AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
L'appel de la nature tome 2 sur 3
EAN : 9782072969317
400 pages
Gallimard (02/02/2023)
3.93/5   564 notes
Résumé :
Raphaëlle est garde-forestière. Elle vit seule avec Coyote, sa chienne, dans une roulotte au cœur de la forêt du Kamouraska, à l’Est du Québec. Elle côtoie quotidiennement ours, coyotes et lynx, mais elle n’échangerait sa vie pour rien au monde.

Un matin, Raphaëlle est troublée de découvrir des empreintes d’ours devant la porte de sa cabane. Quelques jours plus tard, sa chienne disparaît. Elle la retrouve gravement blessée par des collets illégalemen... >Voir plus
Que lire après SauvaginesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (91) Voir plus Ajouter une critique
3,93

sur 564 notes
5
37 avis
4
37 avis
3
15 avis
2
1 avis
1
0 avis
Sans ambages, avec une netteté tranchée hautement assumée, Gabrielle Filteau-Chiba nous livre un récit engagé et militant imprégné d'écoféminisme, un récit qui touche, un cri d'amour pour la nature et les forêts du Kamouraska ( territoire québécois du Bas-Saint-Laurent ), un cri de colère aussi pour dénoncer l'avidité capitalistique qui se déploie en cette ère de dévastation écologique.

L'auteure évite l'écueil moralisateur en incarnant son combat au travers d'un très beau personnage féminin. Vivant seule dans sa roulotte en pleine forêt, Raphaëlle n'a que quarante ans mais elle est déjà usée par son métier de garde-forestière, dressant un constat amer sur son rôle de protectrice de la faune et de la flore, impuissante face aux exactions des braconniers. Lorsqu'elle découvre sa chienne chérie, Coyote, prise dans un piège en plein coeur d'un effroyable site de braconnage type charnier, elle décide de partir en guerre mais la chasse à l'homme se renverse lorsqu'elle réalise qu'elle est, dans la ligne de mire de braconniers sans foi ni loi.

Très rapidement, le roman adopte le rythme du thriller. La conscience écologiste se mue en action pure et dure. L'écriture puissante de l'auteure transmet parfaitement la vérité des sentiments éprouvés par Raphaëlle, entre peur et rage. L'ambiance menaçante de quasi huis-clos croît à mesure qu'elle s'enfonce dans la forêt en mode survie. le combat de cette écoguerrière est parfois alourdi par des répétitions ou des colères un peu brouillonnes, mais il est parfaitement lisible et la justesse de son éthique fait vibrer le lecteur, notamment lorsqu'Anouk ( l'ermite d'Encabanée, le premier volet du triptyque ) rejoint sa cause et fait converger encore plus pertinemment la lutte féministe et l'écologiste. Et pour éviter tout manichéisme antimasculin, il y a le magnifique Lionel, garde-chasse à la retraite, père cosmique de Raphaëlle qui la guide avec bienveillance dans sa quête.

Si les scènes d'action sont très convaincantes par leurs énergiques pulsations, elles ne résument pas le roman dont l'intensité va au-delà du simple thriller. Sauvagines est une ode à la nature et à ses protecteurs, offrant de très belles pages nature writing, portée par une écriture imagée aux envolées poétiques qui stimule sensoriellement le lecteur avec une belle énergie, tout en rendant hommage au lien spirituel qui unit homme et nature. Cette quête de l'essentiel donne une envie furieuse d'entendre hurler les coyotes voire de hurler à leurs côtés.

PS : en fin d'ouvrage, un régal que ce glossaire des québécismes qui parsèment avec bonheur le récit et l'enrichissent !


Commenter  J’apprécie          15110
Une sauvagine correspond à l'ensemble des peaux les plus communes vendues par les chasseurs sur les grands marchés de la fourrure.

Autrement dit, il sera question de chasse, de braconnage, d'écologie et profit et de quelques âmes convaincues que le combat n'est pas vain contre la marche insensée de ce monde.


Si elle porte fièrement son insigne "protection de la faune", elle vit seule dans son abri de fortune dans la forêt, avec pour compagnie une chienne dédaignée en raison de son aspect mélangé, et qui répondra en hommage à ses ascendants au nom de Coyote.

Outre le constat déprimant du déclin de la faune, que des analyses économiques semblent totalement ignorer, débouchant sur une législation qui ne peut qu'aggraver les choses, la jeune femme devra mobiliser toutes ses forces pour lutter pour sa propre survie, l'un des braconniers semble en effet l'avoir prise pour cible. Or, le gars n'est pas un enfant de choeur, et n'a aucun doute sur sa légitimité à décider sans autre forme procès qui doit rester en vie, humain ou animal.

C'est aussi l'histoire d'une belle rencontre, que le hasard d'un journal perdu rendra possible.

On est au coeur de la nature, celle qu'on voudrait voir respectée, faune et flore, en hurlant de rage face aux profits à court terme qui mettent notre planète à mal.

Avec l'accent et les termes si réjouissants de la langue québécoise, l'histoire se dévore, autant pour l'intrigue que pour les personnages. Un cri de plus de désespoir face à l'incurie de l'homme.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          785
Dans la forêt du Kamouraska

En retraçant le combat d'une agente de protection de la faune dans le haut-pays de Kamouraska Gabrielle Filteau-Chiba poursuit sa quête écologique et féministe entamée avec Encabanée. Un roman fort, intense, profond.

On retrouve dans Sauvagines le même humour et la même poésie que dans Encabanée, le premier roman de Gabrielle Filteau-Chiba. Par un habile procédé narratif, on retrouve dans ce nouveau roman les extraits des carnets laissés par Anouk B. qui formaient la matière de ce livre. Des carnets qui seront confiés à cette autre femme venue séjourner dans la forêt canadienne, personnage principal du roman: Raphaëlle Robichaud, 40 ans, agente de protection de la faune installée dans une roulotte dans le haut-pays de Kamouraska. Raphaëlle qui finira par croiser la route d'Anouk.
Au début du roman, elle vient de faire l'acquisition de Coyote, un bâtard qui va l'accompagner dans ses expéditions et pourra, du moins elle l'espère, la prévenir de l'arrivée de l'ours qui a déjà laissé ses traces tout près de son logis.
Coyote qui, comme sa maîtresses, explore avec curiosité les alentours, mais qui va se faire piéger par des collets installés par des braconniers non loin du chalet de Lionel ou Raphaëlle a fait une halte. Elle retrouvera son chien bien amoché mais vivant, avec l'envie décuplée de faire payer ces chasseurs. «Mon rôle est entre autres de protéger la forêt boréale des friands de fourrure qui trappent sans foi ni loi, non pas comme un ermite piégeant par légitime subsistance dans sa lointaine forêt, non pas comme les Premiers Peuples par transmission rituelle de savoirs millénaires, mais par appât du gain, au détriment de tout l'équilibre des écosystèmes. Même en dehors des heures de travail, c'est mon cheval de bataille, veiller sur la forêt.» Un combat difficile, un combat qui semble vain, tant les habitudes sont solidement ancrées. «Dans le fond, tout le monde s'en fout de ce qui se passe ici. Ce n'est pas une petite tape sur les doigts de temps en temps qui va changer quoi que ce soit. Ce ne sont surtout pas des lois laxistes comme les nôtres qui vont protéger la faune.» Mais bien vite, c'est Raphaëlle elle-même qui doit se protéger. Après avoir installé une caméra de surveillance non loin de sa roulette, elle trouve un message sans équivoque du braconnier posé en évidence sur son lit. L'agente est devenue une proie. Avec l'aide de Lionel et d'Anouk, elle va mener l'enquête et tenter de l'empêcher de nuire. Car ce qu'elle a appris sur les moeurs du braconnier remplit désormais un épais dossier. Son but est de «venger les coyotes, les lynx, les ours, les martres, les ratons, les visons, les renards, les rats musqués, les pécans; venger les femmes battues ou violées qui ont trop peur pour sortir au grand jour.»
La magie de l'écriture de Gabrielle Filteau-Chiba, sensuelle et profonde, donne à ce roman une puissance vitale. On respire la forêt, on souffre avec les animaux piégés, on partage cette peur qui s'insinue sous la peau. Un hymne à la nature et à sa préservation qui est aussi une quête de l'essentiel. Quand, dépouillé de tout, il ne reste que la vérité des sentiments qui peuvent alors s'exprimer de toutes leurs forces.
Ajoutons que Sauvagines fait partie d'un triptyque et que le troisième roman intitulé Bivouac est paru au Québec. On l'attend déjà avec impatience!



Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          621
Emprunt à la Bibliothèque Buffon mi-novembre 2022

Très beau moment de lecture pour tous les amoureux du Québec, de la nature et de la faune...Cette immense "bulle d'oxygène", à travers les aventures et mésaventures d'une garde -forestière, au fort tempérament...

Après la lecture enthousiaste d'"Encabanée", j'avais la grande curiosité de lire ce deuxième texte; sorte de prolongement du premier...Ce que je viens de faire en empruntant cet ouvrage à ma bibliothèque !

Une jeune garde-forestière, ayant tout quitté: Famille avec laquelle elle ne partageait rien, un boulot qui ne la motive plus, son amoureuse.... Elle veut se rapprocher de la nature, de la forêt, et dans un même temps de la Gaspésie, terre originelle de sa grand-mère adorée !

Dans ce récit plein de péripéties, notre jeune garde-forestière raconte son métier quotidien de "Protectrice de la faune" et de la forêt, ses soucis avec les braconniers, et la gent masculine, comportant un nombre certain "d'obsédés de la gachette", l'adoption et le sauvetage d'une adorable chienne ( inutile car trop faible pour tirer des traîneaux), Coyote, la présence de son ami, Lionel, un vieux de la vieille de la forêt, faisant figure de "papa de substitution"...Tous ces éléments réunis l'aident à assumer à la fois, sa solitude, et son métier de "protectrice de la nature", car ce dernier est loin d'être une sinécure...encore plus, pour une jeune femme seule dans un monde très fortement masculin...et "macho" de surcroît !

D'admirables descriptions de tous les animaux, de la forêt, des merveilles de la nature, sans oublier, son attachement , son amour pour son "ange-gardien" à quatre pattes, Coyotte, qui la réconforte bien plus que certains humains !...

"Une couverture de laine t'attend, bien pliée, au pied de mon matelas.Je te promets une chose : jamais tu ne connaîtras les chaînes. Et je te traînerai partout, te montrerai tout ce que je sais du bois. (...)
Elle se faufile jusqu'à mes genoux, ma petite chienne trop fluette pour tirer des traîneaux. (...)
Dire que les mushers du chenil allaient t'abattre...
Dire que tu ne verras plus jamais ta mère. Comment te faire comprendre, mon orpheline, que nous serons l'une pour l'autre des bouées, qu'accrochées l'une à l'autre nous pourrons mieux affronter les armoires à glace qui ne chassent que pour le plaisir de dominer, de détruire ? "

Notre garde-forestière ne manque pas de lucidité et d'ironie envers sa hiérarchie... qui est plus sensible au profit; à des sortes de statu-quo...et de concessions constantes, montrant une sorte d'inertie et de non-engagement généralisés....Pour tout dire, elle ne se sent pas le moins du monde épaulée par ses employeurs , se sentant bien seule dans ses colères et indignations, pourtant légitimes...pour protéger efficacement la faune et la forêt de son québec... !

Surviendront des incidents graves... qui vont la pousser dans les limites de la légalité... et mettre en évidence les nombreux obstacles l'empêchant d'exercer véritablement son métier ....
Pour elle, c'est comme une IMPOSTURE !

Trouvant un jour sa fidèle chienne Coyote, grièvement blessée par un piège illégal, elle sortira de ses gongs, parviendra à guérir sa "gentille amie à quatre pattes", mais sera décidée à trouver l'identité de ce braconnier- prédateur, qui semble sévir plus que de raison...

Si ce n'était que cela, c'est déjà en soi, un sérieux délit... le prédateur en question semble "chasser" tous les gibiers gênant son chemin: Les humains, hommes gardes-forestiers,ou femmes comme les animaux...

Elle se rend compte, en rentrant à sa roulotte, que quelqu'un est venu près de "sa maison", l'espionnant, et allant jusqu'à laisser à l'intérieur de chez elle, une superbe peau rousse de coyotte... La panique monte, elle décide de ramasser à la hâte ses affaires et d'aller se réfugier chez son ami , Lionel....

Cet inconnu qui l'espionne, bafoue son espace privé, joue semble-t-il à la terrifier, d'autant qu'il a sûrement entendu parler de ses questions aux villageois pour trouver l'identité de la personne, cumulant à lui tout seul, un nombre impressionnant de braconnages abusifs et cruels... sans parler d'agressions de jeunes filles et de la disparition ancienne d'une femme, jamais retrouvée...restée un mystère !

L'angoisse monte crescendo...

En interrogeant les villageois une première fois, une femme s'arrange pour lui transmettre un cahier comme si elle l'avait oublié... en lui glissant un numéro de téléphone à l'intérieur....
Elle acceptera ce cahier de l'inconnue, en réalisant plus tard que ce dernier est un journal intime... d'une autre inconnue, Anouk, qui, au demeurant vit aussi seule dans la forêt, vivant et ayant vécu des choses similaires à la garde-forestière....Elle imagine cette Anouk, comme une soeur , comme un "double", qui combat les mêmes peurs, vit le même quotidien de survie qu'elle !

Son enquête s'épaissit... Elle cherche cette fois et "son persécuteur" et cette femme, qu'elle perçoit par anticipation, comme une possible amie à venir ?

Avec son ami, Lionel, puis Anouk, et la fidèle Coyotte... la fine équipe va imaginer un plan pour enrayer et "neutraliser" ce prédateur, à la réputation redoutable , et un lourd passif !....

Pas un mot de plus, pour laisser aux futurs lecteurs, tout le suspens et les rebondissements qui ne manquent pas à cette sacrée " chasse à la femme", devenue à notre grand soulagement... une chasse à cet "homme-prédateur obsessionnel" !

La garde-forestière démissionnera de son poste... ira se réfugier un moment en Gaspésie, paradis de son enfance et des lumineux moments vécus avec sa grand-mère...(ignorée dans les récits familiaux, car "autochtone"! !)

"(* A propos de la grand-mère de la narratrice)
J'aurais aimé qu'on me raconte ton histoire, peut-être que je me serrais sentie un peu plus chez moi parmi tes descendants si j'avais connu tes berceuses, recettes et illusions perdues.Le bungalow de banlieue qui sentait la mortadelle et les boules à mites m'étouffait. Les prières du souper, celles du soir, la peur des étrangers, du noir et des bêtes dehors, et les litanies sans fin de reproches xénophobes faisaient naître en moi les pires élans de rage.Fallait que je m'éloigne de ces gens avant de me mettre à leur ressembler. Il me fallait une forêt à temps plein, à flanc de montagnes qui s'en foutent des frontières, où tous sont sur un pied d'égalité face aux éléments, au froid, à la pluie, au vent.Le bois est un mentor d'humilité, ça , je peux le jurer."

Merci à l'auteure pour ce magnifique roman, à forte résonance autobiographique... son amour très fort pour la Nature et tous les êtres vivants... J'achève ce long billet par un dernier extrait, qui doit être en symbiose avec les convictions mêmes de Dame Filteau-Chiba !

"Je me détends, rêvasse quelques instants à un pays utopique, un Québec libre où l'on pourrait faire les choses autrement- la fourrure resterait sur le dos des animaux.Sur les neiges miroiteraient le roux du renard, le noir du vison, l'indescriptible gris- rouille du coyote.J'espère au plus creux de moi-même qu'un jour, l'humain n'ait plus besoin de détruire la vie pour assurer la sienne, ni de se procurer la peau des autres pour se remplir les poches, ni de dominer quiconque pour se sentir fort. Et ce souhait s'applique aussi à moi."

Commenter  J’apprécie          412
Raphaëlle est garde forestière sur les terres de la couronne du haut Kamouraska au Canada. Elle a fuit la grande ville et la société et s'est installée, seule dans une roulotte, en pleine nature. Elle achète un jeune chien qu'elle appelle Coyote. C'est son seul ami, Raphaëlle aime sa solitude au fond des bois. Coyote se fait piéger dans un collet posé par un braconnier, Raphaëlle le sauve mais il est grièvement blessé.
Raphaëlle est en pleine désillusion, elle avait investi beaucoup d'espoirs dans son métier mais les chasseurs sont sans foi ni loi. Ils sont sur équipés, abattent un maximum de gibier sans tenir compte des quotas. Ils laissent tous leurs détritus dans la nature de surcroît. Raphaëlle se sent dépassée, les gardes sont en petit nombre pour un immense territoire et le gouvernement est clément avec les chasseurs parce qu'ils rapportent de l'argent. Raphaëlle aimerait pouvoir protéger les animaux chassés ou braconnés. Les braconniers posent des pièges illégaux et cruels et détruisent la faune. Quand Raphaëlle trouve son chien blessé, elle cherche à découvrir l'identité du braconnier. Celui-ci pour l'impressionner a installé une caméra de chasse devant sa maison et sur sa douche extérieure. Il pénétre dans sa cabane en forçant la porte. Raphaëlle est folle de rage. Elle apprend que l'homme est un sale type qui maltraite les femmes qu'il fréquente, et massacre les coyotes, elle découvre avec horreur un charnier de cadavres d'animaux dépecés. Raphaëlle décide donc de frapper un grand coup pour contrer cet ignoble individu.
On retrouve dans ce roman comme dans le précédent "encabanée" la belle plume poétique de l'auteure, son amour de la nature sauvage, la défense et la protection de la nature et de la faune, sa quête d'une vie simple, immergée dans la nature, résumée à l'essentiel, un rejet d'une société consumériste qui mène la planète à sa perte, son cri de colère de col contre le gouvernement acheté par le lobby des chasseurs, et l'attitude des fermiers pollueurs aux pratiques douteuses.
Commenter  J’apprécie          430


critiques presse (3)
Telerama
11 juillet 2023
Un roman plein d’allant et d’autodérision.
Lire la critique sur le site : Telerama
Telerama
20 février 2023
Agente de protection de la faune, tel est son métier, qu’elle exerce loin des hommes, au cœur de la forêt. Son terrain de prédilection contient le mot amour, Kamouraska, territoire arboré du Canada.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaCroix
07 janvier 2022
Cri de révolte, ce roman palpitant comme un thriller est une ode à la protection de la nature.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (87) Voir plus Ajouter une citation
J'ai entendu le récit d'un journaliste qui décrivait l'adaptation du comportement des animaux en prenant l'exemple des éléphants. En République démocratique du Congo, ils auraient appris à éviter les chasseurs d'ivoire et à se rapprocher des gardes forestiers. Et dans la réserve nationale de Shaba, au Kenya, des pachydermes ont gagné la zone protégée et n'en franchissent plus les lignes, malgré l'absence de clôtures. Pourtant, rien ne marque visuellement la frontière de la réserve- les éléphants sentent que là, ils sont saufs, qu'on ne leur tirera pas dessus.Ils ont l'intelligence et la sensibilité nécessaires pour différencier les intentions des hommes, départager alliés et ennemis, et gagner d'instinct les espaces prévus pour leur survie.

( p.160)
Commenter  J’apprécie          240
(Les premières pages du livre)
Les yeux bruns du coyote
25 juin
Les chaînes fouettent les niches, contiennent tout débordement possible. Le hurlement cacophonique de la centaine de bêtes annonce au maître mon arrivée, flairée sous le vent. Elles jappent d’excitation, maintenant que j’approche et m’enfonce jusqu’aux chevilles dans la boue du sentier de quatre-roues qui mène à leur geôle. Je cherche des yeux la cage où se trouve la dernière portée, pour laquelle j’ai fait toute cette route.
Je ne tenais pas à me dénicher un husky aux yeux couleur lac Louise. Me cherchais plutôt une chienne métissée aux yeux bruns comme les miens. Dans ma famille comme au chenil, les petits aux yeux bleus ont un statut particulier. Parmi mes frères et sœurs, j’étais l’enfant du péché, mon père pressentant qu’une chicane avait conduit ma mère à s’écarter pour un facteur ou un autre mieux membré. Toute ma vie, mes iris lui ont rappelé que j’étais peut-être le fruit de la trahison de sa femme qui descend d’Ève. Chez nous, la jalousie et la mauvaise foi l’emportent sur la raison. Pourtant, les gènes sautent parfois des générations.
Ici, comme dans toute compagnie de chiens de traîneau, les chiots les plus chérants1 ont les yeux vairons. L’animal insolite qui attire mon attention est une femelle aux yeux bruns et au pelage souris. Elle ne mange pas, tremble sur son lit de foin pendant que les autres se vautrent. L’homme debout dans l’enclos raconte qu’elle a un léger souffle au cœur, qu’elle n’aura pas la grande carrière d’athlète attelée qu’on attendait d’elle, qu’un chien maigre qui ne tirera pas sa vie durant des touristes venus de France pour vivre une expérience typiquement nordique est une bête qui ne gagne pas sa viande, une bête qu’on abattra comme celles trop vieilles pour servir. Des iris colorés auraient pu la sauver, mais comme en prime sa mère, par une nuit d’expédition, s’est éprise d’un coyote, on s’attend à ce que sa progéniture soit un défi de taille à dompter. Bref, la bâtarde est condamnée, inutile et trop banale pour qu’on veuille l’adopter.
– C’est elle que je veux.
Sans hésiter. Je caresse la mère infidèle, qui me laisse prendre sa petite sans grogner. Elle nous suit sagement des yeux jusqu’au bout du sentier. Peut-être qu’elle sait subodorer la compassion ? Boule de poil sous le bras, je retourne à mon camion avec le souvenir du jour où je me suis sauvée du calvaire familial. La prison de chiens dans mon rétroviseur, je roule en souriant. La petite s’est assoupie, la gueule sur mon poignet. Mes doigts sur le levier de vitesse sont engourdis, mais ce n’est pas grave. J’ai trouvé mon bras droit, une nouvelle corde à mon arc de gardienne des bois.
D’une rive à l’autre du fleuve, puis de Rivière-du-Loup aux terres de la Couronne, nous mordons la route jusqu’à notre refuge sous les érables à sucre qui, à l’aube de la saison de la chasse, seront tous d’un rouge plus vif les uns que les autres : une érablière abandonnée au pays des hors-la-loi derrière laquelle j’ai caché ma roulotte. La route est cahoteuse, on y progresse comme avalées par la forêt. En montant vers la pourvoirie des Trois Lacs, j’emprunte mon embranchement secret. Sur ce chemin, il y a plus de traces d’orignaux que de pneus, et les branches basses des épinettes semblent se refermer derrière nous. Plus que quelques détours jusqu’à notre tanière de tôle tapie dans l’ombre.
Une couverture de laine t’attend, bien pliée, au pied de mon matelas. Je te promets une chose : jamais tu ne connaîtras les chaînes. Et je te traînerai partout, te montrerai tout ce que je sais du bois. Un jour, peut-être, tu sauras même te passer de moi.
La noirceur s’installe, les chouettes louangent l’heure des prédateurs. Le poêle ne tarde pas à chasser l’humidité de la roulotte, et moi à tuer les maringouins.
Elle se faufile jusqu’à mes genoux, ma petite chienne trop feluette pour tirer des traîneaux. Je lui cherche un nom, à cette face de fouine qui, cachée sous la fourrure de sa queue, couine dans son sommeil, rêvant peut-être déjà des proies qui lui échapperont tantôt.
Dire que les mushers du chenil allaient t’abattre… Dire que tu ne verras plus jamais ta mère. Comment te faire comprendre, mon orpheline, que nous serons l’une pour l’autre des bouées, qu’accrochées l’une à l’autre nous pourrons mieux affronter les armoires à glace qui ne chassent que pour le plaisir de dominer, de détruire ? Commencer par te flatter avec toute la tendresse que j’ai et enfouir mon nez dans ta fourrure sentant la paille humide qui t’a vue naître. Il me sera peut-être difficile de maîtriser la fougue sauvage qui coule dans tes veines. Mais même si tu restes rustre, tu me protégeras, j’espère, des fêlés qui braconnent et qui ont envoyé trop de mes collègues manger les pissenlits par la racine. Ma chance me sourira de tous ses crocs blancs, côté passager, et fera taire ceux qui essaient de m’intimider. Malgré tous nos gadgets, mon arme de service et l’expérience du métier, ce sont quand même les colleteurs qui sont les mieux armés.
Les braconniers ne sont pas les seuls qui me tirent du jus. J’ai pris la décision de briser ma solitude il y a quelques jours, ayant découvert dans le tronc du pommier, à quelques pas de la cabane à sucre, des marques de griffes fraîches remontant jusqu’à la cime de l’arbre, là où dansait au vent une mangeoire à pics-bois pleine de suif. Impolie, la bête s’est goinfrée de toutes les graines tombées au sol, puis dans mes talles de petites fraises. C’est pardonné – il m’est revenu cette convention du jardinier qui prévoit trois fois plus de semis qu’il n’espère récolter de fruits : un tiers pour soi, une part de pertes, et le reste pour la visite…
Humaine ou animale… souhaitée ou inattendue… amicale ou affamée.
Considérant l’espacement entre les lacérations du bois, c’est un ours adulte, sans aucun doute. Venu tâter le terrain, il reviendra peut-être faire de mes réserves son gueuleton de réveil. Et ce ne sont pas les feuilles de métal qui me servent de murs qui l’en empêcheront.
Je cuis un riz à l’agneau sur le feu et dépose la bouette viandeuse près de la petite ; ses yeux fuyants sondent le danger, puis elle engouffre la poêlée.
Tu ne resteras pas maigre, tu prendras du poil de la bête.
Comme trop de gens ont déjà nommé leur chien Tiloup, Louve ou Louna, je manque d’idées de prénom à deux syllabes qui résonne bien dans le lointain. Que tu peux crier à pleine gorge sans pour autant t’érailler la voix. Une voyelle finale qui porterait aussi loin que l’écho. Yoko ou Kahlo ? C’est vrai que, par les temps qui courent, les k sont à la mode.
En attendant que je trouve mieux, elle se nommera Coyote. Ma chienne a déjà de la gueule, se plante sur mon chemin vers la corde de bois comme pour me dire que c’est elle qui doit mener l’attelage de nos provisions de chauffage jusqu’à la roulotte, puis trébuche sur mes bottes de pluie, tombe sur son flanc. Me regarde, espiègle, ventre offert. Le creux de sa bedaine est doux comme des feuilles de guimauve. Déjà, je m’étonne – c’est fou ce qu’une bête peut apporter comme joie de vivre à quelqu’un qui a si peu de vrais amis dans la vie, qui a renié sa famille et qui a l’intuition qu’à sa naissance, ses vieux sont partis de l’hôpital avec le mauvais bébé. J’ai fouillé albums poussiéreux et arbres généalogiques, peut-être que tout s’explique. J’en garde la preuve dans ma poche, contre mon cœur.
Un tout petit bout de femme se tient bien droit à côté de son imposant mari sur la photo jaunie. Yeux en amande, cheveux tressés, mocassins aux pieds. Lui, dans son habit de trappeur, pipe à la main, grosse moustache, front haut. Accroupi à côté d’elle, de son regard qui transperce l’image, l’air de dire sauvez-moi quelqu’un. Mon arrière-grand-père en petit bonhomme arrive à sa hauteur, sa paluche velue enserrant la taille de sa jeune épouse comme si son trophée de chasse pouvait lui échapper. D’elle, mes yeux bruns peut-être. D’elle, ma soif insatiable de tout apprendre sur les Premières Nations, comme si, en cumulant dans mon esprit les mots traduits, les romans de brousse et les poèmes de taïga, je pouvais me rapprocher de mes racines et renouer avec elle, mon aïeule mi’gmaq au nom chrétien inventé pour ses noces.
Commenter  J’apprécie          10
Une couverture de laine t'attend, bien pliée, au pied de mon matelas.Je te promets une chose : jamais tu ne connaîtras les chaînes. Et je te traînerai partout, te montrerai tout ce que je sais du bois. (...)
Elle se faufile jusqu'à mes genoux, ma petite chienne trop fluette pour tirer des traîneaux. (...)
Dire que les mushers du chenil allaient t'abattre...
Dire que tu ne verras plus jamais ta mère. Comment te faire comprendre, mon orpheline, que nous serons l'une pour l'autre des bouées, qu'accrochées l'une à l'autre nous pourrons mieux affronter les armoires à glace qui ne chassent que pour le plaisir de dominer, de détruire ?
Commenter  J’apprécie          220
Venger les coyotes, les lynx, les ours, les martres, les ratons, les visons, les renards, les rats musqués, les pécans; venger les femmes battues ou violées qui ont trop peur pour sortir au grand jour. Moi, je ne veux pas vivre dans la peur. Et ça ne peut plus durer, ce manège, l’intimidation des victimes. Marco Grondin, c’est comme un prédateur détraqué qui tue pour le plaisir. Ça ne se guérit pas, ça. On n'aura pas la paix tant qu'il sévit, ni nous ni les animaux.
— Deux torts ne font pas un droit, murmure Anouk, qui triture l’ourlet de son chandail en hochant la tête.
— Vrai. Mais c’est ça pareil — y a un prédateur fou dans notre forêt. Alors on fait quoi? p. 243
Commenter  J’apprécie          201
Ils ont salué le saint-père, mais rien dit en
mémoire de grand-maman. Je bouillais en dedans.
— Si dieu existe, c’est une femme émancipée, libre et fertile,
croyez-moi.
Mes frères et soeurs m’ont regardée comme si j’étais une sorcière,
le blasphème incarné. Et en silence, picossant dans mon assiette, je
m’imaginais à quoi pouvait bien ressembler dame Nature.
Probablement à Artémis, la déesse grecque de la chasse, ou à la
sumérienne Inanna. Ailées, munies de serres, elles domptent les
fauves et protègent les cerfs, la veuve et l’orphelin.
Commenter  J’apprécie          211

Videos de Gabrielle Filteau-Chiba (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gabrielle Filteau-Chiba
Lecture par l'autrice & rencontre animée par Simon Payen
Pendant huit ans, Gabrielle Filteau-Chiba a vécu au coeur de la forêt québécoise. Seule dans une cabane, elle a dû apprendre à vivre dans ce nouvel environnement. Répartis en quatre saisons, ses poèmes témoignent de cette quête de sens. Ils décrivent son apprentissage des dangers de la nature et son adaptation progressive. Dominée par la beauté de la flore et de ses occupants, sa poésie met également en garde contre les nombreuses menaces qui continuent de planer sur ces territoires sauvages.
« J'en viendrai là c'est clair à aimer la pénombre à préférer au jour mes nuits de veille raconter le ruisseau gelé la soif du lac abreuvoir ce quelque part où enfin étancher toutes les bêtes en moi » Gabrielle Filteau-Chiba, La forêt barbelée.
À lire – Gabrielle Filteau-Chiba, La forêt barbelée, Castor Astral, 2024.
Son par François Turpin Lumière par Patrick Clitus Direction technique par Guillaume Parra Captation par Camille Arnaud
+ Lire la suite
autres livres classés : braconniersVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (1156) Voir plus



Quiz Voir plus

L'écologiste mystère

Quel mot concerne à la fois le métro, le papier, les arbres et les galères ?

voile
branche
rame
bois

11 questions
254 lecteurs ont répondu
Thèmes : écologie , developpement durable , Consommation durable , protection de la nature , protection animale , protection de l'environnement , pédagogie , mers et océansCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..