que je vous invite à découvrir sur le site des Editions Anacaona.
http://www.anacaona.fr/conceicao-evaristo-toni-morrison-du-bresil-militante-afro-bresilienne/

Les illustrations de Lucia Hiratsuka accompagnent délicatement et très poétiquement les mémoires de la Favela. Je vous invite également à la découvrir :
http://www.anacaona.fr/lucia-hiratsuka-illustratrice-la-delicatesse-du-sumi-e/

Astrid Shriqui Garain





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Dans "Banzo, mémoires de la favela", Conceicao Evaristo nous plonge au coeur d'une favela à travers les yeux de Tite-Maria. La jeune fille nous raconte les histoires que les habitants lui comptent ainsi que la vie dans ce quartier, la misère mais aussi la solidarité et l'espoir qui y règnent. J'ai aimé le style poétique de l'auteur et cette lecture en général.
J'ai aussi beaucoup aimé les très jolies illustrations de Lucia Hiratsuka. Merci à Babelio pour cette chouette découverte.
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[...]A travers les yeux curieux et interrogateurs de Tite-Maria, négrillonne observatrice qui aime qu'on lui raconte des histoires tristes, on découvres de nombreux personnages, tous hauts en couleurs, qui peuplent cette favela. Une favela sans lieu ni date. Une favela sortie de la mémoire de Conceição Evaristo. Une favela où règne la misère, la pauvreté et une certaine violence, mais aussi la solidarité entre les habitants. Si Tite-Maria est le témoins à travers lequel nous sont révélés divers destins, elle n'est pas le personnage principal. Ce sont les vies des favelados, habitant de cette favela en passe d'être détruite qui nous sont conté. Ce sont toutes leurs histoires qui se croisent et décroisent dans le dédale des rues étroites de la favela. Tite-Maria observe, écoute, devine, les histoires de Vieille-Maria qui rie « en dedans-elle, pour se cacher, fuir la tristesse », de Maman Joana « une femme triste », de l'Onc'Toto l'homme qui « arriva sain et sauf et seul sur l'autre rive du fleuve », des Ti-macho, de Mémé Rita au coeur énorme, de l'Autre, de Bonté qui n'habite nulle part mais à une place chez tous, de Cidinha-Cidoca qui a perdu la tête, du nègre Alirio qui se bat pour les droits des travailleurs… Les histoires de chacun nous sont conté par bribes, entrecoupé de moments de vie dans la favela : le championnat de football, les grosses peloteuses qui détruisent la favela petit bout par petit bout, la lessive au robinet d'en haut… Une collection d'histoires tristes, de « pierres pointues » que les favelados gardent « au fond du coeur ». Des destins souvent tragiques, toujours touchants qui sont conté avec un incroyable talent par Conceição Evaristo.
Son écriture et très vivante et très poétique à la fois. On sent la favela, on la voit, on voit la misère mais on sent aussi la saudade [...] de favelados, saudade pour cette favela qu'ils vont devoir quitter et qui malgré la misère a été leur refuge, saudade aussi pour un passé douloureux mais riche de rencontres, en souvenirs.

J'ai adoré ce roman et l'écriture de Conaceição Evaristo. Une écriture très particulière qui ne ressemble à aucune autre de mes lectures. Ce que l'auteur appelle elle-même « l'écrit-vie ».
[...]
Que dire de plus ? Lisez-le !!
Lien : http://mapetitemediatheque.f..
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Un deuxième gros coup de coeur après "Vaste monde" de Maria Valéria Rezende ! Absolument superbe !

La favela, personnage-monde
"Quitter la favela, vivre ailleurs… Une autre favela, pourquoi pas ? le sens de la vie apparaîtrait peut-être plus tard ?"
Dans ce récit-mosaïque composé de fragments de vie, de flash-back et d'histoires contées, nous suivons les trajectoires et les destins de plusieurs personnages. Il y a ceux qui souffrent de vivre, ceux qui vivent dans la honte, ceux qui meurt, des jeunes et des moins jeunes. Il y a les rêveurs, les amoureux, les résistants, les personnages solaires, les éducateurs et les visionnaires, comme Maman Joana, Mémé Rita, Bonté ou le Nègre Alirio, qui rendent les situations moins pénibles, par leur présence et leur regard.
Que reste-t-il à Onc' Toto après que la mort s'est invitée plus d'une fois dans sa vie, lui ôtant ses deux premières épouses et son enfant ? Comment retrouver sa vie, sa dignité, lorsqu'on est une femme, une mère, lorsqu'on a découvert l'envers de la misère et osé dérober un bijou chez sa maîtresse – bijou parmi d'autres bijoux, à côté des étoffes, des parfums et autres luxueux cadeaux, lorsqu'on sort tout juste de prison ?
L'amour, l'amitié, la solidarité, l'espoir, l'éducation – moteurs de vie universels – pansent les plaies, apaisent les craintes, permettent de relever la tête. Nul besoin de discours ou de héros. Dans Banzo, les voix et les gestes des favelados en disent suffisamment long.
Au fil des pages, comme une mauvaise ritournelle, le Monstre – le tracteur – poursuit son oeuvre de destruction massive et semble narguer son monde. Les familles reçoivent petit à petit l'ordre de quitter les lieux. Malgré la misère et les désillusions, le déracinement forcé dépasse toutes les souffrances. Aucun ne souhaite partir, ils se connaissent depuis si longtemps… Pour aller où ? Comment reconstruire sa vie ailleurs ? Certains mourront avant… banzo…
Loin du simple décor et des clichés, la favela est un personnage à part entière, dont les histoires passées ou présentes alimentent les joies et les peurs, la réalité et l'imaginaire de ses habitants, emplissent en particulier la vie de Tite-Maria, une des seules enfants noires à aller à l'école et qui nous raconte aujourd'hui.
Les illustrations de Lucia Hiratsuka – magnifiques – saisissent en quelques traits, dégradés d'encre noire (technique du sumi-ê), le vide et le plein caractéristiques de la favela. Instants poétiques de toute beauté, offrant aux lecteurs la possiblité de combler les blancs ou non…

Le pouvoir de l'écriture
Tite-Maria écoute les histoires des grands et se promet de les écrire un jour. Portant un regard à la fois émerveillé, inquiet et lucide sur son environnement, elle laisse ses pensées et ses émotions vagabonder et l'envahir, retenant au plus profond d'elle-même les rires et les pleurs, les lèvres frémissantes des adultes qui se souviennent, les images…. pour ne (surtout) pas oublier. Un acte de résistance déjà ancré en elle, comme pour relayer les adultes dont elle devine qu'ils ne trouveront pas toujours les mots ou n'auront pas l'occasion de les prononcer…
"La vie ne pouvait se résumer à cette misère crevarde. Elle réfléchit, chercha tout au fond de dedans-elle ce qu'elle pouvait faire. Son coeur étouffait, à l'étroit dans sa poitrine.
La pensée surgit, rapide et limpide comme l'éclair : un jour, elle écrirait tout."
En lisant les éléments de biographie qui figurent à la fin du livre, on découvre que l'auteure et sa famille ont été autrefois expulsés de leur favela. Pour autant, Banzo va bien au-delà de la mémoire, ouvre sur d'autres mondes à explorer, encourage à l'écriture…
"Banzo, mémoires de la Favela est une oeuvre de création pouvant être lue comme une fiction de la mémoire. J'insiste sur le fait que la favela qui est décrite dans Banzo n'existe plus. Aujourd'hui, les favelas produisent d'autres mémoires, créent d'autres témoins et inspirent d'autres fictions." (Conceição Evaristo)
Paula Anacaona a fait un travail de traduction remarquable. L'écriture de Conceição Evaristo est puissante, douce et poétique, se fait l'écho d'un peuple, l'écho d'une multitude de peuples dont la parole, les témoignages – l'expression au sens large – ont été longtemps empêchés et le sont encore aujourd'hui…

Lien : http://lecalepindunelectrice..
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Une très belle évocation d'une favela au Brésil.
L'évocation de l'esclavage qui finalement perdure.
L'auteure écrit avec une grande délicatesse, phrases courtes, mots choisis, parfois même des mots inventés.
Les personnages vont et viennent dans ce livre, se croisent, se répètent, évoluent. On ne s'ennuie jamais, même quand revient encore et encore le même lei-motif : les blancs riches d'un côté et les noirs pauvres de l'autre.
on dit que Conceiçao Evaristo est la Toni Morisson du Brésil, et j'en suis d'accord.
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Le nègre, Alirio. Personnage symbolique de la lutte sociale du peuple de la Favela.
Auteure : Conceição Evaristo
Illustratrice : Lucia Hiratsuka
L'éditrice dédie ce livre à toutes les guerrières et à tous les guerriers
Onc'Toto,
Contre les vents et les marées de sa vie, tout au long du roman, il avance.
C'est aussi le narrateur de la vie trépidante des habitants de la favela.
T'tite Maria et mémé Rita
Elle (T'tite Maria) se tut en sachant néanmoins qu'elle irait de l'avant, comme lui (Onc' Toto).
Oui, elle irait de l'avant – et maintenant elle savait quelle serait son arme: l'écriture.
Il y a aussi Cidinha-Cidoca, Bonté, Dora, Ditintha et tous les autres qui vivent dans cette favela en démolition.
Chaque jour, les gros tracteurs avancent dans le ventre de la favela. Personne n'ose se rebeller. Il y a bien Alirio et ses idées révolutionnaires. Il donne l'espoir d'un matin qui chante. L'auteure, Conceição Evaristo décrit au quotidien le parcours des habitants de la favela. C'est une très belle étude de portraits pittoresques. Ils sont touchants et criants de vérité. D'un côté, il y a les pauvres. Chez nous en France, les dirigeants, disent les gens d'en bas. Au Brésil, ce sont pour la grande majorité les enfants d'esclaves. Et puis il y a les riches, ceux qui détiennent les bijoux, les voitures et les beaux habits ! L'histoire ne s'arrête pas là. Elle véhicule par le truchement des personnages des idéaux humanistes. C'est un magnifique texte d'espoir. Il me fait penser aux livres de Toni Morrison.
Banzo, mémoires de la favela (traduit par Paula Anacaona), a été écrit entre 1985/86 dans un contexte de mouvements sociaux au Brésil qui revendique un meilleur traitement pour les afro-descendants et une revalorisation de leur culture et de leurs coutumes. Ce livre devait être publié pour commémorer le centenaire de l'abolition de l'esclavage, mais ne verra finalement pas le jour.

Enfin il voit le jour ! Et c'est tant mieux pour tous les lecteurs dont je fais partie.

Conceição Evaristo, est née en 1946. Elle est la deuxième enfant d'une famille de 9. Dès les premières pages, l'émotion de l'écriture transpire d'authenticité. Bien que l'histoire se déroule dans un contexte dur, l'espoir est bien présent. Il y a de la philosophie dans chaque personnage. Et c'est ainsi que, malgré la noirceur, la lumière apparait à la nouvelle génération. Les mots accompagnent le combat de ces femmes et de ces hommes. Oui ! certains vont relever le défi et s'en sortir. L'auteur en est la preuve. Elle a repris ses études à 50 ans passés, et a obtenu un doctorat en littérature comparée. Son oeuvre est reconnue pour sa valeur éducative, l'Histoire de Poncia est désormais au programme de l'éducation nationale brésilienne. Très engagée politiquement et socialement, Conceição Evaristo est de toutes les luttes pour la défense des femmes et de la culture afro-brésilienne.

je remercie Paula Anacaona qui a crée la maison d'édition INDÉPENDANTE Anacaona. Par l'envoi de ce roman j'ai découvert une auteure et une illustratrice.

Depuis la parution de ce magnifique ouvrage, les élections présidentielles ont porté Lula vainqueur contre l'extrême droite. Hier, l'ancien Président brésilien et icône de la gauche à travers le monde, Luiz Inácio Lula da Silva, a été élu Président, 12 ans après son dernier mandat.

Cette victoire est d'autant plus belle que Lula a passé 580 jours en prison à partir de 2018 pour des faits qui se sont révélés être faux et fomentés de toutes pièces par le camp de Bolsonaro. Cette tactique de « Lawfare » a empêché Lula d'être candidat à l'élection présidentielle de cette année-là et a permis à Bolsonaro de gagner.

À ceci s'ajoutent les nombreux cas hier de barrages routiers illégaux mis en place par la police fédérale des autoroutes du Brésil dans les zones les plus pauvres du nord-est pour empêcher le vote des sympathisants de Lula.

L'extrême-droite, où qu'elle se trouve, est prête à tous les coups bas pour subvertir le processus démocratique.

Sur les plans économique, social et environnemental, le mandat de Bolsonaro a été un véritable désastre pour le Brésil et pour le monde.

Pour aller plus loin La France insoumise.

Claudia
Lien : https://educpop.fr/2022/11/1..
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