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EAN : 9782742792993
185 pages
Actes Sud (15/08/2010)
3.62/5   72 notes
Résumé :
Il y a bien longtemps que, toutes les nuits, Antoine, la quarantaine, se défait de son costume d'époux et de père de famille modèles pour succomber, dans le bar dont il est propriétaire en Corse, à la tentation de l'alcool et, bien souvent, du sexe - au plus loin de l'amour. Prononcée par sa femme, "l'immaculée" Lucilie, au beau milieu d'une étreinte conjugale à laquelle il l'a forcée, une phrase énigmatique va, un matin, faire exploser tout l'hypocrite dispositif s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Que de colères, de rages, nourries dans le secret des âmes déchirées de Antoine et Paul Mattéï deux frères qui vivent dans le milieu fermé d'un village corse qui semble immuable. Eux-même sont murés dans des tourments renaissant et se perpétuant d'une génération à la suivante, pris entre rêve et réalité, une réalité qu'ils voudraient fuir. Ils se débattent, tentent de comprendre et peut-être une forme de rédemption est-elle possible lorsque l'homme entend la quintina cette cinquième voix que perçoive sans qu'elle soit chantée ceux qui se laissent prendre par la beauté grave d'un choeur polyphonique de quatre hommes, la Quintina considérée comme étant la voix de la vierge. Mais l'homme peut-il encore supporter d'entendre «dans le secret» la beauté de cette voix ?
Ce livre de Jérôme Ferrari (le premier publié par Actes Sud), où l'on peut croiser les thèmes développés dans les suivants, a la beauté sombre et incandescente d'un soleil noir. 

La mort des mondes à laquelle il est fait allusion p 135 est développée dans le dernier livre de Jérôme Ferrari «Le sermon sur la chute de Rome»
« ... tout le monde était gentil avec moi mais pas au point de me dire que ce qui m'ennuyait ( les réunions de famille pour les fêtes) était sur le point de mourir et que j'y repenserais bien des années plus tard -- si peu d'années plus tard, en somme -- avec une telle nostalgie et une si grande peur. Ce ne sont pas seulement les hommes qui meurent, les mondes meurent aussi d'une vraie mort, aussi définitive et triste que celle des hommes.»
De même on croise en 1959 un Paul Mattéï parti en Indochine puis en Algérie qui par certains côtés est une esquisse du André Degorce de «Où j'ai laissé mon âme».
Je vais poursuivre ma plongée dans l'univers de cet auteur dont la découverte me touche profondément.
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Comme j'avais hâte d'en finir avec ce roman !
L'impression d'abord, des caractères très petits et des lignes serrées ; ça manque d'air. D'autant que bien des phrases sont très longues, parfois une page.
Et puis, si la trame de l'histoire est simple à comprendre, certains retours dans le temps le sont nettement moins. Je ne suis pas sûre d'avoir tout compris.
J'avais bien aimé « Lae sermon sur la chute de Rome ». Les thèmes abordés sont un peu les mêmes : les choix de vie, la filiation….
J'avoue humblement que Jérôme Ferrari est un peu trop intello pour moi, pas assez simple dans son écriture, mais bon, il est professeur de philosophie.
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L'histoire tragique des deux frères, Antoine et Paul, s'achève à la mort violente d'Agathe la bien nommée, la fille d'Antoine, le seul personnage lumineux de ce drame. Antoine anime le bar d'un village de la montagne corse comme d'autres personnages de Ferrari. Il est asservi par tout ce qu'il y a d'abusif dans la violence, le sexe, l'alcool et les drogues. Il se croit bon époux parce qu'il isole sa femme Lucille dans une vie séparée : " Il se meut avec aisance dans un monde scindé, un monde dans lequel la sexualité et l'amour occupent harmonieusement leurs domaines respectifs sans jamais se pervertir ni entrer en conflit, faute de frontières communes " (p 68). Lucille lui balbutie un jour que c'est mieux quand on aime et cette phrase ambiguë l'obsède : " Il sentait le silence grossir dans sa gorge comme une tumeur maligne qui se nourrissait du secret. Il pouvait manger en face de Lucille, il pouvait dormir près d'elle, il pouvait baiser Lucille mais pas lui parler " (p 114). Paul est le miroir inversé d'Antoine, le petit frère brillant qu'on a envoyé à Paris pour faire des études, qui a lu Nietzsche, Schopenhauer et Leibniz, mais que la phobie sociale et la dépression - ou peut-être une malédiction attachée à la famille - ont fait renoncer et mentir jusqu'à la mort des parents. Il est revenu s'enterrer au village sous la protection d'Antoine et partage avec lui un cauchemar sanglant et prophétique.

Les deux portraits sont faits de phrases longues qui figurent la pensée fluctuante et inaboutie des deux frères. le livre est aéré par deux contes, datés de 1742 et de 1888, pastiches cruels de Mérimée, où l'on ne pense pas, mais où naissent les cauchemars et la frustration sociale des deux frères. Une troisième parenthèse est l'histoire d'un autre Paul de la famille, précurseur du capitaine Degorce, l'anti-héros d'Où j'ai laissé mon âme (2010).

On trouve dans ce livre tous les thèmes de Ferrari : le paradis perdu (nombreuses mentions d'une île souillée par les touristes) ; la violence et la culpabilité ; la Bible, les saints et les pères de l'église ; le renoncement coupable, inexplicable au Bien et au Bon des philosophes : " La vérité est que je suis un de ces êtres faibles qui ont besoin d'une raison de vivre et dont la faiblesse est si parfaite que, ne trouvant bien sûr aucune raison, ils n'en continuent pas moins à vivre " (p 29). " Cette saleté, il l'a voulue, en pleine conscience, afin de mieux mesurer la splendeur de ce qui lui était offert, et toute cette bringue insouciante, voilà qu'il en fait un hommage délibéré à la beauté, comme s'il avait jamais été un de ces gnostiques qui commettaient scrupuleusement le péché afin de hâter le règne de Dieu sur terre, comme s'il avait voulu émerger du cloaque de sa concupiscence pour mieux s'émerveiller de la lumière " (p 83).

Un livre difficile, le premier publié chez Actes Sud, à ne pas conseiller au lecteur qui aborde Ferrari.
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Le secret c'est parfois l'ombre d'un silence, une parole volontairement tue. C'est aussi ce qu'on ignore parce que cela se situe hors de la connaissance commune, le secret des tombes et de la mort, le secret des origines, du sang. Ce peut être ce qui s'oublie dans le secret des tris de la mémoire.
Ainsi de génération en génération, le silence éteint ces zones de mémoire sans cependant en interdire l'accès à ce que sont rêves, passions et autres pulsions, comportements spontanés peu accessible à la conscience.
Ici en Corse, une histoire simple et limpide peut alimenter des heures, des mois, voire des années de conversations. Mais quand cette histoire est âpre et délicate, un regard suffira à l'évoquer et chacun pensera, sans doute à tort mais qui peut le dire, que c'est bien suffisant.
Le mot échappé qui aurait dû se perdre dans le petit matin réveille et révèle le personnage principal et à sa suite les protagonistes passés et présents de cette histoire; lesquels d'origines ou de vécus différents incarnent tous ce pays, son histoire, ses habitants comme ses paysages.
Brutale, l'incompréhension vient de ce qui est dit et révèle en chacun sa part du mensonge, sable sur lequel il croyait bâtir sa vie. C'est la force des mots que d'entraîner le besoin de savoir, dire, comprendre, retrouver ses fondements propres que l'on a en partage avec d'autres. La connaissance qui permet de nommer sa douleur sans jamais en dénouer les fils dans l'éternel présent de la mémoire.
Qu'il vive dans l'hypocrisie ou la déchéance, selon un principe de vie ou de mort, nul n'est responsable de ses choix au-delà de la petite liberté que lui laisse le groupe, comme nul n'a la possibilité, non plus, d'y échapper.
En lisant Jérôme Ferrari j'avais la sensation de traverser ma ville un de ces jours d'hiver sous un ciel très bleu. l'arbre de la place étire ses branches dans tous les sens, peu ou pas d'étrangers, des yeux qui se cherchent pour s'assurer qu'ils se reconnaissent, on fait partie du même corps, un signe du menton au plus, …on a tant à se dire, une autre fois, dans une autre vie, peut-être.
Il écrit, décrit, magnifiquement, c'est un livre corse à valeur universelle. L'auteur n'a de cesse d'accompagner son lecteur de son style dense et contemporain qui jamais ne faiblit. On est vite partie prenante de cette histoire qui touche à l'essentiel, comme le font nombre d'histoires méditerranéennes depuis que les hommes écrivent.
Et puis il y a l'espoir, né quelque part, dans le secret, celui qui clôt le livre par ces mots : tout va bien.
Dans le secret, Jérôme Ferrari, Actes Sud 2007.
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"Dans le secret". Jérôme Ferrari



"Tout va bien.'

Point final.
C'est la dernière phrase du livre, que j'ai fini aux premières lueurs de ce dimanche d'octobre...

Tout va bien ??

Non. Rien ne va bien à la lecture du livre de Jérôme Ferrari.
La Corse est constamment sous la pluie, les hommes ont perdu la foi, l'humanité dégouline de désespoir.
Rien ne va pour Antoine, ni pour son frère, ni pour ceux qui les entourent
(...)" et il se sentait enveloppé de tristesse et de nuit. Comme si tout chose était un morceau de tristesse matérialisée."

A cause d'une phrase prononcée dans un demi sommeil par sa femme, Antoine se confronte, et nous met face à ses démons les plus intimes .
Aucun espoir n'émerge des mots de Ferrari ("Cesse de pleurer sur la vie que je n'ai pas eue, lui écrivait-il, le possible n'existe pas. C'est la vérité et c'est une consolation. La seule.")

Nous sommes engloutis dans les entrailles nauséabondes des secrets de cette famille où les bassesses des uns font écho aux inconséquences des autres.

L'introspection est visqueuse, sanglante, sans appel et sans rédemption possible.
Réflexion désabusée et sans complaisance, ce livre m'a laissé un sentiment confus, entre colère et violence.
Comme toujours chez Ferrari, les mots sont justes, cinglants, implacables.("Il s'était tu comme s'il savait que la vie était difficile et laide, jusque dans la futilité et l'insignifiance de certaines blessures qu'elle nous inflige.")
Les personnages sont embourbés dans la désespérance et nous ne pouvons que constater la lente mais inexorable noyade de leur humanité.

Colère, oui, devant la faiblesse amorphe de ces hommes qu'on voudrait arracher à leurs ténèbres, viscéralement .("La vérité est que je suis un de ces êtres faibles qui ont besoin d'une raison de vivre et dont la faiblesse est si parfaite que, ne trouvant bien sûr aucune raison, ils n'en continuent pas moins de vivre.")
Violence, aussi, parce que des "secrets" suitent tellement de fatalisme qu'on voudrait pouvoir s'extraire de la noirceur dense et compacte des désillusions des personnages, mais qu'elle nous maintient la tête sous l'eau...

Alors, je suis bien aise que ce dimanche d'octobre m'ait permis de refermer le livre sur des allures d'été indien, parce que, incorrigible optimiste, je reste persuadée qu'on peut y arriver.

Bien sûr, l'actualité me renvoie trop l'image du désenchantement des hommes, mais je veux continuer à y croire...
"Dans le secret", aussi sombre soit-il, m'aura au moins permis de me dire : je suis vivante ! Tout va bien.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
- Eh bien, ils étaient quatre à chanter mais j'ai entendu, et tous les chrétiens réunis ce jour-là l'ont entendu comme moi, une cinquième voix ...
- Est-ce possible ?
- Je l'ai entendue. Tu as confiance en ma parole ?
- Oui, oui, bien sûr.
- C'était une cinquième voix qui planait bien haut au-dessus des autres. Les confrères la nomment sa quintina. C'est une voix d'une pureté bien au-delà des capacité de l'homme, déchu et cependant pas tout à fait abandonné. Et pourtant, sais-tu ce que raconte le psaume ?
- Non, je ne m'en souviens pas.
- C'est le chant du roi David qui demande pardon à Dieu pour un très grand péché qu'il commit lorsque son âme fut ensorcelée à la vue d'une femme nue se baignant sur un toit dans la nuit de Jérusalem et qu'il la convoita au point d'envoyer son époux légitime à la mort, afin de s'unir à elle. C'est de cela qu'il demande pardon dans ce psaume, c'est pour cela qu'il implore la pitié de Notre-Seigneur et c'est une telle confession qui fut, ce jour-là en Sardaigne, comme agréée par la voix angélique dont je te parle. Comme si Dieu demandait pardon avec lui.
- Et moi, je ne pourrai pas l'entendre ?
Guido se mit à rire en caressant les cheveux de l'enfant. Il s'accroupit près de lui.
- Quand un accord est parfait, cette voix se fait entendre.Si nous réparons cet orgue comme il le faut, si nous travaillons bien, alors, quand je poserai mes mains sur ces quatre touches, là, tu entendras toi aussi la cinquième voix. Mais il faut que tout soit parfait, veux-tu que nous essayions ?
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J’ai toujours pensé que tant qu’on est encore capable de laisser s’incarner sa souffrance, son mal-être, son abandon, peu importe, dans la musique ou la littérature, c’est encore un signe de santé, le signe que cette souffrance peut encore être magnifiée et que notre indispensable narcissisme trouve encore à s’exprimer, d’une manière juste et modeste, dans la fréquentation des oeuvres que l’on aime. p 31
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Du fond de son indécision, il regarde ce crépuscule obstiné qui pend au-dessus du golfe depuis des heures et ne laisse pas tomber la nuit. Il entend le silence qui coule comme de la gelée par la porte ouverte de la maison à la place des voix familières. Il va se dire que quelque chose ne va pas quand son attention est attirée par l'aspect de la terre : elle est rouge mais il comprend que le soleil sur l'horizon n'en est pas la seule cause. Un liquide épais suinte autour de ses chaussures comme une éponge qu'on presse. Dans les racines des lauriers roses, il aperçoit d'abord une main d'enfant et puis partout autour de lui, remontant à la surface du sol, des membres, des chairs, des ligaments et des viscères écarlates qui exhalent un parfum de fleurs et de basilic, comme les stigmates des saints – et il se rappelle en quoi consiste son travail. Il ne sait plus avec précision depuis combien de temps il enterre ses victimes dans cette cour mais il peut facilement deviner que c'est sans doute depuis toujours et qu'aujourd'hui la terre ne peut plus garder leurs restes.
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Toutes les nuits, quand il avait fermé le bar, il prenait une douche avant de se coucher. Même quand il n’y avait aucune odeur à faire disparaître. Et ce n’était pas seulement une question d’organisation : il y avait là comme un rite de passage, une traversée des eaux pures, une transfiguration nécessaire avant de pénétrer dans l’espace sacré de la vie domestique. p 14
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Vidéo de Jérôme Ferrari
Jérôme Ferrari, prix Goncourt 2012, est à l'honneur de cette nouvelle séance du cycle « En lisant, en écrivant ».
Qui est Jérôme Ferrari ? Professeur de philosophie, Jérôme Ferrari obtient en 2012 le prix Goncourt pour le Sermon sur la chute de Rome, saga familiale inspirée par une phrase de saint Augustin : « le monde est comme l'homme, il naît, il grandit, il meurt.» Son dernier roman, À son image (2018), se penche, à travers l'histoire d'une photographe de guerre, sur le pouvoir évocateur – mais aussi l'impuissance – de la photographie.
En savoir plus sur les Masterclasses – En lisant, en écrivant : https://www.bnf.fr/fr/master-classes-litteraires
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