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Citations sur Tribunal d'honneur (10)

N'est-il pas étrange que l'auteur du Concerto pour Violon et de la Sérénade mélancolique ait chéri l'instrument dont les juifs ont acquis la spécialité ? Son faible poids et son maniement facile les séduisent, l'interprète idéal de la tristesse et de la douleur. Sa mobilité en fait le compagnon d'exil qu'on garde à portée de main et qu'on joint au léger bagage pour fuir la maison dévastée. Les peuples nomades, juifs ou tziganes, les tribus persécutées ne s'en séparent jamais. Celui qui est destiné à l'errance l'emporte avec soi, en gage que le malheur n'est pas absolu tant qu'on peut le traduire en musique.

page 195
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"Une belle surprise, reprit Alexandre. Depuis ton dernier séjour, la demeure du poète a été transformée en musée. Tu verras le manuscrit d'Eugène Onéguine."

Eugène Onéguine! Les élèves de l'Ecole connaissaient par cœur ce roman. La vie paisible de Tatiana à la campagne, le rite des confitures avec la vieille nounou, l'arrivée inopinée d'Eugène dans la maison engourdie, l'émoi subit de la jeune fille à l'apparition de l'étranger, les affres du premier amour, la longue lettre qu'elle lui écrit au cours d'une nuit fiévreuse, le dédain moqueur avec lequel il reçoit cet aveu : nous nous récitions ces vers avec la ferveur de notre âge. La froideur d'Onéguine nous paraissait un modèle insurpassable de comportement masculin. Eugène reste indifférent à la confession passionnée de Tatiana, puis il tue en duel, le plus calmement du monde, son meilleur ami, le lyrique et enthousiaste Lenski. Ainsi pensions-nous, faut-il se conduire en méprisant les sentiments et en laissant aux femmes et aux ténors la faiblesse d'héberger un cœur.
Quelque vingt ans après notre sortie de l'Ecole, Tchaïkovski avait tiré, du poème de Pouchkine, son plus bel opéra. Et tout à coup, son ouvrage m'apparut sous un aspect différent. Pouchkine, lui, ne songe à rendre, dans la lettre d'amour de Tatiana, que l'effusion d'une âme innocente.

"Je te reconnus tout de suite,
Soudain, mon cœur battit plus vite
Et je me suis dit : le voilà!".

Plus vite : Tchaïkovski broda sur ces mots une succession de rythmes rapides et haletants confiés aux instruments à vent. Dans cette envolée de triolets à la clarinette et au hautbois, faut-il entendre seulement le chagrin, la plainte de la petite provinciale repoussée par le dandy ? Combien cette lecture, à présent, me paraissait insuffisante ! Il est évident que la Tatiana du compositeur exprime quelque chose de beaucoup plus vaste et poignant que la déconvenue d'un premier amour. A travers son chant s'exhale le désarroi de toutes les femmes que les maléfices du hasard ou leur propre penchant au sacrifice attirent vers un homme incapable par nature de répondre à leur élan.

page 164/165
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Piotr Ilitch Tchaïkovski

"Le français, continua-t-il, est la langue de l'esprit, comme l'italien la langue du cœur, l'anglais la langue du commerce, l'allemand la langue du pouvoir,
- Et le russe demandai-je,
- A vous de le dire monsieur,
- Le russe est la langue de l'âme."

page 296
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Piotr Ilitch Tchaïkovski :

"Ivan Tourgueniev, me voyant un jour à sec, m'invita chez lui, 50, rue de Douai, sur les premières hauteurs de Montmartre. C'est là que Pauline Viardot conservait le manuscrit de Don Giovanni ..... Aujourd'hui, après avoir lu l'Œuvre de Zola, j'aurais un motif supplémentaire de m'intéresser à cette rue. Quel dommage qu'on ne sache pas à quel numéro le peintre avait son atelier.... Je n'aime guère Zola vous savez, l'Assommoir me semble un roman ordurier mais je lui pardonne pour les pages de l'Œuvre où il évoque cette sorte de possession dont le créateur devient l'esclave : "Dès que je saute du lit, le matin, le travail m'empoigne, me cloue à ma table, sans me laisser respirer une bouffée de grand air ....."
"J'ai donc logé quelques jours chez Ivan Tourgueniev et Pauline Viardot, dans ce quartier délicieux où l'on croise les ombres de Berlioz et de Renan, de Georges Sand et de Chopin. Bizet, un autre forçat de l'art, qui habitait au 22, venait en voisin, déjà gravement atteint à la gorge
Absent de Paris pour la première de Carmen, j'ai assisté, un an plus tard, à la reprise, toujours avec Galli-Marié, à l'Opéra Comique. Je tiens Carmen pour le seul opéra contemporain novateur. Mes modestes activités de chroniqueur musical n'ont d'autre mérite que d'avoir prédit, dans un article écrit en 1880, que Carmen deviendrait dans une dizaine d'années l'opéra le plus populaire au monde. C'est cette exemple qui m'a encouragé, dès 1877, quand j'ai commencé Eugène Onéguine, à porter sur la scène des épisodes de la vie de tous les jours. Je précise ces dates, pour que vous ne croyiez pas que je me pare des plumes du paon.

page 298 - (pour les lecteurs de La danseuse de Modiano, la rue de Douai est celle du studio Waker)
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Evêque coadjuteur, deuxième de la hiérarchie après Mgr Isidore, candidat à la succession du métropolite de Saint-Pétersbourg et Novgorod, le Père Georges Terenski n'était parvenu à cette haute position qu'à force de volonté personnelle et d'énergie.
Fils d'un prêtre rural, il gardait de son enfance le souvenir de disettes et d'expédients honteux. Maïokovo était un des villages les plus pauvres d'Ukraine. Où trouver l'argent pour manger ? Par quels moyens survivre ? Trois fils, trois filles et une femme à nourrir pour le pope, à qui la commune prêtait une maison et un champ. Aucun traitement fixe, quelques subsides çà et là, à lui de se débrouiller. Et "se débrouiller" pour le Père Macaire Terenski, consistait à exploiter la crédulité du peuple. Il mettait les sacrements aux enchères : trois kopecks pour la confession, dix pour la communion, quarante pour le baptême. Le prix d'un mariage variait entre deux et cinq roubles, un enterrement coûtait de un à deux roubles. Il refusait l'extrême-onction si on ne lui donnait pas la plus belle oie de la basse-cour ou un cochon de lait.

page 257
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Du marécage et du brouillard surgirent, par décision de Pierre le Grand, des perspectives rectilignes, des façades bleues et vertes, des flèches dorées, des palais solennels, des arcs de triomphe, des propylées monumentaux, qui non seulement s'accordent à l'immensité de l'espace russe, mais équilibrent leurs lignes et leurs couleurs en un tout homogène. Dômes et pointes, péristyles et galeries, frontons et portiques, ce mirage d'une beauté absolue est posé comme une évidence entre le fleuve et les canaux de Saint-Pétersbourg.
A peine descendu du train de Moscou et cahoté dans la voiture qui m'emmenait sur la Perspective au trot rapide deux chevaux du Caucase, je retrouvai intact l'émoi de mes premiers séjours. Quel ravissement une fois de plus!
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- Les Saisons de Tchaïkovski

"Cette œuvre, dis-je, suffirait à écarter un des reproches le plus souvent adressés à Tchaïkovski. On l'accuse de singer l'Occident. Seul un Russe pouvait avoir l'idée d'évoquer son pays d'après les douze mois de l'année. En France, la richesse du sol, le relief des montagnes, le découpage des côtes, la diversité et la mobilité des paysages (je récitais la leçon apprise chez Apraxine) créent une variété d'impressions presque infinie. Alors qu'en Russie où la nature est pauvre, égale sur des centaines de verstes, la plaine couverte d'une végétation uniforme, sans accidents ni surprises, la steppe parsemée d'arbres rares et rabougris, le seul changement est introduit par l'évolution du climat. Mois par mois, on sent la terre bouger, vivre, se renouveler. Un tableau géographique serait d'une monotonie décourageante. Il faut peindre la Russie par ses saisons, dont chacune a ses travaux, ses fêtes, ses plaisirs, ses chants, ses danses. Nul comme Tchaïkovski, dans ces douze miniatures pour piano, n'a réussi à rendre les vicissitudes de chaque mois, les nuances, les reflets, les murmures qui ne sont jamais les mêmes d'une partie de l'année à l'autre ...."

Olga m'interrompit. "Quelle sensibilité exceptionnelle!" fit-elle d'un ton sarcastique.
J'interrogeais Nicolas du regard. Gêné, il bredouilla quelques mots "Elle n'est plus d'accord avec cette musique depuis que ....."
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On n'écrit qu'en s'opposant, pour remédier au scandale d'être exclu. On n'écrit que dans la solitude, la douleur, le défi. Sur une chaise de bois dur, non au fond d'un hamac.

p 562.
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"Condamner le prêtre russe parce qu'il s'enivre et met aux enchères les sacrements , c'est adopter le point de vue des occidentalistes, lesquels déplorent l'ignorance et la bestialité de notre clergé. Soit, notre clergé blanc est ignorant, bestial, il pèche et se souille tous les jours. Jamais, pourtant, il ne songera à prendre son péché pour une bonne action. Son but n'es pas de singer la vertu. Il pèche, et après se repent. Son but est de s'associer aux souffrances du peuple russe, d'endosser les siècles d'innombrables et infinies souffrances et d'humiliations que le peuple russe endure depuis qu'il existe. Abandonné de tous, foulé aux pieds par les conquérants ou accablé par sa propre misère, le moujik reste seul avec le Christ-Consolateur. Le Christ-Sauveur, qui sauve son l'âme du désespoir! "
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L'abus de vodka relève de la plus pure tradition nationale. En vidant quelques verres de plus que la quantité raisonnable, ne marque- t-on pas son attachement à la terre de Rurik ? Pour concilier le prêtre et l'ivrogne, pour mettre sa conscience en repos , le Père Terenski pousse son fauteuil devant la fenêtre , en face de a collégiale , cet édifice blanc et froid , copie d'église européenne . Chaque nouvelle rasade de Gorilka, sa variété préférée , la vodka ukrainienne dont les bouteilles portent sur l'étiquette : "Même les moines en boivent ", le console d'habiter le détestable bâtiment rose et blanc qui sert de résidence au métropolite , et d'avoir sous les yeux la Trinité, cette insulte à la foi orthodoxe. Le patronage du grand-prince de Novgorod, saint Alexandre Nevski, n'épargne pas à la laure la disgrâce d'être une pure émanation de l'Occident, un avant-poste de l'hérésie. A cette pensée, le Père Terenski s'octroie une dernière lampée du breuvage sanctifié par dix siècles de fidélité à Byzance.

page 495 (Livre de poche).
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