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Citations sur Le sermon sur la chute de Rome (216)

Nous ne savons pas, en vérité, ce que sont les mondes. Mais nous pouvons guetter les signes de leur fin. Le déclenchement d’un obturateur dans la lumière de l’été, la main fine d’une jeune femme fatiguée, posée sur celle de son grand-père, ou la voile carrée d’un navire qui entre dans le port d’Hippone, portant avec lui, depuis l’Italie, la nouvelle inconcevable que Rome est tombée.
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Il était certain de ne jamais la revoir. Il ne savait pas qu'il comprendrait bientôt combien ces paroles blessantes débordaient d'amour car personne ne l'avait ni ne l'aimerait jamais comme Judith et, quelques semaines plus tard, dans la nuit de pillage et de sang qui réduirait le monde en cendres, c'est à Judith qu'il penserait et c'est vers elle qu'il se tournerait de nouveau (...).
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(...) Libero en était certain, les gens étaient prêts à payer le prix de la qualité, mais comme il fallait se résigner à vivre à l'heure du tourisme de masse et accueillir également des cohortes de gens fauchés, il était hors de question de se cantonner aux produits de luxe et ils ne devaient pas hésiter à vendre aussi de la merde à vil prix, et Libero savait comment résoudre cette redoutable équation, son frère Sauveur et Virgile Ordioni leur fourniraient du jambon de premier choix, du jambon de trois ans, et des fromages, quelque chose de vraiment exceptionnel, et même de si exceptionnel que quiconque y aurait goûté mettrait la main portefeuille en pleurant de gratitude, et pour le reste, inutile de s'embarrasser avec des produits de seconde zone, les saloperies que vendaient les supermarchés dans leurs rayons terroir, conditionnés dans des filets rustiques frappés de la tête de Maure et parfumés en usine avec des sprays à la farine de châtaigne, autant y aller carrément dans l'ignoble, en toute franchise, sans chichis, avec du cochon chinois, charcuté en Slovaquie, qu'on pourrait refourguer pour une bouchée de pain (...)
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L'homme bâtit sur du sable. Si tu veux étreindre ce qu'il a bâti, tu n'étreins que le vent. Tes mains sont vides et ton coeur affligé. Et si tu aimes le monde, tu périras vec lui. p. 198
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Car il ne s'agissait ici que d'exercer avec une délectation répugnante un pouvoir qui ne se manifestait que dans les caprices de son arbitraire, le pouvoir des minables et des faibles, dont ce type en chemisette était le représentant parfait avec le sourire idiot et suffisant qu'il lui adressait du haut de la citadelle imprenable de sa bêtise.
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- Comment vas-tu, Matthieu ?          
Elle le considérait sans colère mais il baissa les yeux devant elle.
- Je vais bien. Je ne suis même pas triste.
Elle s'approcha de lui et le prit dans ses bras,
- Bien sûr que si, tu es triste, tu es très triste,
et le chagrin qu'il avait traqué en vain tout l'après-midi était là, enveloppé dans les paroles de sa sœur, loin du support inutile des symboles ou de l'imagination, il fondit sur Matthieu qui se mit à pleurer comme un enfant dans les bras d'Aurélie. Elle lui caressa les cheveux et l'embrassa sur le front et le força à lever les yeux vers elle.
- Je le sais bien que tu es triste. Mais ça ne sert à rien, tu comprends. Ta tristesse ne sert à rien, ni à personne. C'est trop tard.
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Les astuces commerciales, p. 95-96 :
Il parlait de l’avenir en visionnaire et Matthieu l’écoutait comme s’il était le sceau des prophètes, il leur fallait modérer leurs ambitions sans y renoncer tout à fait, il était exclu qu’ils offrent un service de restauration complet, c’était un bagne et un gouffre financier, mais ils devaient proposer à manger à leurs clients, surtout en été, quelque chose de simple, de la charcuterie, des fromages, peut-être des salades, sans lésiner sur la qualité, Libero en était certain, les gens étaient prêts à payer le prix de la qualité, mais comme il fallait se résigner à vivre à l’heure du tourisme de masse et accueillir également des cohortes de gens fauchés, il était hors de question de se cantonner aux produits de luxe et ils ne devaient pas hésiter à vendre aussi de la merde à vil prix, et Libero savait comment résoudre cette redoutable équation, son frère Sauveur et Virgile Ordioni leur fourniraient du jambon de premier choix, du jambon de trois ans, et des fromages, quelque chose de vraiment exceptionnel, et même de si exceptionnel que quiconque y aurait goûté mettrait la main au portefeuille en pleurant de gratitude, et pour le reste, inutile de s’embarrasser avec des produits de seconde zone, les saloperies que vendaient les supermarchés dans leur rayon terroir, conditionnés dans des filets rustiques frappés de la tête de Maure et parfumés en usine avec des sprays à la farine de châtaigne, autant y aller carrément dans l’ignoble, en toute franchise, sans chichis, avec du cochon chinois, charcuté en Slovaquie, qu’on pourrait refourguer pour une bouchée de pain, mais attention, il ne fallait pas prendre les gens pour des cons, il fallait annoncer la couleur et faire en sorte qu’ils comprennent les différences de prix et n’aient pas l’impression de se faire entuber à sec, la daube c’est cadeau, la qualité, tu raques, l’honnêteté était absolument indispensable en la matière, non seulement parce qu’elle était une vertu recommandable en elle-même, mais surtout parce qu’elle jouait à peu près le même rôle que la vaseline, il fallait préparer des plateaux de dégustation pour que les clients puissent se faire une idée, vous goûtez et vous prenez la commande après, mais non je vous en prie, reprenez donc un bout pour être sûr, et cette scrupuleuse honnêteté serait d’autant plus récompensée que, quel que soit le choix final, leur marge serait sensiblement la même, ils allaient les saigner, tous ces connards, les pauvres, les riches, sans distinction d’âge ni de nationalité, mais les saigner honnêtement, et même en les choyant, un patron de bar devait s’occuper de sa clientèle […], et le problème crucial à résoudre était donc celui des serveuses. Vincent Leandri les emmena un soir chez un de ses amis qui avait géré plusieurs affaires sur le continent et tenait maintenant, au bord de la mer, un bar de nuit chic et discret qui aurait cependant dû lui valoir une condamnation immédiate pour proxénétisme aggravé, comme Matthieu et Libero ne tardèrent pas à s’en rendre compte. Il les accueillit à bras ouverts et les régala généreusement de champagne.
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Il la suivit dans les draps qui sentaient le moisi où il dut supporter qu'elle lui fît jusqu'au bout l'affront de son impassibilité. Il sentait la chaleur à l'endroit où leurs ventres se rejoignaient et se mêlaient comme des cloaques de reptiles, il sentait la moiteur de ses seins pressés contre sa poitrine, de ses jambes contre les siennes, des images intolérables naissaient dans l'esprit de Marcel, il était une bête, un grand oiseau vorace et frémissant qui s'enfouissait jusqu'au cou dans les entrailles d'une charogne, car elle conservait l'impassibilité obscène d'une charogne, ses yeux morts levés vers le plafond, et là où leurs peaux se touchaient, à chaque point de contact, des fluides s'échangeaient, la lymphe transparente, les humeurs intimes, comme si son corps devait garder à jamais, dans une hideuse métamorphose, la trace du corps de cette femme qu'il ne reverrai plus et dont il ne savait pas le nom, et il se redressa brutalement pour s'habiller et partir. Il déboucha dans la rue en haletant, du sang étranger coulait dans ses veines, la sueur qui ruisselait sur ses paupières n'avait plus la même odeur et il crachait par terre parce qu'il ne reconnaissait pas le goût de sa propre salive.
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Tu es étonné parce que le monde touche à sa fin ? Etonne-toi plutôt de le voir parvenu à un âge si avancé. Le monde est comme un homme : il naît, il grandit et il meurt. [...] Dans sa vieillesse, l'homme est donc rempli de misères, et le monde dans sa vieillesse est aussi rempli de calamités. [...] Le Christ te dit : Le monde s'en va, le monde est vieux, le monde succombe, le monde est déjà haletant de vétusté, mais ne crains rien : ta jeunesse se renouvellera comme celle de l'aigle.

Saint Augustin, sermon 81, § 8, décembre 410
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Il vouait une admiration sans bornes au doctorant qui, tous les jeudis de dix-huit à vingt heures, vêtu d’un pantalon en velours côtelé beige et d’une veste vert bouteille à boutons dorés qui semblait sorti d’un magasin de la Stasi et attestait de son indifférence aux biens matériels, traduisait et commentait imperturbablement le livre gamma de La Métaphysique devant un maigre public d’hellénistes obstinés et attentifs. Mais l’ambiance de dévotion qui régnait dans la salle poussiéreuse de l’escalier C où on les avait relégués ne pouvait dissimuler l’ampleur de leur déroute, ils étaient tous des vaincus, des êtres inadaptés et bientôt incompréhensibles, les survivants d’une apocalypse sournoise qui avait décimé leurs semblables et mis à bas les temples des divinités qu’ils adoraient, dont la lumière s’était jadis répandue sur le monde.
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