Robert Campin eut parmi ses élèves Jacques Daret (son identification prématurée avec le Maître de Merode lui valut pendant quelques années la renommée d’un maître suprême) et Rogelet de le Pasture, illustre dès le XV e siècle sous le nom fiamandisé de Roger van der Weyden (né à Tournai en 1399 ou 1400, mort à Bruxelles, le 16 juin 1464). Roger est un grand mystique; c’est aussi un dramaturge de profonde humanité et cette double face se réverbère dans sa petite Pietà, où pour glorifier la mort du Sauveur et vêtir la souffrance de la Mère, l’artiste recourt au symbolisme de couleurs simples et éclatantes. Mais ce beau bleu du manteau virginal, cette pourpre du disciple, ces étoffes endeuillées de la Madeleine, ce poudroiement de soleil couchant dans un ciel d’éternité, on les oublie pour ne considérer que les douleurs groupées autour du Corps rigide au flanc duquel le sang se coagule. Peut-on rencontrer fusion plus intime du réel et du divin ?
Une visite méthodique du Musée de Bruxelles commençait jadis par une station devant les volets du retable de l’Agneau : Adam et Ève (au revers, un intérieur flamand). On y pouvait méditer longtemps sur les caractères de notre peinture à ses débuts, sur la puissance épique de l’art des van Eyck, sur la splendeur de nos communes où naquirent des chefs-d’oeuvre immortels.