Citations sur Dans la tête de mon maître (10)
C'était un temps où les majuscules proliféraient : le Peuple, la Liberté, la Fraternité, la Révolution, La République, l'Homme... et plus les majuscules se multipliaient, moins les individus comptaient, c'était inversement proportionnel.
Je me disais en moi-même que nous vivions une étrange période, où des hommes fabriquaient des machines pour couper la tête de leurs semblables, pendant que d'autres dormaient en plein air pour prendre leur bain d'étoiles.
La Terreur, comme une ogresse primitive, allait dévorer ses propres enfants.
Alors que l’audience durait depuis trente-six heures, Bachmann, certain d’être condamné, se leva et s’avança avec un sang-froid admirable vers les meurtriers. Le président Lavau arrêta les tueurs d’un grand geste et les conjura de respecter la loi et l’accusé qui était sous son glaive. Ils acceptèrent de se replier et on les vit refluer, comme des hyènes qui ne peuvent s’approcher d’une carcasse parce que des lions la défendent. Mais, dans la cour de Mai, l’orgie de mort continuait. Émile me dit qu’il avait vu des femmes accrocher des oreilles à leur corsage en guise de broches. La foule se bousculait pour voir cette foire à la mort. Dans le tumulte et l’excitation de la tuerie, on vit la charrette du bourreau venir tranquillement se ranger dans la cour, on y pataugeait dans le sang et la boue, Bachmann y monta, enveloppé dans son grand manteau rouge brodé d’or. Il partit pour la guillotine sans que les massacreurs pensent à le réclamer.
Malgré le mouvement révolutionnaire, et même dans sa plus grande effervescence, le peuple de Paris continua d'aller paisiblement à l'Opéra
C’était une époque où l’on manquait de tout : de pain, de viande, de chandelles, de chaussures, d’armes… mais pas d’imagination ni d’invention.
Les grandes commotions, l’agitation convulsive, qui avait saisi le pays depuis trois années, la fièvre incessante des tribunes, le clubisme intense pour brasser des idées à grands mots, le patriotisme exacerbé, la trahison des généraux, la faim qui vous tenaillait, le spectacle de l’échafaud, qui avait engourdi les sensibilités, cette rage instinctive de vengeance, ce goût de survivre à tout prix, tout cela en gros et en détail, avaient engendré la Terreur.
En ce siècle finissant, on avait peur du noir et les Parisiens avaient exigé l’éclairage des rues, même par nuit de pleine lune. Mais si des lueurs inconnues apparaissaient dans l’obscurité, on enquêtait, on saisissait, on incarcérait. Même les lumières devenaient suspectes.
des choses extraordinaires ou effarantes ayant lieu plusieurs fois par jour, on ne pouvait plus suivre ; vous ne pouvez pas être surpris douze heures d’affilée
C’était un temps où les majuscules proliféraient : le Peuple, la Liberté, la Fraternité, la Révolution, La République, l’Homme… et plus les majuscules se multipliaient, moins les individus comptaient, c’était inversement proportionnel.