« Nous ne pourrions pas vivre à Paris, Paris n'a pas de clochers, il n'a que des églises. Notre banlieue a le sang de la ville, un aspect province, un versant campagne. Pile : gare, marché, sortie des trains. Face : le parc, les bords de Seine, le bois. Elle n'a rien de drôle, elle est moche. Deux cinémas seulement, deux boîtes à bon Dieu, cinq ou six billards, un ping-pong. Assez pour rire la semaine, mais le dimanche, que voulez-vous qu'on fasse ? »
Cette ville de banlieue, c'est Villeneuve-Saint-Georges, en 1944. Et le personnage principal, Bernard, qui est un jeune homme de dix-sept ans, trouve largement à s'occuper en ces temps troublés, dimanche ou semaine. Il a tout un réseau d'amis, qui, comme lui, sont zazous. Autant dire qu'ils sont dans la révolte encore adolescente : mépris de l'autorité et de la vie étriquée des parents, petits trafics, usage abondant d'alcool et de tabac, sexe, travail épisodique, et seulement s'il permet des contreparties financières en plus du salaire…
La vie, ils veulent en profiter tout de suite. Quitte à se conduire souvent comme des lâches. Il est vrai que les bombardements n'incitent pas à tout remettre au lendemain.
La libération approche, et ces amis, que beaucoup de choses opposent malgré des intérêts communs pour la fête et la musique swing, vont se déchirer. Ils pensaient être à l'écart de la guerre, mais ils vont devoir faire des choix.
Ma note de trois étoiles est un compromis entre le fond, qui à mes yeux souffre de bien des défauts, à commencer par un romantisme adolescent mal digéré, et la forme qui est tout à fait surprenante et personnelle.
C'est un premier roman.
René Fallet le termine en 1946. Il n'a pas encore vingt ans. Il se veut le porte-parole de toute sa génération. Franchement peu attachants ses personnages brillent surtout par leur égoïsme extrême. Les hommes ne sont guère tendres avec les femmes, avec un fond de misogynie très présent. Les femmes sont réduites à des stéréotypes : nunuches ou putains, qu'elles couchent ou pas… La fin m'a parue ratée : on est alors vraiment dans l'excès.
Sur la forme, en revanche, cela a été une lecture réjouissante de bout en bout. de multiples trouvailles dans la narration, des métaphores vraiment sorties de nulle part, parfois même de grandes envolées lyriques à la limite de l'intelligibilité, font de ce roman une surprise perpétuelle. Prometteur dirait-on aujourd'hui.