Pour un jour avec toi

Parfois, le meilleur moyen de découvrir ce qu'on doit faire est justement de faire ce qu'on n'est pas censé faire

Il m'a appris à me perdre, et j'ai alors appris à me retrouver.

On naît en un jour. On meurt en un jour. On peut changer en un jour. Et l’on peut tomber amoureux en un jour. Tout peut arriver en un jour.

N'empêche que pendant cette journée passé avec Willem sous l'identité de Loulou, j'ai pris conscience, que jusque-là, j'avais vécu dans une pièce minuscule sans porte ni fenêtres. Sans que cela me perturbe. J'étais heureuse, même. Du moins, je le croyais. Et puis quelqu'un est arrivé et m'a montré qu'il y avait une porte dans cette pièce. Une porte que je n'avais encore jamais vue. Il l'a ouverte et il m'a te"nu par la main pendant que je la franchissais. Et j'ai passé un jour merveilleux de l'autre côté de cette porte. J'étais ailleurs. J'étais quelqu'un d'autre. Et puis il a disparu et maintenant je suis de retour dans ma petite pièce. Incapable de retrouver cette porte malgré tous mes efforts.

Il éclate d'un rire qui me remplit de joie. Et j'ai l'impression de comprendre pour la première fois que le rire est fait pour ça, pour rendre heureux.

C'est curieux, ces choses qu'on croyait terrifiantes et qui ne font plus peur une fois qu'elles nous tombent dessus.

Nous restons face à face, un peu gauches. Je nous revois il y a quelques années au Mexique, en haut du grand plongeoir. Nous sautions ensemble, mais une fois dans l'eau, nous ne pouvions faire autrement que de nager séparément. Et à chaque fois que nous remontions, et nous recommencions.
En ce moment, nous nageons séparément. C'est sans doute nécessaire pour garder la tête hors de l'eau. Mais qui sait ? Un jour peut-être, nous en sortirons et nous plongerons à nouveau main dans la main.

Voilà la vérité. J'ai beau n'avoir que dix-huit ans, il est évident pour moi que dans le monde il y a deux groupes de gens : ceux qui agissent et ceux qui observent. Les gens à qui les choses arrivent et les autres, qui ont du mal à les faire bouger. Les Loulou et les Allyson.

Et je comprends enfin que l'on puisse dire du temps qu'il est "liquide". Car devant moi, soudain, l'année passée s'écoule en se condensant et en se dilatant, de sorte que tout en étant ici, à Amsterdam, en train de manger un sandwich à l'hagelslag, je suis en même temps à Paris, la main de Willem sur ma hanche, je regarde défiler le paysage dans le train de Londres, je fais la queue pour assister à la représentation d'Hamlet. Je vois Willem. En Angleterre, devant le bassin, mon regard accrochant le sien. Dans le train, avec son jean encore sans tache et moi pas encore "tachée". Dans l'Eurostar, riant de son rire aux innombrables nuances.

- Bon, je retourne travailler. J'ai un rencart avec le troisième principe de la thermodynamique.
- Ç'a l'air hot, dit Jenn.