Le Moulin de la Galette où, il n'y a pas si longtemps, on débitait encore de la galette, et le Moulin Rouge, avant leur colonisation par des nègres sans exotisme, des Russes sans Russie, des peintres sans talent ni palette ni chevalet, des politiciens sans parti et des voyous sans occasions, ont été réellement habités par des artistes, au premier rang desquels il faut mettre Lautrec, et Maurice Utrillo, un des imagiers les plus vrais de Montmartre, le peintre d'histoire de cette Butte qui se présente aujourd'hui aux cervelles étonnées de nos futurs bacheliers avec tout le charme et le mystère de l’Égypte des Pharaons.
Ce quartier là n'est pas seulement la fleur à la boutonnière de Paris, mais l'honneur de l'humanité !
On vivait dans un monde qui tenait à la fois de Watteau et d'un jour de Mi-Carême.
Nous serons bientôt obligés d'inventer des centenaires pour rappeler aux mémoires parisiennes l'existence de ces quartiers qui disparaissent.
Et nous sommes là entre nous, les vivants et les morts, exécutant notre devoir d'exister, sevrés d'élans, vers le vide des convenances et des menaces ...
Steinlen fut sacré citoyen de Montmartre.
Il couchait jadis au Chat Noir avec Bruant et Jules Jouy, car le Chat Noir était connu à cette époque comme asile de nuit autant que comme cabaret.
Tel Jésus entre deux larrons, le Sacré-Cœur se dresse entre le Moulin de la Galette et le Moulin Rouge.
Il y a les clients de passage et les habitants de toujours ...
Des trains qui ont la longueur d'un instant de cafard ...
Des fenêtres fermées sur des misères violentes, des boutiques pour lesquelles le métro aérien imite Wagner et Zeus, des garnis lourds et bruns comme des algues ...