Citations sur Où j'ai laissé mon âme (57)
Les démonstrations ne lui servaient qu'à confirmer ce qu'il avait pressenti et il prenait soin qu'elles fussent toujours d'une élégance extrême, pures, concises, lumineuses, car il savait que la vérité et la beauté doivent être dévoilées ensemble et ne valent rien l'une sans l'autre.
(...) ils voyaient mon visage et leurs yeux étaient vides, je m'en souviens très bien, on n'y trouvait aucune trace de haine, aucun jugement, aucune nostalgie, on n'y trouvait plus rien si ce n'est peut-être la paix et le soulagement d'être enfin libérés car grâce à nous, mon capitaine, aucun d'eux ne pouvait plus ignorer que le corps est un tombeau.
Oh, mon capitaine, c'est pourtant la vérité, il n'y a rien d'impossible : vous êtes un bourreau et un assassin. Vous n'y pouvez plus rien, même si vous êtes encore incapable de l'accepter. Le passé disparaît dans l'oubli, mon capitaine, mais rien ne peut le racheter. Plus personne ne se soucie de vous, mis à part vous-même. Le monde ne sait plus qui vous êtes et Dieu n'existe pas. Personne ne vous punira pour ce que vous avez fait, personne ne vous offrira la rédemption avec le châtiment que votre orgueil réclame. (...)
Vous n'avez rien vécu d'exceptionnel, mon capitaine, le monde a toujours été prodigue d'hommes comme vous et aucune victime n'a jamais eu le moindre mal se transformer en bourreau, au plus petit changement de circonstances.
— La vérité, elle est plus modeste, capitaine, dit Tachar en se penchant vers lui. La vérité, c'est que c'est moi qui suis fini, seulement moi, et ça n'a aucune importance car je ne compte pas.
Dans un sens Tachar a eu de la chance que vous l'ayez exhibé à la presse, nous avons dû rendre son cadavre mais si ça n'avait tenu qu'à moi, mon capitaine, je l'aurais dilué dans la chaux, je l'aurais enseveli dans les profondeurs de la baie, je l'aurais répandu aux vents du désert et je l'aurais effacé des mémoires. J'aurais fait qu'il n'ait jamais existé.
Vous n'avez rien vécu d'exceptionnel, mon capitaine, le monde a toujours été prodigue d'hommes comme vous et aucune victime n'a jamais eu le moindre mal à se transformer en bourreau, au plus petit changement de circonstances.
Et c'est l'heure où je me penche doucement vers vous pour murmurer à votre oreille que nous sommes arrivés en enfer, mon capitaine-et que vous êtes exaucé.
Il a fait entrer dans le monde tout ce qu'il voulait en chasser. Aucun des buts qu'il a un jour poursuivis ne pourra l'en absoudre. Il est impossible de comprendre ce qu'il s'est passé. Il a tout perdu. Il a gâché tout ce qui lui a été offert, lassé la miséricorde de Dieu et son âme gît quelque part, très loin derrière lui.
Il aimait tant l'éclatante beauté des mathématiques qui illuminait ses années d'étude. Les démonstrations ne lui servaient qu'à confirmer ce qu'il avait pressenti et il prenait soin qu'elles fussent toujours d'une élégance extrême, pures, concises, lumineuses, car il savait que la vérité et la beauté doivent être dévoilées ensemble et ne valent rien l'une sans l'autre.
Je savais que je ne reviendrais plus. J'ai serré la main au chauffeur de taxi et j'ai laissé derrière moi la route du bord de mer, les maisons effondrées de la Casbah, les yeux brillants des loups dans les ténèbres et tous les enfants qui sourient sans savoir pourquoi et très loin au sud, sur la longue route désertique de notre jeunesse cruelle, l'ombre d'une mariée sans nom qui attend sa nuit de noces.