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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Afin d'éviter de croupir dans une geôle au coeur du Sahara pour avoir déserté, avec l'aide, très précieuse et insistante, de sa mère, Zina, installée en France, qui s'est bien assurée de salir la réputation de sa belle-fille, de son frère qui réglera les détails, le fils, marié à Khadija et père de quatre enfants, fuit son pays. À bord du bateau qui les emmène loin de chez eux, l'aîné, Samir, est bien le seul à croire à l'enchantement de ce nouveau départ, les jumelles, du haut de leurs trois ans, ont l'impression d'assister à un spectacle et le dernier né, âgé de quelques semaines, n'aura, évidemment, aucun souvenir des événements. Installé à Sarcelles, dorénavant associé d'un pressing, le père trouve une nouvelle épouse, une vendeuse en boulangerie. Une Française, ce qui est loin de plaire à Zina. Il lui fera, très vite, un enfant. Pour avoir la paix. S'il se désintéresse du dernier né comme des autres, Samir, lui, commence aussitôt à maudire ce bâtard...

Avec beaucoup de sensibilité, de pudeur et de recul, maintenant que nombre d'années sont passées et qu'il a coupé depuis longtemps les ponts avec sa famille, Alexandre Feraga, le petit dernier de cette fratrie, revient sur son enfance et celle de Samir, qui l'aura détesté, malmené, maltraité, humilié... et essaie de comprendre comment deux frères ont pu, ainsi, suivre des chemins diamétralement opposés. L'un se tournera vers les autres et deviendra écrivain tandis que l'autre, nourri à l'indifférence d'un père, à une certaine colère et jalousie, se radicalisera et trouvera la mort en Afghanistan. Ce récit est aussi celui d'un père, Mohammed, totalement défaillant, indifférent à ses enfants, alcoolique, violent parfois, lâche et taiseux, soumis non pas à ses femmes mais à sa mère. Un père incapable de tendresse que ses propres enfants finiront par détester et mépriser. C'est aussi celui d'une mère effacée, en retrait. D'une grand-mère égoïste, retorse et lâche. Alexandre Feraga décortique, analyse son passé, tente de comprendre le comportement de Samir. Cette confession intime et poignante, bien que tragique, rend également hommage au pouvoir des mots, de l'imagination. La plume, tour à tour sensible et révoltée, sonne incroyablement juste.
Un récit déchirant...
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C'est un drame qui lance le roman : les enfants de Khadidja sont ravis à leur mère et acheminés vers la France avec leur père, pour être accueillis par Zina la grand mère. Ils sont jeunes, mais pas suffisamment pour que cette rupture ne laisse pas de traces. Samir ne s'en remettra jamais, vouant une haine féroce pour le demi-frère que sa belle mère mettra au monde quelques années plus tard. Objet de tourments permanents, c'est lui qui conte cette histoire.
Le père qui a laissé ce rapt se faire par l'entremise de sa machiavélique mère est une enveloppe vide, un personnage centré sur les paradis artificiels que l'alcool ou les jeux peuvent lui procurer. L'existence des enfants au mieux l'indiffère, au pire le conduit à des accès de violence inimaginables.

Que peut-il advenir de jeunes enfants qui ont grandi sur un tel socle ?

Il semble que le narrateur s'en soit plutôt bien sorti; on ne saura rien des jumelles mais pour Samir, la voie est toute tracée…

Roman noir, autobiographique, qui met en évidence les caprices du destin, qui à partir d'une situation donnée peut déboucher suer le pire ou le meilleur.

Les scènes sont empreintes de violence, parfois à la limite du supportable d'autant que'on se demande si l'on a atteint le fond ou si pire est encore possible.

Témoignage percutant de ce que la douleur peut entrainer chez les hommes, le roman est poignant. Si le dénouement, attendu, est terrible, il est aussi un soulagement.


256 pages Flammarion 11 janvier 2023
Sélection prix orange 2023

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Moi et mon frère, bourreau et martyr

Il aura fallu plusieurs romans à Alexandre Feraga avant de se sentir prêt à raconter son histoire et celle de son frère mort en Afghanistan. Un frère qui l'a longtemps martyrisé avant d'être happé par les intégristes musulmans. Un récit âpre, violent, sans concessions.

Ce roman s'ouvre sur une scène forte, celle d'un rapt. Un homme fait monter ses quatre enfants sur un bateau à destination de la France. Nous sommes en 1975 et, en vertu de la politique de regroupement familial, il peut rejoindre ses parents qui ont émigré vers la France. Mais il laisse Khadija, la mère des enfants, derrière lui. Un plan machiavélique conçu par Zina, sa mère soucieuse de le voir auprès d'elle.
En France, il ne va pas tarder à trouver une épouse qui succombe à «ses boucles brunes, son visage rond, sa bonhomie affichée en public, ses longs cils et sa manière de fumer ses cigarettes». Elle est non seulement prête à accueillir sa progéniture, ayant elle-même déjà un enfant, mais aussi à agrandir la famille recomposée. le narrateur naît en avril 1979: «L'homme qui a arraché quatre enfants à leur mère est mon père. Je suis né de sa fuite quatre ans plus tard, en France. Comme si faire quatre orphelins ne suffisait pas. Cet homme a récidivé sur un autre continent, dans un décor différent. À l'heure de ma naissance, il ne se montre pas plus concerné par ma venue que par l'éducation des quatre enfants dérobés. En ce matin d'avril, je suis une péripétie de plus.» Une péripétie qui ne va pas tarder à sentir qu'il n'est pas le bienvenu dans la fratrie. Ses trois demi-frères, menés par Samir, l'aîné, vont lui faire sentir par des coups et agressions, des violences physiques et morales quasi quotidiennes. Pour y échapper, il va chercher des cachettes et finir par trouver un placard qu'il pourra investir avec une lampe frontale et un livre. «Je peuplais le placard de centaures, de licornes, de dragons, de toutes les créatures fantastiques que mes premières lectures avaient mis à ma disposition. Il me suffisait de les convoquer pour qu'elles accourent et dansent sur les parois sombres de mon refuge. Des personnages comme Huckelberry Finn, Nils Holgerson ou Jim Hawkins venaient à ma rescousse. Ils étaient mes frères véritables, pas une ligne de leurs aventures ne me trahissait jamais.» Ce sont ses compagnons d'infortune qui vont lui permettre de résister. Quand dans les pires situations, il peut faire appel à son imaginaire et à ses héros.
Mais la situation familiale ne s'améliore pas, bien au contraire. Son père se noie dans le jeu, l'alcool et les dettes, si bien qu'il lui faut quitter leur maison de Montsoult pour la petite villa de Méru dans l'Oise que lui ont laissé ses parents, retournés vivre en Algérie. «Je garde de ce jour un fort sentiment d'injustice. J'abandonnais des amitiés qui m'avaient aidé à supporter la fureur de Samir et les dysfonctionnements du père. Sans eux, je ne savais pas comment j'allais pouvoir affronter la suite de la débâcle. Une image ne m'a pas quitté: mes soeurs côte à côte sur le trottoir nous faisant des signes de la main. Elles étaient en larmes, des sacs de vêtements bourrés à la hâte encerclaient leurs chevilles. Elles avaient fini par se taire, la voix coupée par la cruauté. Pendant que nous les abandonnions, les jumelles, elles, se tenaient par les épaules. »
Pendant ce temps, Kadhija dépérit. Elle a cessé de croire au retour de son homme et celle de revoir jamais ses enfants.
Sans pouvoir y répondre, l'auteur pose la question des traumatismes qui conduisent à des destins diamétralement opposés. Comment les deux frères ont-ils pu basculer chacun dans la délinquance, la violence et l'intégrisme pour l'un et dans l'écoute et l'ouverture aux autres – Alexandre va s'occuper d'enfants handicapés – pour le second? Peut-être que leur rapport à ce père défaillant éclaire un peu cette interrogation.

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Algérie-1975- Enlèvement par le père et la famille des 4 enfants à la mère (Khadija)," comme si faire disparaitre ses quatre enfants sous ses yeux n'était pas le tour le plus violent qu'on puisse jouer à une mère. Comme si le drame familial en cours ne le concernait pas vraiment". Tout a été manigancé par Zina, la grand-mère. La famille se retrouve en France; Zina trouvera une femme ,une épouse au père qui a déjà un garçon. de leur union naitra Alexandre.
On va suivre, le petit garçon, 3 ans, Samir qui se posera beaucoup de questions, qui subira. Il en voudra à la terre entière: "il a cumulé si peu de tendresse en lui, qu'en concéder est au-dessus de ses forces. Cela reviendrait à épuiser ses maigres réserves. Il commence donc à me maudire".
Samir deviendra, extrêmement violent, méchant envers son demi-frère.
Les parents ne disent rien, ne savent pas éduquer , le père est alcoolique, absent, sans sentiment; la mère est aussi absente, ne sait pas donner de tendresse.
Comment se construire et réussir dans la vie avec une famille pareille.
Le seul moyen de communiquer est la violence.
Samir fera les mauvais chois , les mauvaises rencontres pour aller jusqu'à la radicalisation.
Quelle souffrance dans ce témoignage. Une vie sans amour, une vie de haine, de colère qui le mènera vers les milieux islamistes.
Et puis Alexandre qui ne sera pas plus aimé et reconnu par ses parents mais qui choisira une autre direction pour survivre qui sera le chemin de l'écriture.
Une vie sans amour, sans reconnaissance, sans tendresse fait des ravages.
Un roman dur, violent, poignant mais aussi plein d'espoir.
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Si je n'avais qu'un conseil sur ce livre, ce serait de ne pas lire la quatrième au risque de vous fourvoyer sur son contenu. Ce livre c'est la chronique d'un désastre annoncé, l'itinéraire d'une enfance fracassée.
L'histoire d'une fratrie déracinée et arrachée à leur mère. L'histoire de deux frères entre qui tout amour est impossible. Deux frères et une même douleur dont le seul lien est un père mal aimant et méprisant, incapable d'affection ou de mots. Deux frères et deux trajectoire opposées, deux destins à jamais brisés.
.
Quelle est l'origine de la violence? de la cruauté? Comment une même souffrance peut elle produire des effets à ce point opposés? Comment un frère peut il devenir le bourreau de l'autre et faire de sa vie un enfer ? Comment cette petite victime peut elle trouver la force de survivre, d'avancer, de s'en sortir?
Dans ce roman autobiographique, l'auteur livre des hypothèses à ces questions avec sensibilité et sans auto apitoiement. Il se livre aussi, dévoile ses souffrances terribles dans un récit touchant et bouleversant.
Un récit aussi percutant que révoltant et pourtant rempli d'espoir. A découvrir
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A l'origine de ce roman autobiographique, il y a Samir ce frère radicalisé, mort dans un camp d'entraînement en Afghanistan au début des années 2000. A l'âge de trois ans, Samir avait été arraché à sa mère et à l'Algérie pour venir s'installer à Sarcelles avec son père et ses frère et soeurs.

Pour Alexandre, l'auteur, né en France quelques années plus tard d'une mère française, Samir était à l'époque un demi-frère tortionnaire qui défoulait sa colère sur lui sous l'oeil indifférent de leurs parents. Alexandre, malgré tous ses efforts, n'est jamais parvenu à retenir le regard de son père, à se rapprocher de lui, il a passé son enfance à attendre désespérément l'affection de ses parents.

Ce roman autobiographique est très dur et très émouvant, c'est le récit d'une enfance au sein d'une famille violente et indifférente. Alexandre a grandi dans une misère des sentiments et une carence affective effroyables, objet de la haine de son frère aîné, auprès d'un père autoritaire, négligent, alcoolique et absent et d'une mère soumise.
Le destin de Samir est particulièrement tragique, il a été arraché à sa mère, à ses racines et à sa culture avec son frère et ses deux soeurs pour satisfaire les délires de leur grand-mère paternelle qui voulait faire disparaitre leur mère du paysage familial. Au sein d'une famille foncièrement nocive, Alexandre et ses frères et soeurs ont enduré une vie de solitude et de souffrance, Alexandre trouvait refuge dans son placard avec ses livres réussissant à se soustraire au réel dans les moments d'extrême violence en se racontant des histoires, Samir trouvait refuge dans la violence avant de tomber entre les mains d'un homme qui a su exploiter ses blessures. Tombé sous l'influence de cet homme il s'est laissé endoctriner au point de partir en Afghanistan où il a trouvé la mort.
Le rapprochement par-delà la mort avec un frère haï, la possibilité de parler de ce frère après avoir caché son histoire familiale à son entourage pendant vingt ans, les chapitres poignants consacrés à Khadija, mère des demi-frères et soeurs de l'auteur, rendent ce roman particulièrement attachant. " Entre nous, il n'y aura jamais eu qu'un père qui n'en fut pas un."
Le roman est centré sur Samir, seul membre de la fratrie de l'auteur dont le prénom est donné, un "frère impossible" qui n'a pas eu la chance d'Alexandre d'être sauvé par les livres et l'écriture. "Entre le bois et l'écorce, c'est là où je vis la plupart du temps. L'écriture est ma forêt."
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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« La littérature est là aussi pour combler les vides, les zones d'ombre de notre enfance et de notre adolescence. » déclarait Alexandre Feraga à Ouest-France en 2019.

Un récit peut nous aider à comprendre notre monde, même s'il est romancé (en réalité, j'aurais tendance à écrire "surtout" s'il est romancé, mais cela demanderait un exposé qui serait trop long ici).

Ce roman autobiographique nous plonge dans une famille gravitant autour d'un père violent et alcoolique. Cet homme a abandonné la mère de ses quatre premiers enfants avec lesquels il est soudain parti d'Annaba pour aller vivre en France. Arrivé dans la région parisienne, il s'est remarié et a eu un cinquième enfant : Alexandre, l'auteur.

Parmi les sept personnages ainsi réunis par leur lien avec le père, on n'en présente que trois : Samir, le fils aîné, Khadija, la mère abandonnée en Algérie et Alexandre, le jeune demi-frère de Samir. Tout particulièrement, le roman décrit la relation entre les deux garçons. Cela commence par une humiliation permanente, un harcèlement jaloux : Samir est craint partout où il intervient (famille, école, quartier, ...). À dessein, les prénoms des autres personnages ne sont pas donnés, en particulier celui du père.

Alexandre passe de la crainte à l'admiration pour Samir, car ce dernier est celui qui ose nommer et affronter la dérive alcoolique et brutale du père. Fragiles et sans le refuge familial qui aurait pu leur servir de repère, les deux jeunes hommes se laissent successivement séduire par des prosélytes musulmans. Mais, tandis qu'Alexandre s'en éloigne au bout de quelques mois, Samir, lui, s'engage à fond et se donne littéralement "à corps perdu" à la cause de ses frères.

On perçoit les difficultés qu'a rencontrées l'auteur pour revenir sur son passé en s'efforçant à le décrire avec une distance suffisante pour ne pas tomber dans des lamentations stériles. Alexandre occulte volontairement toute la partie de sa vie qui a suivi le départ de Samir. Pas un mot pour la femme qu'il a rencontrée, pas une ligne sur son insertion sociale apparemment réussie malgré le terrible handicap que constituait le milieu familial de son enfance. Tout le roman est concentré sur la description de l'attente d'attention, d'égard et, pour tout dire, d'amour de la part des fils. Alexandre sera déçu à vie par le mélange dramatique de violence et d'indifférence que personnifie son père ; mais, sans s'engager sur le chemin pris par Samir, il puisera dans sa relation avec ce dernier des raisons de résister et de vivre.

Roman dur. Roman attachant. Roman dérangeant. Roman de notre temps...
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