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EAN : 9791026244820
342 pages
Librinova (29/01/2020)
5/5   1 notes
Résumé :
Serge et Christian, deux enseignants français, s’apprêtent à embarquer ensemble vers l’Algérie où ils ont choisi de devenir coopérants. La ville de Bejaïa leur ouvre les bras.Pour Serge, le célibataire endurci, ce voyage est l’occasion de renouer avec les souvenirs de son service militaire, effectué dans la région d’Oran ; et  de retrouver la jeune et belle Leila, rencontrée vingt ans plus tôt.Pour la famille de Christian, c'est le choix d'une nouvelle vie. Curieux ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Après nous avoir plongés dans la province française et l'Europe des années soixante avec ses trois premiers romans, Jean-Claude Fournier nous invite cette fois-ci à un voyage temporel et géographique plus large.
Son quatrième opus romanesque, en partie autobiographique comme les premiers, se présente en effet tout à la fois comme :
- une fresque historique qui commence au moment où l'Algérie accède à l'indépendance, en 1962, et se termine juste avant les émeutes meurtrières de 1988. Ces événements précipitèrent la chute du président Chadli, se soldèrent par l'organisation des premières élections « libres » depuis le départ de la France, lesquelles donneront la majorité au Front Islamique de Salut. Ce résultat provoqua à son tour l'annulation du scrutin par le FLN et une guerre civile de 10 ans, appelée « La décennie noire » ;
- L'histoire d'un amour improbable entre une Algérienne et un coopérant, sorte de métaphore de la difficulté des deux pays à tirer mutuellement avantage d'un passé en partie commun, ceci en dépit des profondes blessures laissées par l'Histoire ;
- une peinture de la société algérienne au milieu des années 80, période qui vit la montée de l'islamisme radical dans les consciences, sur fond de corruption généralisée, de faillite économique due en grande partie à l'option radicalement « socialiste » prise par Boumedienne après le limogeage de Ben Bella ;
- Un constat de l'échec de la coopération franco-algérienne dans le domaine culturel, alors que s'accéléraient l'arabisation du pays et l'islamisation des consciences ;
- le « road-book » d'un « écrivain voyageur », qui suit le cheminent d'une famille de coopérants lors de ses tribulations touristiques et littéraires au coeur brûlant d'un Sahara mystérieux et insondable ;
- le livre d'une perte des illusions d'un trio de militants de gauche qui avaient placé leurs espoirs de meilleur des mondes à venir dans une Algérie qui avait opté (officiellement !) pour un mode de production « socialiste et autogéré. » ;
- le récit autobiographique de la manière dont une communauté enseignante francophone a vécu le départ des coopérants au fur et à mesure où l'islamisme radical s'emparait des coeurs et des âmes. le livre s'efforce de montrer que cette inexorable conversion du corps social aux thèses salafistes s'opérait alors que la population se montrait en apparence toujours globalement bienveillante à l'égard des « Roumis » en général et des Français en particulier. Ce paradoxe rend plus incompréhensible encore les fatwas promulguées par le GIA quelques années plus tard à peine, lesquelles déclaraient que les étrangers voyageraient désormais à leurs risques et périls dans le pays…
- Une rétrospective historique qui explique en grande partie la tournure que prennent aujourd'hui les manifestations de masse contre la dictature exercée par le FLN depuis l'indépendance.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Dans toutes ces récentes cités champignons, les urbanistes, qu’ils soient coopérants étrangers ou autochtones, avaient visiblement reçu pour consignes de s’inspirer du style musulman saharien. Ces nouveaux quartiers faisaient penser à un décor de western en carton-pâte, où seules les façades auraient été achevées. En roulant sans s’arrêter, on était en droit de se dire que tout était planté là pour donner l’illusion qu’une communauté humaine d’une certaine importance pouvait vivre et prospérer dans un environnement hostile. Tiaret semblait menacée par le syndrome de tous les barrages verts et les Babylone millénaires. Eux aussi avaient été ensevelis sous les sédiments des lustres évanouis, après avoir rayonné jusqu’aux confins de leurs limes barbares depuis le point d’eau qui les avait vues naître et croître.
On pouvait très bien imaginer que ces pâles copies de métropoles disparues subiraient un sort identique, ceci plus rapidement que leurs illustres consœurs, et ne laisseraient aucune empreinte ni la moindre réminiscence de leur splendeur passée. Dans quelques siècles à peine, quels archéologues se préoccuperaient de retrouver les traces d’un ersatz d’arc antique, au triomphe immodeste, érigé à l’entrée de la ville pour proclamer la victoire définitive des Spartacus contemporains sur les césars occidentaux ? À l’instar du petit livre rouge du grand timonier chinois, les slogans affichés dans les nouveaux quartiers conquis sur le désert prétendaient que la foi révolutionnaire pouvait ici, à défaut de soulever des montagnes, faire fi d’un lent mais implacable tsunami. Semblable au déluge biblique, cette vague-là semblait immobile. Mais elle avançait inexorablement, plus sournoise encore que la colère des océans après un tremblement de terre. Elle engloutirait tout sur son passage. Et, après elle, ne resteraient que les dunes pour rappeler aux bâtisseurs la vanité de leurs défis de pierre lancés à la face de l’impitoyable mère Nature…
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Pour s’évader de la laideur des cités, il y avait bien d’autres activités de plein air, comme la marche dans le parc du Gouraya, la montagne surplombant la ville, et les criques du cap Carbon. On y rencontrait des singes ainsi qu’une laie et ses marcassins. Cette principale attraction du lieu était offerte gratuitement avec, en prime, le paysage méditerranéen, splendide, inviolé presque. Au goût de Françoise et de son compagnon, seule manquait à ce tableau d’une pureté élégiaque, la présence de ruines semblables à celles de Tipasa. Bejaïa pouvait pourtant se flatter de posséder un recoin béni des dieux, en forme d’immense amphithéâtre de maquis et de rochers. Cette arène naturelle compensait l’insuffisance de vestiges antiques dans les parages. L’ostinato têtu, cristallin, scandé en chœur par les cigales, faisait entendre sa symphonie si caractéristique, écrite pour un orchestre composé exclusivement de milliers d’instruments de percussion minuscules, infimes. Les insectes étaient les véritables propriétaires du lieu, comme partout ailleurs autour de la Méditerranée. Comme ils l’avaient toujours fait, ils frottaient leurs mandibules à l’unisson pour créer cette vibration inimitable de l’air, ce patrimoine sonore que tous les peuples de cette mer intérieure se partagent depuis des siècles. Ici, bien plus tard dans l’année qu’en Provence, jusqu’aux portes de l’hiver, les grillons locaux rivalisaient de leurs trilles stridentes. Ils crissaient en chœur, animés par l’unique volonté de célébrer leur messe intemporelle, leur hymne à l’amour envers un paysage encore hanté par les dieux grecs et latins, ceci malgré l’absence de temples ou d’arcs de triomphe antiques sur ces pentes majestueuses.
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Lors d’incursions ultérieures dans des mechtas reculées, une fois qu’ils furent en confiance, il leur arriva même plusieurs fois de coucher chez l’habitant. Les gens insistaient pour les abriter dans leur gourbi. Ils se privaient eux-mêmes de leur lit pour l’offrir à leurs hôtes. Les vieux partageaient la pièce commune avec leur ribambelle d’enfants. Une fois les invités et leur marmaille à la blonde chevelure installés confortablement dans la chambre parentale, tous les membres de la « famille d’accueil », adultes et bambins confondus, dormaient dans ce qui leur tenait lieu de salon. Ils tombaient de sommeil les uns après les autres. L’écran de télévision, œil de cyclope inquisiteur, finissait par ne plus projeter aucune image. Il restait cependant allumé, pour continuer sans doute à veiller sur la santé idéologique de ces âmes, comme le ferait un Big Brother des temps nouveaux. Quelques « mousses » posées à même le sol pour la circonstance servaient de couches à ceux des gosses qui n’avaient pas trouvé place sur les matelas disposés habituellement autour de la pièce en guise de sofa ou de canapé. Les visiteurs pouvaient ainsi profiter tout à leur aise de l’alcôve nuptiale où cette nombreuse progéniture avait été conçue.
C’était comme si rien ne s’était passé vingt ans auparavant. On eût dit que les haines accumulées pendant des siècles et pendant la guerre de libération n’avaient pas laissé de trace dans le cœur des gens. Les rancœurs semblaient abolies par la fierté d’être enfin libres de décider soi-même de son destin. Et qu’importait si l’indépendance n’avait pas encore changé significativement la vie des populations rurales et citadines.
Ceux qui étaient invités, ces étrangers venus presque d’une autre planète, ne pouvaient s’empêcher de penser que tout restait à faire dans ce pays, que l’on était loin du compte... Ils ignoraient, eux, la capacité de ce peuple à tout pardonner à leurs dirigeants. Leurs héros et « chuhadas » avaient bouté les envahisseurs hors du sol natal. Cela leur suffisait pour absoudre les nouveaux maîtres de leur destinée. La vie de tous les jours leur semblait s’améliorer un peu. L’étrange petite lucarne chargée de veiller sur la pureté de leur foi en un avenir radieux leur promettait un futur désirable. Que demander de plus !
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En tout cas, une anecdote illustre mieux que d’autres la gêne occasionnée lorsque l’on s’avisait de demander à la ronde pourquoi certains passants avaient le bout du nez coupé. Après avoir entendu l’explication de la bouche de certains informateurs qui souhaitaient rester anonymes, les deux compères du lycée d’Amizour s’amusaient à jouer les béotiens auprès de nombreux interlocuteurs. La plupart du temps, on parlait de maladie des voies respiratoires ou d’accidents. Plusieurs fois cependant, la véritable raison de ces mutilations leur fut dévoilée. Afin de mettre en difficulté les fabricants de cigarettes métropolitaines et de mieux contrôler la soumission de la population autochtone à ses mots d’ordre, le FLN avait décidé d’interdire l’usage du tabac aux musulmans. Ceux qui étaient pris à enfreindre le tabou révolutionnaire étaient châtiés de manière barbare. On leur coupait l’extrémité non cartilagineuse des narines, ce qui ne laissait à la victime qu’un moignon de nez et le défigurait pour le reste de son existence. Ces malheureux devenaient ainsi des sortes de lépreux collatéraux de la lutte pour l’indépendance, tout comme les gueules cassées de 14-18, qui faisaient peur aux enfants et donnaient mauvaise conscience aux adultes…
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Avec l’adoption récente du Code de la famille en 1984, c’est un tournant conservateur qui fut pris quelques mois seulement après l’arrivée du nouveau contingent de coopérants. « Un virage à quatre-vingt-dix degrés, pour amadouer les frérots », selon ceux qui craignaient déjà une dérive fondamentaliste des autorités, ». Les partisans d’une Algérie laïque représentaient une minorité, mais ils étaient plus nombreux en Kabylie que dans le reste du pays. Ils parlaient d’une volte-face, qui introduisait, plus que par le passé, certains éléments de la « Charia ». Par ce terme, on désignait un ensemble de préceptes coraniques et de hadiths qui étaient encore ignorés au nord de la méditerranée, mais qui allait s’avérer tristement célèbre quelques décennies après.
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