Les Amazones

Les Indiens sont des gens discrets et effacés. A ce propos je n'utiliserai pas dans ces pages le terme d'"Amérindiens", relativement récents. Il nous a été attribué par des Blancs bien intentionnés, de manière à faire valoir que nous étions les premiers habitants du continent qu'ils nous ont pris. De beaux esprits qui semblent soulager leur conscience en admettant, tacitement ou expressément, que nous sommes les victimes d'un génocide et d'un vol généralisé.

Ces mythes ont été créés par les hommes dans le but de réduire les femmes à la passivité, à la soumission, car, dans le fond, notre force leur inspire la crainte.

- [...] Il y a des années que, dans les plaines, on me raconte des histoires de camps indiens par des nuits sans lune, peuplés de morts uniquement. Des hommes, des femmes, des enfants...

…c’était la deuxième fois depuis mon arrivée dans les plaines, un an et demi plus tôt, que je me trouvais parmi des personnes dites civilisées. Je m’étonne de constater à quel point l’expérience, à plus forte raison quand elle nous éloigne de nous-mêmes, influe sur la façon dont nous voyons les choses Mesoke).

Cette terre a subvenu aux besoins des natifs, sans qu'ils éprouvent la nécessité de l'altérer, la dégrader, l'abimer de quelque façon.

Quel bénéfice l'humanité a-t-elle tiré de ses guerres incessantes ? Que nous ont-elles jamais apporté, à part la mort, la souffrance et le chaos ? La paix et l'harmonie entre les peuples ne sont-elles pas notre but ultime ?

Je crois à une sorte de mémoire génétique, transmise de génération en génération. Nous sommes mus par les mêmes dispositions neurologiques, la même alchimie qui leur a permis de s'aimer, de se respecter.

Notre troupe de Cheyennes et d’Arapahos s’est donc remise en route avec notre petite famille, réunie sous l’autorité de notre distinguée chef de guerre Pretty Nose. Par famille, j’entends notre directeur de conscience, l’aumônier mennonite Christian Goodman, sa femme, la Norvégienne Astrid Norstegard, et Lulu Larue, notre comédienne et danseuse française. Également la Mexicaine Maria Gálvez, qui a du sang indien et la peau basanée par ces mois passés au soleil, si bien qu’on la confondrait aisément avec une Indienne. Nous comptons bien sûr Carolyn Metcalf, ancienne femme de pasteur, originaire de Kankakee, dans l’Illinois. Martha Atwood Tangle Hair, qui était la meilleure amie de May Dodd, vient comme celle-ci de Chicago. Enfin, Euphemia Washington, esclave fugitive, que nous appelons notre princesse africaine et qui se bat comme une vraie Cheyenne. Meggie et Susie ayant disparu, Martha et Phemie sont les seules qui restent du premier contingent de Blanches envoyées dans ces plaines. Parmi ces dernières, beaucoup avaient renoncé au dernier moment, et puis il y a celles qui n’ont pas survécu…

"Dans notre groupe, nous nous regardions les uns les autres, incrédules, troublés ou effrayés. J'ai senti un étrange fourmillement me parcourir le dos, et je n'étais certainement pas la seule."

Martha apparaît dans le cercle des danses, le visage peint, les paupières cernées de rouge, vêtu de jambières, de mocassins et d'une tunique de guerrière ornée de différents totems... A la taille, un couteau à manche de cuir dans un étuide de perles, ... un petit tomahawk... Elle est à la fois superbe et terrifiante... En se relevant, elle détache le vrai scalp du guerrier, attaché à sa ceinture, l'agite en l'air puis pousse un long cri de guerre.