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EAN : 9782849505564
178 pages
Syllepse (01/06/2017)
4/5   1 notes
Résumé :
Transformer un militant révolutionnaire en icône n’est-ce pas insulter sa mémoire ? Cinquante ans après la mort de Che Guevara, les marchands de posters et de tee-shirts n’y trouvent rien à redire et la figure du guérillero peut continuer à susciter admiration ou fascination sans que beaucoup n’en connaissent réellement la pensée, les engagements ou tout simplement l’itinéraire.
Samuel Farber, l’auteur de ce livre, n’est pas un idolâtre de Che Guevara. ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Qui décide de qui est « dans la révolution » ?

Il est possible de (re)lire de multiples façons les textes de Che Guevara. le plus intéressant me semble, de les contextualiser et de les confronter à d'autres positions radicale ou révolutionnaire, de mesurer ce qu'ils traduisent – ou non- en termes d'émancipation.

Dans son introduction, Samuel Faber parle de l'actualité de Che Guevara, de « puissant symbole pour des milliers de jeunes rebelles et de révolutionnaires du monde entier ».

Le port de t-shirts à son effigie, la commercialisation iconique, me semble relever d'une forme de « culte de la personnalité », malgré la signification donnée par certain-e-s. Il en est de même de ces portraits sur des banderoles, des oriflammes… Si des écrits peuvent être analysés et contextualisés, que dire d'une photo ou d'un portrait !

L'auteur revient sur la révolution cubaine, les différents courants politiques, l'itinéraire de Che Guevara. Il indique, en référence aux positions anticapitalistes et antibureaucratiques, « c'est de ce point de vue que j'examine dans ce livre les idées et la pratique politique de Che Guevara. Je le fais en étant convaincu que le socialisme et la démocratie sont des conditions nécessaires à la concrétisation de ces aspirations révolutionnaires ». Au coeur de la perspective de Samuel Faber, une conception de la démocratie socialiste « dans laquelle les institutions sont conçues pour assurer le contrôle de la majorité sur les sources principales du pouvoir économique, social et politique, tant au plan local que national ». L'auteur ajoute, et cela me semble très important, « le socialisme doit être basé sur la mobilisation de la population auto-organisée et la loi de la majorité doit être complétée par des droits et des libertés civiques pour les minorités ».

Années 20 et la révolution russe, années 60 et la révolution cubaine. Une question reste centrale, la relation entre révolution et démocratie, l'auto-organisation des populations ou le parti auto-proclamé dirigeant, le socialisme possible ou les caricatures d'un état confisqué par un groupe social. Et, les perspectives de l'icône barbue sont « irrémédiablement non-démocratiques ». le révolutionnaire « partagera jusqu'à la fin de sa vie la conception monolithique du socialisme soviétique de l'État à parti unique ».

Samuel Faber souligne, entre autres, le volontarisme extreme de Che Guevara, sa conception monolithique du socialisme ou de l'égalité économique, la place (non)-laissée aux notions de contrôle ouvrier ou d'autogestion, l'exclusion de toute idée de « pouvoir populaire autonome » et d'institutions de démocratie socialiste, le mépris pour les libertés politiques et le droit. Une orientation révolutionnaire de renversement du capitalisme sans auto-émancipation des salarié-e-s et des populations…

L'auteur discute longuement de « Révolution, socialisme et démocratie », de conceptions et de luttes politiques, de pratiques et de politiques révolutionnaires, de débats et de pratiques du parti bolchévique, de cette question toujours posée historiquement et dans des contextes différents : « Que faire ? »

Son livre est divisé en quatre chapitres :

« le chapitre 1 traite de l'éducation politique de Che Guevara en Argentine et de la façon dont certaines valeurs et convictions de sa jeunesse ont influencé ses conceptions après qu'il soit devenu un communiste indépendant au Guatemala en 1954.

Le chapitre 2 est essentiellement centré sur les perspectives révolutionnaires de Che Guevara telles qu'il les a exprimées et mises en pratique dans la guerre de guérilla à Cuba, au Congo et en Bolivie.

Le chapitre 3 étudie l'action de Che Guevara comme dirigeant politique et comme homme d'État après la victoire de la révolution à Cuba, en accordant une attention particulière à la question de la démocratie dans une société socialiste ; ce chapitre comporte une critique détaillée de son oeuvre théorique principale, le Socialisme et l'homme à Cuba.

Le chapitre 4 discute en détail des idées de Che Guevara sur l'économie politique et sur le débat qui a traversé les différents groupes du gouvernement cubain (ainsi qu'au sein de nombreux groupes à l'étranger) à propos des méthodes de planification économique, des stimulants matériels et de la pertinence de la loi de la valeur dans une société socialiste ».

Il m'a semblé important de commencer par pointer des dimensions clés du livre, à l'heure du retour de leaders et de groupes peu soucieux de favoriser l'expression et l'organisation directe des salarié-e-s et des citoyen-ne-s, du déni de la démocratie et des droits des minorités, de l'oubli des rapports sociaux de sexe et de racisation, ou de la place de l'impérialisme – comme celui de l'Etat français – dans la mondialisation néolibérale…

Samuel Faber revient sur le parcours d'Ernesto Guevara, la formation de sa pensée politique, les rencontres et les expériences qui participent de la construction des idées. Il insiste notamment sur son « égalitarisme », son « opposition aux privilèges », sur la dimension de « sacrifice personnel », sur le « volontarisme » ou l'« ascétisme ».

Un « communiste indépendant », un « statut d'icône et de symbole de la rébellion », un ardent partisan « de la propagation de la révolution »… Et un certain silence, ou des regards détournés, sur le peu de place accordé « aux différences entre individus et aux droits individuels », sur les contradictions ou les interactions entre « les conditions objectives et les conditions subjectives » qui rendent possible l'élaboration de stratégies politiques…

L'auteur analyse certains éléments de la situation cubaine avant et après la révolution, les programmes politiques et les alliances sociales, la guerre de guérilla, « la sierra et le llano », les « plans grandioses et irréalistes », l'indifférence à l'égard « des contextes politiques particuliers », l'inefficacité bureaucratique, l'exercice du pouvoir, la puissance du « nationalisme anti-impérialiste », la (non) place des débats démocratiques et des élections ou de l'auto-organisation, l'alliance avec l'URSS, la domestication des organisations syndicales et l'alignement de leur rôle sur l'exemple soviétique, la non-représentation autonome de la classe ouvrière, les grèves et le refus de négociation avec les travailleurs et travailleuses, les prérogatives des « directions nommées par le gouvernement »…

« Si l'on pense la démocratie socialiste comme une société où l'immense majorité de la population contrôle les principales sources du pouvoir économique, social et politique et comme une véritable démocratie participative reposant sur l'auto-organisation populaire, alors il n'y a aucun doute que le règne de la majorité devra être complétée par des droits démocratiques étendus et d'amples droits pour les minorités. Il ne peut y avoir de véritable démocratie socialiste – et en ce sens des progrès et des avancées – si les dissidences individuelles et des minorités sont réduites au silence et à l'alignement et empêchées par la contrainte de devenir d'éventuelles nouvelles majorités »

L'auteur aborde donc les libertés civiles et démocratiques (individuelles et collectives), la liberté de la presse, le système judiciaire et les procédures sommaires, le camp de travail pour « des délits non prévus par la loi », les punitions administratives et extrajudiciaires, des formes de répression possibles contre les agissements subversifs et les actions violentes, le contrôle démocratique de l'économie et de la société…

Je souligne son décryptage du livre « le socialisme et l'homme à Cuba », du sacrifice individuel pour un bien collectif abstrait ne laissant pas de place à « l'épanouissement, à l'expression et à la liberté individuels ». Samuel Faber critique l'oubli des rapports de dominations, les histoires de « morale », le système à prétention démocratique, l'absence de représentions sociales et politiques autonomes (en référence à la commune de Paris, il revient sur les processus de décisions collectives « les pouvoirs populaires délibératif, législatif et exécutif à la base »), les conceptions élitistes, l'oubli que « l'éducateur doit être éduqué », la prédominance de la « société » aux dépens des individus, l'unité fantasmé du « peuple cubain », le monopole du pouvoir du Parti communiste…

Samuel Faber analyse aussi certaines conceptions de l'internationalisme, la guerre de guérilla au Congo sans base sociale, la guérilla en Bolivie sans soutien de la paysannerie, « le fossé existant entre son groupe et la paysannerie locale », une « extériorité hiérarchique avec la paysannerie », les questions des rapports sociaux de classe dans la guerre de guérilla, l'avant-gardisme…

Il traite des positions économiques de Che Guevara, des « stimulants » matériels et moraux ou politiques, de l'absence de mécanismes institutionnels et de débats démocratiques sur les priorités économiques et politiques, de la planification et de l'autogestion, de la « loi de la valeur », de la bureaucratie, du « contrôle directorial sur la force de travail », des choix économiques volontaristes et répressifs…

L'auteur termine sur quelques caractéristiques de la révolution cubaine, le soutien populaire considérable « en raison de son contenu nationaliste et anti-impérialiste », de l'amélioration des conditions matérielles de vie (« un généreux Etat-providence ») jusqu'à… Il n'oublie cependant pas la répression de toute forme d'autonomie organisationnelle et d'opposition.

En forme de préface à l'édition française, Samuel Faber propos un dernier texte sur « La signification de la mort de Fidel Castro ». Il revient, entre autres, sur le « train-train communiste », les prisonniers politiques, la détérioration du niveau de vie, l'approvisionnement en nourriture dépendant pour plus de cinquante pour cent de l'étranger, le règne de l'Etat à parti unique avec une ouverture aux entreprises privées et au marché… Et le pensable en termes d'alternative émancipatrices.

Reste encore et encore à réaffirmer « la nécessité d'un processus politique qui rassemble et articule les questions de la révolution, du socialisme et de la démocratie ». J'ajoute prenant en compte l'ensemble des rapports sociaux et conjuguant liberté et égalité…
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Cette année soixante-sept nous apporta une immense douleur: la mort de Che Guevara capturé et assassiné dans les maquis boliviens. Il mourut dignement, et nous savons, à travers son Journal, toutes les souffrances qu'il a endurées dans le maquis bolivien, luttant à la fois contre l'armée de Barrientos, la CIA et les traîtres.(1) Pourquoi tant d'engouement, voire de dévotion à l'icône du Che, notamment le fameux portrait de Che avec le béret et l'étoile rouge fait par Korda. Ce portrait, tiré à des millions d'exemplaires, symbolise aussi bien en Occident que dans les pays du Sud la résistance, le combat propre, l'abnégation. Son effigie de héros populaire a acquis, depuis une quarantaine d'années, l'aura d'une icône. Quelque 20 millions de personnes à travers le monde posséderaient un tee-shirt à l'image du «rebelle éternel
Les années soixante-dix virent s'installer progressivement la fin des illusions de millions de jeunes qui avaient cru changer le monde. C'était compter sans l'impérialisme américain et le goulag russe qui ne voulaient pas entendre parler de perturbateurs. On pense d'ailleurs que le Che a été lâché par Castro sur ordre des Soviétiques, en l'occurrence de Kossyguine qui venait de conclure avec Lyndon Johnson un pacte de «coexistence pacifique». On vit alors des combats sans issue, comme celui d'Allende.
Qui est vraiment Che Guevara?
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Si l’on pense la démocratie socialiste comme une société où l’immense majorité de la population contrôle les principales sources du pouvoir économique, social et politique et comme une véritable démocratie participative reposant sur l’auto-organisation populaire, alors il n’y a aucun doute que le règne de la majorité devra être complétée par des droits démocratiques étendus et d’amples droits pour les minorités. Il ne peut y avoir de véritable démocratie socialiste – et en ce sens des progrès et des avancées – si les dissidences individuelles et des minorités sont réduites au silence et à l’alignement et empêchées par la contrainte de devenir d’éventuelles nouvelles majorités
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