Fragment est ce genre de roman calibré pour être adapté par Hollywood, ce qui sera le cas d'ailleurs comme il est indiqué sur le quatrième de couverture. L'intrigue s'en ressent et l'écriture aussi. Je ne compte plus le nombre de « waouh », « cool mon pote » et phrases succinctes se terminant invariablement par « ok » !
Pour faire court, le roman débute avec le tournage d'une émission de tv réalité, baptisée Sea Life et qui va se transformer en catastrophe, lorsque le navire transportant membres d'équipage, équipe tv, figurants et scientifiques va s'approcher d'une petite île perdue, baptisée Henders, pas très loin de Pitcairn, là où s'étaient réfugiés les fameux mutinés de la Bounty.
Sur cette île, séparée d'un ancien grand continent, créatures en tous genres et végétaux ont évolué différemment des autres créatures de notre planète, et représentent un danger bien réel : des bestioles aux formes improbables dont l'unique but est de tuer et se multiplier, de manière accélérée. Un vrai cauchemar ! Entre les fourmis-disques, les spiders-tigres et rats de Henders, sans compter la myriade d'insectes prédateurs et les arbres… qui n'en sont pas ! tout un catalogue de joyeusetés sont réunies sur l'île.
L'auteur se servant à la fois des thèses de
Charles Darwin et de
Stephen Jay Gould, s'en est donné à coeur joie. N'ayant gardé qu'un souvenir fort vague de mes cours de bio, je dois avouer que tout ce jargon scientifique m'a quelque peu lassée car nombreuses sont les discussions entre scientifiques et les comptes rendus des conférences.
Les personnages sont assez nombreux, mais le lecteur suit essentiellement la productrice de l'émission, une caricature dans son genre, Cynthea, le cameraman Zero, la botaniste de charme, Nell, Andy le biologiste un peu stressé, le scientifique bardé de prix,
Thatcher, le décontracté et rebelle Geoffrey, lui aussi biologiste, etc. qui, chacun à leur façon, vont contribuer à faire découvrir les étonnants habitants de cet écosystème unique.
C'est évidemment le point fort du livre, présenter l'hypothèse d'un écosystème inviolé, où l'homme n'aurait eu aucune influence. de même que j'ai bien apprécié les thèses du professeur
Thatcher qui voit en l'humanité un fléau pour les autres espèces. Dommage que l'auteur ne le transforme assez vite en un personnage caricatural et extrémiste. Il y a d'ailleurs plusieurs idées et constats intéressants dans ce roman : l'incapacité de l'homme à vivre en harmonie avec les autres espèces et son corollaire : sa grande capacité de nuisance, le pouvoir des medias, la peur de l'inconnu qui prévaut toujours et les solutions radicales qui en découlent. La fin du roman évoque cependant une possible remise en question plutôt rassurante.
Pour le reste, on trouve les ingrédients communs à ce type d'histoire : l'obstination et l'aveuglement de l''armée, la difficile décision du président des Etats-Unis chargé de sauver la planète à lui tout seul, la rivalité entre scientifiques…
L'imagination de l'auteur est fertile, les descriptions des créatures et organismes vivants de l'île de Henders sont fascinantes (même si pour certaines, j'ai eu un peu de mal à visualiser), de même que les thèses soulevées par Geoffrey (sur la brièveté de la vie humaine, que je vous laisse découvrir) et notamment sur les relations proies/prédateurs. Eclairante aussi, la décision du Président américain. Tous les ingrédients pour un film catastrophe à grand spectacle sont réunis, et le roman navigue entre l'île du docteur Moreau, Rencontre du 3ème type et Jurassic Park.
Pour résumer, je dirai que les deux tiers du roman sont intéressants, puis la dernière partie est un peu bâclée et tourne rapidement à la caricature, de sorte que j'ai eu davantage l'impression de lire un scénario plutôt qu'un roman. Ce que je regrette.
Lien :
http://lectures-au-coin-du-f..