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Critique de Dionysos89


Mapuche, un peuple perdu aux confins du Chili et de l'Argentine. Après l'Afrique du Sud de Zulu et les Maori dans Utu et Haka, Caryl Férey nous propose une nouvelle plongée sociale à l'orée d'une peuplade opprimée pour y modeler un thriller complexe sans fausse note.

Nous alternons ici entre deux personnages forts, à la vie bien remplie, pour leur plus grand malheur ; en effet, ce sont tous deux des rescapés, des survivants. La crise économique et ses conséquences, les régimes autoritaires et leurs carabiniers : les causes douloureuses ne manquent pas. Sombre indienne du fin fond de l'Argentine, Jana côtoie les travestis, a fait le trottoir et tente de lancer sa carrière de sculptrice avec difficulté ; détective au passé douloureux, Ruben Calderon a le goût de l'illégal et du crasseux. Malgré leurs habitudes et leurs modes de vie, ces deux là démarrent, quand ils se rencontrent, une chevauchée meurtrière de haute volée.
Caryl Férey nous propose trois parties très tranchées : une présentation glauque et flippante des bas-fonds argentins (« Petite soeur »), puis une enquête débridée nous mettant face aux plus grandes barbaries (« le Cahier triste »), et enfin un road-trip mortellement sanglant (« Kulan – la Femme terrible »). C'est non seulement l'occasion de rencontrer une violence à l'état pur avec des descriptions parfois très crues, quelquefois gores aussi, mais également de contempler avec un certain fatalisme l'incroyable prégnance de l'histoire dans notre psychologie, elle circule à fleur à peau de notre existence et influe sur notre réflexion de tous les jours.
Certains lecteurs n'adhèreront peut-être pas à la quête de liberté et de vérité de ce casting distordu, tout comme ils pourraient tout aussi bien s'étonner de l'insistance faite à la description cabossée de Jana. Or, finalement, les défauts physiques et « moraux » de Jana sont bien peu de choses face à ses réflexes affectifs et instinctifs. Et c'est bien là le fond de cet ouvrage : c'est se raccrocher à des souvenirs perdus, à une famille, à un rêve, à un amour naissant qui nous fait nous construire un peu plus.

Mapuche est donc un très bon thriller social, nourri de la verve foisonnante de Caryl Férey et de son goût prononcé pour le passé historique récent qui rejaillit inopinément : en effet, au pays du tango, mettez vos Mapuches, il pleut des coups d'État. L'ensemble est porté par des personnages entiers, dont une héroïne singulière ; et c'est cette figure de la femme argentine, bafouée mais battante, qui soutient le récit. Elle est belle, elle est rebelle, elle est Mapuche.

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