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Citations sur Bivouac (12)

— Les hosties d’enfants de chienne de mangeurs de tofu du câlisse... M’as les gargariser à l’eau de Javel pis les faire regarder pendant que je rase toute le bois deboutte. p. 308
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- On fait de l'éco-anxiété, tu penses ?
Raphaëlle se hisse hors du char, saisit une motte de neige et la fait fondre sur sa peau, son geste parcourant sa nuque, son front, ses joues roses qui rougissent. Les yeux fermés, elle offre ensuite son visage mouillé aux rayons du soleil :
- J’pense que tous les êtres sensibles ressentent la souffrance de la Terre. C'est la maladie de notre génération, l'éco-anxiété. Et j'espère qu'elle est contagieuse, cette peur, cette angoisse-là, parce qu'il faut agir. Pis ça presse. (p. 80)
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Comme les humains, les arbres isolés n'ont pas grand chance de survie. La résilience du bois vient avec la force du nombre , la prise de ses racines entortillées à une société de semblables.
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Avec le printemps, toujours ce besoin de fuir, comme l'eau.
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(les premières pages du livre)
Vers Allagash

Chapitre 1
Toucher du bois
Riopelle
À voir valser les conifères, à entendre grincer leurs troncs, je ne donnerais pas cher de ma peau. Tout ce qui compte dans l’instant présent : remuer les orteils, déglacer mes doigts, gagner du terrain plus vite que le froid.
Je suis seul. Je ne peux plus compter sur ma meute pour m’éclairer, débattre du chemin le plus sûr et des routes passantes à esquiver, à savoir si le rang du Nord me mènera paradoxalement plus vite à la frontière sud. Pas question que je sorte mon GPS tout de suite. La batterie ne fera pas long feu par un temps pareil. De toute façon, je n’arriverais pas à pitonner*1 tant mes doigts et l’écran risquent de figer.
Je vais de banc de neige en banc de neige, aveuglé par la poudrerie, un pas à la fois. La gifle du vent me fait contracter tous mes muscles, traverse ma capuche et ma tuque. J’entends des sifflements fantomatiques, qui hèlent sans jamais reprendre leur souffle, eux. J’aurais dû donner une autre chance au char. J’aurais dû.
Je revois mon père, qui donnait une volée aux appareils au fonctionnement intermittent, pour les relancer. Des fois, ça marchait. D’autres fois, il se défonçait les jointures en vain. Je me rappelle ses colères, le rose à ses joues, son torse bombé. C’est bien trop vrai, j’ai hérité de son agressivité quand les objets me chient dans les mains. Il y a aussi beaucoup de monde que je rêve de secouer en l’air. Mais la violence n’éveille pas les consciences, dirait m’man, à son époque bouddhiste. Je l’entends presque me susurrer : Anitya, tout est éphémère, mon garçon. Oui, tel le fourmillement des membres avant leur congélation.
C’est mauvais signe, ces apparitions du passé. Je reste imprégné des images qui me viennent, un continuum de guides qui m’aide à persévérer, tandis que je pose machinalement un pied devant l’autre, maintenant la marche ininterrompue vers l’avant. Ma barbe est incrustée de glaçons, qui rejoignent ceux de mon cache-cou en polair. Les étoiles scintillent comme mille milliards de diamants coupants. Mon souffle, qui n’est plus qu’un sifflement, me fait mal. Malgré mes pelures, je sens maintenant la morsure du froid gagner mes os.
Je divague. Un arbre me parle. Je pique vers lui, un hêtre de mon âge, pour flatter son écorce lisse. Toucher du bois. Mes bras sont raides comme des bâtons de ski. Je fais une prière tacite. Forêt, aide-moi.
Je marche longtemps encore, assez pour comprendre que la radio ne mentait pas et que la météo apocalyptique rend périlleuse toute tentative de survie à découvert. Je pense à Saint-Exupéry, écrasé en plein Sahara libyen, à ce que je n’ai pas compris du Petit Prince1. Je songe aux coureurs des bois égarés du temps de la colonie, à ce vieux pêcheur errant en mer d’Hemingway2. Tous allés trop loin. Est-ce la morale de ces histoires, dont j’ai oublié la fin ? Jeu d’esprit. À savoir si on se déshydrate plus vite dans le désert, brûlé de soleil en plein océan ou exposé au froid sur ce rang anonyme ? Mon esprit roule sur la jante, des routes qui ne débouchent sur rien aux banquises qui fondent, jusqu’aux neiges des sommets qui ne sont plus éternelles, en passant par tous ces espaces sauvages devenus hostiles, même pour les espèces qui s’y étaient adaptées au fil de mutations millénaires.
Je suis le plus mésadapté d’entre tous. Mammifère sans fourrure véritable.
J’avance longtemps, longtemps encore, en me parlant, habité par les quêtes d’hommes éprouvés par le climat, toutes époques confondues. Progresser par un temps pareil relève de la pure folie. Mais on m’a entraîné pour ce genre d’épreuves. Je n’ose pas enlever mes gants, même pour constater la gravité de mes engelures. Faut atteindre le point de rendez-vous, et vite. Je pense à Marius et aux autres. Je me demande s’ils ont tous réussi à s’échapper. S’ils sont déjà aux États-Unis, si les faux passeports ont passé aux douanes, s’ils sont menottés au fond d’un char de police ou dans une cellule des Services secrets. Si on les a laissés appeler notre avocate ou croupir dans une autopatrouille des heures et des heures sans chauffage, tous droits bafoués, jusqu’à une salle d’interrogatoire dont ils ne sortiront peut-être jamais.
Nous sommes autodidactes. Vandaliser des installations pétrolières, saboter de futures stations de pompage, forcer l’arrêt de trains charriant du pétrole lourd de l’Alberta, c’est devenu notre métier par la force des choses. Cette fois, urgence climatique oblige, il a fallu aller plus loin. Cet énième béluga échoué sur la rive de Trois-Pistoles nous a inspiré un coup de théâtre. Nous avons récupéré l’animal dans un linceul de toile bleue et l’avons transporté dans un garage, à l’abri des regards. Il fut décidé que, comme tous les bons petits écoliers, il irait faire une visite du Parlement.
Arielle a-t-elle réussi notre pari d’étendre la baleine morte sur une mare de mélasse, en plein centre de la place publique ? Ou s’est-elle heurtée aux gardes de sécurité, alertés par les caméras ? La tempête paralysante a-t-elle joué en sa faveur, toutes les forces de l’ordre étant mobilisées pour sécuriser les stations-service et aider les civils enlisés ? Le parvis de notre pétro-État était-il désert à l’aurore, puis noir de monde et de médias à midi ? Qui de mes frères et sœurs d’armes verra sa véritable identité percée et se retrouvera bientôt derrière les barreaux ? Comment les médias traiteront-ils la nouvelle, s’ils la couvrent ?
L’opération Baleine noire maintenant terminée, nos liens sont dissous. Et moi, il me faut faire mon bout de chemin sans réponses, tant que je n’aurai pas accès à un ordinateur crypté, en lieu sûr. Si, seulement si je parviens au point de rendez-vous.
Soudain, mon esprit cesse brutalement d’errer. À mon horreur, le froid mordant fait place à une sensation de picotement diffus, puis de chaleur douce – mauvais signe, mes engelures gagnent la manche. Je ne sens plus mes doigts mes mains mes orteils mes talons mes oreilles mon front mon nez. Je force le pas, comme un bison à bout de courage, m’accrochant à l’instinct de survie, tout en ruminant mes fautes. Et tout à coup, je me rappelle l’essentiel : les bandelettes autochauffantes, la boisson énergisante, l’huile de CBD, le contenu de la trousse et le protocole pour le rationner.
Sous le vent, je m’assois en boule et déchire les sachets un à un. Bientôt, mes mitaines seront cuisantes, j’avancerai boosté de guarana sans plus sentir la cristallisation de mes extrémités. Mes idées se placent, j’ai malgré tout franchi une bonne distance, la joie revient.
Sous la Voie lactée de mes sept ans, je rêvais de fusées interstellaires. Couché sur le dos, les mains derrière la tête, je perdais la notion du temps, perché dans ma cachette dans les arbres. J’veux jouer encore un peu dehors, maman, y a même pas de mouches ! Mon père m’avait construit cette cache, c’était à mes yeux l’ultime preuve de son amour. Elle était interdite aux adultes et aux filles. J’y ai lu tant de BD, joué au pirate avec un trésor constitué de pépites de pyrite de fer. J’y ai caché toutes mes trouvailles : mues de grillon, cailloux brillants, plumes de geai bleu, onces*2 de pot, capotes. Plus tard, j’ai tapissé mes murs d’articles et de portraits de Julia Butterfly Hill, perchée comme moi mais durant sept cent trente-huit jours pour sauver Luna, un séquoia millénaire, des coupes forestières. C’est là-haut que j’ai appris la honte d’être humain, coupable par association de la destruction de la vie sauvage. L’été de mes douze ans, ma cour arrière, un boisé d’arbres matures, a été rasée à blanc. Désormais, de ma cache, j’avais vue sur une faille dans le décor, une tranchée pour gazoduc. J’arrivais pas à m’y faire. Mets-toi des œillères, mon petit homme, disait p’pa. J’y suis jamais parvenu. Après tout, s’il y avait une Julia Butterfly Hill en Californie, il y avait de l’espoir. J’ai trouvé des têtus comme moi, d’abord chez les scouts, puis à l’exposciences, et enfin au cégep, en parcourant les babillards. On voulait se battre pour tous ceux qui nous conseillaient de détourner le regard de ce qui dérange, riant de nos idéaux soi-disant incompatibles avec la sacro-sainte croissance économique. Nous étions convaincus qu’il suffisait d’une étincelle pour les réveiller.
C’est plus dur que ça, finalement.
Notre Terre est en feu, mais ça leur importe moins que la fructification de leur pension. Les dérèglements climatiques engendrent des tempêtes monstres, comme cette vague de froid qui me scie les bras. L’écolo en moi me pousse à croire que je n’ai pas fini de servir la cause, que je dois continuer de marcher, qu’il faut que je m’en sorte, quitte à perdre quelques doigts. L’autre voix de ma conscience fait contrepoids, soufflant à mon oreille : T’es pas fatigué de te battre, de te mettre tout le monde à dos, de porter tout ce poids sur tes épaules ? On en a vu d’autres, hein, Cowboy ? On n’est pas faits en chocolat.
Bientôt, il fera noir comme dans le cul d’un ours. La fatigue telle une chape de plomb de plus en plus lourde sur mes épaules, je combats l’envie de me coucher par terre. Qu’il serait bon de me laisser aller dans la neige et le sommeil rien qu’un peu.
J’allume mon GPS. C’est là ou c’est jamais. Bip bip bip. Mes coordonnées. Bingo. Le point de rendez-vous, par là. La pile chargée à 97 %. J’arrête de mourir. Je vais pouvoir me sortir vivant du bois.
Déesse soit louée.

Chapitre 2
Sacrer le camp
Riopelle
L’aurore. J’y suis presque. Tous ces kilomètres franchis dans le noir, et cet espoir lumineux au loin. Marche vers le soleil, Riopelle, et tout ira. Je pique plus à l’est sur un sentier tapé par motoneiges et orignaux. Pas un instant cette nuit je n’ai pensé aux bêtes, au risque qu’elles remontent ma trace. Les ours noirs sont au chaud, lovés les uns contre les autres. Les cougars ne courent plus les rues depuis des lunes. J’ai plus peur de la bêtise humaine que d’être pris en chasse.
Comme Arielle, qui préfère
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Le plus difficile, pour moi, ça aura été de faire la paix avec la violence. Désormais, je comprends mieux à quel point ces causes que l'on porte peuvent accaparer tout l'espace, voir chambouler nos valeurs fondamentales. Raph et Rio ont ça en commun : ils ont été des catalyseurs pour moi. Ils m'ont montré du doigt les vraies menaces mettant en péril l'Habitat. Et voir que Rio est parti à pied aux Etats-Unis, avec un mépris du danger qui semble disparu de nos tripes, depuis le temps des coureurs des bois ! Ça me jette à terre, cet esprit de fronde là. Valentin ne fait pas le poids, il mène les bêtes à l'abattoir, enterre les veaux morts, il ne se révolte pas. Deux à un.
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Espace naturel protégé
Guerriers pour la forêt
Urgence climat
Pas de planète B
Terrien, sans terre, t’es rien
Justice mes fesses
Debout sur nos ressources
Forêts debout
Coule pas chez nous
Phoque le mercure
Pas de nature, pas de futur
Moins de riches, plus de ruches
Sauvons les ours polaires, pas les actionnaires
Que le pétrole sale reste dans le sol
Arrête de niquer ta mer
La croissance tue
Quand c’est fondu, c’est foutu
Nous sommes la Nature qui se défend
Territoire non cédé
Terres publiques au peuple
Penser le changement au lieu de changer le pansement
C’est pas nous les utopistes
Foraska ne passera pas
Mecimi-te ‘kulankeyutomon skitkomiq
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Le vent est vif, me fait violence. C'est exactement ce dont j'avais besoin. Une bonne gifle pour me rappeler que moi, je suis encore en vie. Même si elle n'est plus là, j'ai encore du sang dans mes joues et des poumons qui pompent et ne me laisseront pas crever si facilement. Il est temps de reprendre la clé des champs.
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Ils débordent de joie et d'énergie, tenant le silence en respect.
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Nous ne défendons pas la Nature. Nous sommes la Nature qui se défend.
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