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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Les couloirs du métro peuplés et bruyants déversent ses flots comme le fleuve charrie son limon.
Anne rentre, juste pressée de retrouver l'intimité de son chez elle, quand sa route croise celle de Destiny enceinte et en apparente difficulté au milieu de cette marée humaine.
Anne s'arrête et accompagne Destiny jusqu'à l'hôpital en lui promettant de revenir lendemain.

Très vite Anne prend conscience d'une multitude de choses qui lui font ressentir que la barrière entre elles deux, n'est pas celle de la langue, mais plutôt celle des codes de la vie qu'elles n'ont pas en commun.
Elle traque, au départ de cette relation, tout ce qui peut faire lien et repousser les zones d'ombres qui enveloppent toute personne qui migre.
Destiny a un point de repère la gare de Lyon et un sésame le 115...

A partir de là, avec émotion mais sans pathos, le lecteur suit l'auteure, comme un néophyte suivant un plongeur dans les profondeurs de l'océan.
Car c'est véritablement une plongée dans la vie d'une personne où il est très difficile de démêler l'écheveau des réalités et des fantasmes.

La vie de Destiny se révèle à Anne, comme une poupée gigogne, impossible qu'un tête à tête, dans un café ou un restaurant ait la normalité que nous lui connaissons tous. Non, la vie de Destiny est loin très loin de nos stéréotypes.
Anne avec bienveillance et respect doit réinventer un langage, car l'aide à apporter n'est pas seulement matérielle. Comment faire, reste la question sous-jacente.
De plus Anne découvre qu'il y a de multiples réseaux d'aides et que c'est un véritable labyrinthe.
C'est une véritable cartographie des migrants qui se dessine sous nos yeux, avec son universalité mais toujours par le prisme des singularités de Destiny, car Destiny est elle et pas une autre, pas interchangeable.

Toute la beauté de ce récit réside dans cette grande humanité de Pierrette Fleutiaux, ce respect qu'elle montre, avec une multitudes de détails où sans fard elle avance dans ce lien à l'autre, à la fois si différent et si semblable à nous. 
Elle met également en exergue la force qu'il faut déployer pour traverser cet océan qu'il soit fait d'eau, d'hommes et de tracasseries administratives pour arriver à survivre.

Un beau regard nous est offert pour nous faire avancer tous vers plus d'humanité.
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Dans les couloirs du métro parisien, Anne retraitée blanche et française des beaux quartiers est chargée de sacs d'achat pour la future naissance de sa petite fille. Appuyée contre un mur, une jeune femme noire enceinte semble mal en point. Continuer son chemin ou s'arrêter ? C'est ce qui s'inscrit dans l'esprit d'Anne. Elle la dépasse mais revient sur ses pas. Un acte de bonne conscience, l'envie ou le besoin d'aider celle qui en a besoin? La jeune femme Destiny s'exprime dans un anglais approximatif, patiné de mots qui comme des cailloux retracent son parcours. Mais nous n'en sommes pas là. Anne réussit à la comprendre et à l'accompagner à l'hôpital. Elle lui promet de revenir le lendemain.
Pourquoi cette promesse ? Pour souffler un peu d'espoir à Destiny ? Pour lui faire comprendre qu'elle se préoccupe d'elle ? Depuis son Nigéria natal, Destiny à vingt-sept ans a parcouru des kilomètres, fuit les armes et le hommes menaçants. Elle a payé de son corps son passage en Italie ballotée sur un bateau avec d'autres migrants. Et là voici maintenant en France. Exclue, abonnée à la misère mais elle croit en son prénom. Tout sépare ces deux femmes " que s'imaginait donc Anne ? Qu'elle avait à faire à une gamine ignorante à prendre par la main et guider ! Ne sait-elle pas que celle-ci a des années de tourments derrière elle, des années d'enfer ? Oui, elle le sait, mais non, elle ne sait pas vraiment. Il n'y a rien dans la vie d'Anne, qui puisse lui servir de comparaison, qui puisse lui servir à comprendre vraiment, de l'intérieur, la vie de cette femme."

Destiny met au monde Glory, Anne entreprend des démarches qui jusque là lui étaient inconnues. Car Destiny n'a aucun endroit où loger, n'a pas d‘argent. Anne aimerait ou voudrait en qualité de celle qui aide en savoir plus, que Destiny lui soit reconnaissante pour les vêtements et l'argent donnés, la nourriture achetée. de Paris, Destiny connaît le "CentQuinze" mais pas la Tour Eiffel. Malgré les vacances familiales où la jeune femme s'estompe de son esprit, Anne revient toujours vers Destiny sans trop comment s'y prendre.
Car Destiny est fière, rebelle, elle veut faire venir ses deux autres enfants, trouver un emploi, ne veut pas se faire d'ami, sombre dans le dépression… Autant de quoi noyer Anne dans un océan de perplexité.

De cette relation fragile avec ses incompréhensions mutuelles, Pierrette Fleutiaux nous rappelle que l'aidant n'a pas tous les droits, que Destiny si elle ne déverse pas des torrents de gratitude possède sa liberté bien à elle. Et ces deux femmes vont s'apprivoiser avec leurs différences et chacune d'elle va gommer ce qu'elle ne peut pas comprendre de l'autre et s'enrichir.

Dans cette cartographie complexe des rapports humains, Pierrette Fleutiaux nous offre un regard lucide : des moments de complicité aux petites pensées égoïstes par instinct de protection d'Anne ou encore les mensonges de Destiny "Vérité et mensonge ne sont pas des concepts de référence très utiles quand on côtoie les miséreux du monde". Anne et Destiny s'ancrent en nous et nous questionnent à la façon d'un miroir.

Un livre rare et essentiel avec une sincère humanité car il fait partie de ces lectures qui mettent à mal les préjugés et nous interrogent. Un coup de coeur entier et total !

Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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Époustouflant d'humanité. Style taillé à la serpe pour ne garder que l'essentiel: la pensée, le sentiment et finalement l'espoir. Une ode à la fraternité, aux mains tendues. Merci à l'auteur de nous montrer combien cela pourrait être simple de vivre ensemble, les uns, les autres.
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Si j'ai eu un peu de mal au début avec le style haché et exigeant de l'auteure, j'ai pleinement goûté son texte.

La vie de Destiny n'est pas un long fleuve tranquille, il y a des zones d'ombres, des non-dits qui devront s'exprimer, ou pas.

Anne vacille elle-même parfois devant la misère de Destiny, tente de l'aider du mieux qu'elle peut, se heurte à la bureaucratie.

Un texte fort qui dévoile le quotidien de lutte des migrants en France. Leur combat n'est jamais fini.

L'image que je retiendrai :

Celle qu'Anne imagine souvent : la frêle embarcation sur laquelle Destiny est arrivé en Italie, criant son désespoir le premier jour de la traversée.
Lien : http://alexmotamots.fr/?p=2234
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Destiny (est-ce son vrai prénom ?) croit en son destin. Entre elle et Anne se développe une amitié, une amitié parfois compliquée : difficultés de communiquer, difficultés même de la rencontre, des rendez-vous où elles ne se trouvent pas. Il y a des zones d'ombre chez Destiny, des choses tues. Il y a une fragilité, un recroquevillement de tout son être.
Mais Destiny, c'est aussi une puissance d'aller, de franchir les obstacles, d'espérer du lendemain.
Anne perçoit cela. Elle perçoit aussi la frontière entre elles deux, elle qui donne de l'argent, qui invite au restaurant, qui dort dans un bel appartement. Elle qui malgré tous ses efforts ne peut concevoir ce que c'est que d'être exilé, précaire.
Une amitié étrange entre ces deux femmes, pas déséquilibrée mais irrationnelle, gratuite, hors norme. le point de vue développé par l'auteur est celui d'Anne. Tout ce que l'on sait de Destiny, on le sait par elle. Destiny est, au regard d'Anne, comme à celui du lecteur, à la fois opaque et proche, fragile et résiliente. Jamais l'auteur ne tente d'éclaircir ses zones d'ombre. Elle est la figure de l'Autre, l'exilée à la fois si humaine, avec qui Anne partage tant en peu de mots, et si indéchiffrable, comme tout Autre l'est à nous-même.
De belles pages d'humanité.
Lien : https://undeuxtroispetitscai..
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Cette histoire nous est donnée comme un récit, et pas un roman. Elle s'inscrit dans notre réalité contemporaine et raconte comment une femme en aide une autre, qui ne lui demandait rien : Anne, parisienne, classe moyenne, bientôt grand-mère, croise dans le métro Destiny, 27 ans, nigériane, sans papiers, enceinte. Obéissant à une injonction intérieure, Anne propose à Destiny de l'accompagner à l'hôpital, et lui promet de revenir le lendemain, ce qu'elle fera.
A partir de cette rencontre de hasard, une relation se noue entre ces deux femmes, fragile, hésitante : difficultés linguistiques – elles se parlent en anglais, qui n'est pas leur langue –, culturelles, méfiance, malentendus… Pierrette Fleutiaux montre toute la complexité de leur apprivoisement mutuel. Anne donne des vêtements, de l'argent, de son temps, mais se sent « perdue entre donner tout et ne donner rien », elle doit se défendre contre ses préjugés, les clichés qui lui viennent à l'esprit et faussent sa perception des choses. Si Anne voit au début Destiny comme « sa protégée », très vite elle se rend compte que la jeune femme est forte, déterminée, rétive.
On suit deux ans de leur histoire commune, deux ans pendant lesquels Destiny vit dans une extrême précarité, à la merci d'une expulsion, tandis que les barques continuent d'amener sur les rives de l'Europe des milliers de migrants, puisque c'est ainsi qu'on appelle maintenant ceux qui fuient la violence et la misère de leurs pays.
Pierrette Fleutiaux, avec ce récit subtil, nous donne à voir derrière les chiffres et les statistiques, des destins individuels, des hommes et des femmes qui, comme Destiny, n'aspirent qu'à « travailler, faire les courses, conduire [leurs] enfants à l'école. Aller au parc. L'ordinaire. Atteindre à l'ordinaire de la vie ».
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Chaque jour, les médias nous font part du drame des migrants, cette masse informe et impersonnelle. le parti pris de Pierrette Fleutiaux est de donner un nom, un visage et un corps à cette catastrophe humanitaire devant laquelle nous baissons les yeux.
Anne, la Parisienne, a choisi elle d'affronter la réalité après avoir croisé le regard de Destiny, une Nigériane ayant fui la violence de son pays pour trouver refuge en France. Mais l'accueil de ces damnés de la terre ne correspond pas à la tradition d'hospitalité qui devrait définir la patrie des droits de l'homme.
Anne va en quelque sorte se substituer aux défaillances de l'Etat et prendre par la main cette mère de famille de nouveau enceinte. Cette assistance passe par la compréhension de l'inconcevable parcours d'un être humain qui n'hésite pas à mentir sur son passé pour le rendre moins terrible.
Dans Destiny, il est question d'une rencontre choc entre deux femmes que tout oppose : Anne, à la vie ordinaire, et son acolyte africaine dont la vie ne fut que blessures et qui aspire à une existence normale.
Magnifiquement écrit, le récit de Pierrette Fleutiaux décrit tout en pudeur et sans pathos une belle aventure de résilience et d'amitié.

EXTRAITS
- Par ces deux, ces trois incarnations du dénuement, celle des campagnes d'autrefois et celles des villes européennes d'aujourd'hui, Anne peut commencer à avancer sur la route aride qui mène à la connaissance du dénuement total, effrayant, mais elle sent bien qu'aucune de ces incarnations du dénuement ne convient pour Destiny, aucune ne correspond à ce qu'elle raconte.
- Pour les pauvres, la vie est un casse-tête permanent, la pauvreté requiert ténacité et compétences multiples, survivre en état de pauvreté est un travail.
- La misère est comme l'Hydre, on réussit à lui couper une tête, il en repousse une autre.
- Pendant ce temps, les barques arrivent. Les années passent, elles continuent d'arriver.
Lien : http://papivore.net/litterat..
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