Citations sur Le papillon de Siam (26)
Même dans une cage dorée, on ne peut empêcher un papillon de prendre son envol.
Ceux qui ont la chance de voyager le savent, les Français ont fort mauvaise réputation hors de leurs frontières. Ils sont balourds, arrogants, pleins de morgue, donneurs de leçons, rustres, sales, sans-gêne et ne font aucun effort pour apprendre les langues étrangères.
En pénétrant au cœur du pays Khmer par la voie des eaux – le courant est si violent qu’il faut l’habileté de plusieurs rameurs pour parvenir à avancer de quelques milles par jour -, le voyageur est d’emblée fasciné par la civilisation qu’il découvre. La région regorge de richesses séculaires, statues, temples, pagodes, tombeaux nécropoles, souvent en ruine, mais ne demandant qu’à sortir de l’oublie dans lequel le temps les a plongés. Il n’est pas rare que depuis le fleuve on aperçoive, lorsque la pluie tombe en abondance, surgissant tels des fantômes de pierre au-dessus des arbres, la présence de quelque édifice rongé par l’érosion et recouvert de végétation, sur lequel hurlent les singes et chantent les oiseaux.
Le sel de la vie, au fond, est de vivre le jour comme un moine et de connaître le soir la vie dissolue d'un bordel.
Le soir, après avoir partagé le repas avec eux, un dîner composé de fruits, de riz et d'insectes grillés, les deux hommes rendent visite au chef du village. Ce dernier, un vieillard aux dents noires et usées jusqu'aux gencives à force de mâcher du bétel, les reçoit sous un banian gigantesque dont les racines aériennes forment une prison végétale qui le préserve du reste du monde, des hommes comme du soleil et de la pluie. Pour l'apercevoir, il faut soulever des feuilles de palme d'une taille gigantesque. La peau jaune et ridée du vieillard ressemble à celle d'une tortue centenaire, et ses yeux vairons dansent dans leurs orbites comme ceux d'un caméléon. L'homme semble lui même avoir pris racine depuis longtemps tant il fait corps avec l'arbre. Assis en tailleur au pied du banian, il fait corps avec l'arbre, il en gratte l'écorce avec l'ongle de son pouce, noir et dur comme du granit, produisant un son strident.
Dans son rêve, il est allongé sur un lit. Il semble délirant, fiévreux. Apparaît alors une déesse aux longs cheveux noires. A la main, elle tient une coupe d'or remplie de vin parfumé aux épices. La déesse s'approche de lui et porte la coupe aux lèvres du voyageur, le forçant à boire une gorgée améthyste. Ivresse aux senteurs de cardamone, d'anis étoilé et de poivre blanc. Pendant ce court laps de temps où il perd pied avec le réel, les yeux clos et l'âme légère, il semble toucher le paradis, la jouissance, l'extase, comme s'il était en totale harmonie avec le monde.
Enfin, lorsque l'ivresse s'estompe, et qu'il parvient à rouvrir les yeux, c'est pour se rendre compte qu'il est seul. La déesse a disparu, et avec elle la coupe d'or, le vin, ainsi que la paix et la quiétude dans lesquelles baignait son esprit. Seul demeure, volant en spirale au-dessus de sa tête, un papillon de Siam qu'il tente de capturer dans sa main, main qu'un souffle de vent emporte avant qu'il ne puisse l'atteindre.
....Il abhorre la grisaille. Ses rêves éclatent de couleurs : rouge Saturne, jaune d'or, fleur de pêcher, bleu outremer, vert émeraude, indigo, opalin, safran, capucine, grenat, sinople, gorge-de-pigeon, acajou, fauve, havane...
Henri Mouhot, lui, est un voyageur de l'espace, un corps céleste en mouvement, une comète. Il vivra moins longtemps, mais accomplira avec bonheur le voyage d'une vie, la sienne, qui devait être celle d'une étoile filante, le passage d'une météorite éclatant dans sa course folle le planisphère suranné pour recomposer une galaxie nouvelle où sa figure d'explorateur allait éclairer d'un feu nouveau, quoique éphémère, la constellation des grands découvreurs du XIXeme siècle.
Lecteur passionné, il s'évade de la prison du quotidien par la force des voyages intérieurs.
En quelque sorte, le papillon de Siam que vous cherchez depuis si longtemps, ce n'est rien d'autre que vous...